Le Comité a demandé (Décision 12.COM 8.b) une synthèse spécifique sur les mesures prises par les États parties pour sensibiliser à l’importance du patrimoine culturel immatériel. Cette information a été produite en 2018 pour sa treizième session (ITH/18/13.COM/7.b: anglais|français) et le contenu a été extrait sur cette page pour une plus grande consultation et visibilité.
Cliquer sur les pays concernés pour lire les rapports complets soumis par les États parties.
D’après les États ayant soumis un rapport, la sensibilisation à l’importance du patrimoine culturel immatériel touche diverses parties prenantes, comme les organismes compétents désignés pour la mise en œuvre de la Convention, les centres de recherche et de documentation, les institutions de conservation de la mémoire (archives, bibliothèques, musées), les établissements d’enseignement, les organisations non gouvernementales, et les centres et les associations communautaires, qui mettent en œuvre des activités distinctes ou nouent des partenariats. S’agissant des relations avec les réseaux d’organismes liés à l’UNESCO, le Kazakhstan, la Mauritanie et l’ex-République yougoslave de Macédoine, par exemple, ont signalé la participation de Clubs UNESCO à des activités de sensibilisation, tandis que l’Autriche et la Slovénie ont rendu compte des activités du Réseau du système des écoles associées de l’UNESCO sur des thèmes liés au patrimoine culturel immatériel.
Concernant les mesures de sensibilisation du grand public, plusieurs pays ont reconnu le rôle primordial des inventaires du patrimoine culturel immatériel et de leur création en tant qu’outil de sensibilisation. Par exemple, l’Algérie considère que le fait de mettre l’inventaire à la disposition du public contribue à la sensibilisation du grand public, tandis que la Suède a indiqué dans son rapport que le processus d’inventaire évoluait constamment face au défi pédagogique majeur de la transmission du savoir au grand public, et les Émirats arabes unis promeuvent la réalisation d’inventaires pour la sensibilisation à l’échelle locale et nationale. L’Ouganda considère que l’inventaire fournit un point de référence pour approfondir la recherche et la sauvegarde, et le Bélarus a reconnu que l’inventaire national facilitait l’échange de connaissances et était une excellente ressource éducative pour les élèves et les étudiants. Outre l’élaboration d’inventaires et l’éducation, qui ont déjà fait l’objet d’études approfondies dans le cadre de l’examen de rapports périodiques, les États ont rendu compte de divers autres moyens pour sensibiliser à l’importance du patrimoine culturel immatériel. Les mesures suivantes pourraient notamment être explorées en raison de leur présence fréquente dans les rapports : (i) des journées, semaines et années du patrimoine ; (ii) des festivals et concours ; (iii) la reconnaissance publique des détenteurs du patrimoine, dont les Trésors humains vivants ; et (iv) la communication et l’implication des médias, en particulier la radio et la télévision. D’autres mesures ont également été adaptées, notamment pour prendre en compte des groupes cibles spécifiques.
La proclamation de journées, semaines et années du patrimoine a été reconnue par plusieurs pays comme un moyen efficace de sensibiliser au patrimoine culturel immatériel, aussi bien sur le territoire national qu’à l’étranger. Par exemple, dans certains pays européens tels que la Croatie, la France, la Hongrie, le Monténégro et la Serbie, les Journées européennes du patrimoine sont l’occasion de sensibiliser au patrimoine culturel immatériel. La Suisse a rendu compte des activités prisées qu’elle organise au niveau régional dans le cadre des Journées européennes des métiers d’art. Le Bangladesh, la Slovaquie et la Serbie ont évoqué les possibilités de promotion du patrimoine culturel immatériel offertes par la Journée internationale de la langue maternelle ; et la République dominicaine a instauré une journée annuelle du patrimoine culturel honorant les détenteurs du patrimoine, tandis que la Chine organise des activités visant spécifiquement les jeunes. Les fêtes nationales existantes peuvent aussi servir à promouvoir le patrimoine culturel immatériel dans le pays, comme l’ont déclaré la Chine, la Lituanie, les Tonga et les Émirats arabes unis, par exemple. D’autres pays ont mis en place des journées nationales, notamment pour sensibiliser au patrimoine culturel, par exemple en Argentine (Journée nationale des Afro-argentins et de la culture africaine), au Guatemala (journées nationales du peuple garifuna et des femmes garifunas), au Turkménistan (journée des fabricants de tapis, journée des spécialistes de la culture et des arts, journée des travailleurs du textile, fête de la moisson, etc.) et en Uruguay (Journée nationale du candombe, de la culture afro-uruguayenne et de l’égalité raciale). Le Mali a institué une Semaine nationale du patrimoine culturel, qui est l’occasion d’organiser des conférences, de discuter de la sauvegarde du patrimoine culturel, de renforcer les connaissances des jeunes générations et d’impliquer les médias, et l’Algérie a mis en place des semaines culturelles dans chaque wilaya (province), au cours desquelles les associations culturelles des différentes provinces se rencontrent, favorisant ainsi le dialogue interculturel. En ce qui a trait aux activités spéciales de sensibilisation exercées tout au long de l’année, la Lituanie a déclaré que la proclamation d’années thématiques par le Parlement constituait un outil de sensibilisation efficace (par exemple, les années des dialectes, des régions ethnographiques, des communautés, etc.). Pour ce qui est des activités similaires à l’étranger, Oman, par exemple, organise des semaines et des journées de la culture omanaise, et l’Inde réalise des activités de sensibilisation dans les pays voisins, à l’occasion par exemple de la Journée internationale du yoga.
Les festivals nouveaux et existants sont couramment utilisés pour la sensibilisation. Des festivals liés au patrimoine culturel immatériel ont été mentionnés par presque tous les États ayant soumis un rapport. L’organisation de concours représente également un moyen important de sensibilisation, plusieurs États ayant déclaré que les concours étaient une façon efficace de s’adresser aux enfants et aux jeunes. Dans l’ex-République yougoslave de Macédoine, de petits concours de dessins ou des expositions de peintures d’enfants autour d’éléments du patrimoine culturel immatériel permettent d’attirer les enfants d’âge préscolaire. Au Zimbabwe, un concours de danse est organisé chaque année à destination des écoles primaires. La Géorgie a lancé des concours annuels sur le patrimoine culturel immatériel auxquels les écoles secondaires de tout le pays participent activement. La Belgique a reconnu que de nouvelles initiatives, comme un concours du meilleur char, assuraient une plus grande implication des écoles et une participation constante des jeunes. La Lettonie procède à des concours dans le cadre de l’éducation à l’intérêt pour les enfants et les jeunes ; et la Bulgarie organise un concours télévisuel pour les enfants jouant de la musique traditionnelle. La Serbie a indiqué dans son rapport que les concours découlaient de l’intérêt des communautés locales et jouaient un rôle décisif dans la sensibilisation, surtout pour attirer les jeunes ; et aux Émirats arabes unis, des concours sont organisés pour les jeunes, notamment pour assurer la transmission des connaissances relatives aux jeux d’enfants et aux arts du spectacle. Parfois, les concours font partie intégrante des éléments du patrimoine culturel immatériel. Comme l’a indiqué le Kirghizistan, des concours publics d’aitysh (joute chantée entre improvisateurs akyn, l’une des formes de chants populaires poétiques de la tradition orale kirghiz) sont organisés à l’occasion des fêtes nationales. D’autres fois, les concours peuvent répondre à des objectifs de redynamisation. Au Maroc, un concours télévisuel a réuni des conteurs de différentes régions qui, en montrant leurs compétences et leur expertise, ont encouragé les détenteurs et les plus jeunes à s’intéresser davantage à la transmission et à y œuvrer. Des concours de conteurs épiques sont également organisés chaque année en Ouzbékistan et, en Turquie, des concours de narration sont organisés dans les écoles élémentaires. Un État non partie à la Convention, la Fédération de Russie, a également signalé au sujet de ses deux éléments inscrits que les concours permettaient de raviver la tradition narrative. En Espagne, dans la province de Valence, des concours internationaux de musique contemporaine sont organisés pour les compositeurs, afin de sensibiliser aux instruments traditionnels : la dolçaina et le tabal.
S’agissant de la reconnaissance publique des détenteurs du patrimoine – des particuliers doués de compétences et expérimentés dans la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel –, elle est exprimée dans plusieurs États à l’occasion de divers événements. Par exemple, le Bangladesh organise des concours d’arts traditionnels du spectacle qui viennent récompenser les meilleurs artistes. Le prix remis aux musiciens traditionnels les plus talentueux en Norvège et en Suède, ainsi que le titre de « jeune maître en art populaire » en Hongrie, s’inscrivent dans une approche durable qui a été mise en place il y a plusieurs décennies, avant l’adoption de la Convention, et assure toujours une reconnaissance publique. Certains États ont créé des systèmes permettant d’honorer et de récompenser les détenteurs du patrimoine, voire de leur apporter des avantages sociaux. Par exemple, à Djibouti, une distinction honorifique prestigieuse reconnaît leurs contributions à la sauvegarde et au développement de la culture. En Inde, des prix nationaux des arts du spectacle s’appliquent également au patrimoine culturel immatériel, tandis qu’au Kazakhstan, plusieurs prix sont décernés chaque année aux détenteurs du patrimoine les plus créatifs, en plus de fonds supplémentaires et d’avantages sociaux.
Des systèmes inspirés par l’ancien programme de l’UNESCO « Trésors humains vivants » ont été mis en place dans des pays de diverses régions. La Turquie a intégré un tel système dans son inventaire national ; les critères comprennent l’excellence dans l’application pratique des connaissances concernées, et l’existence d’une personne ou d’un groupe dédié au domaine spécialisé. De même, des titres respectifs sont attribués : aux détenteurs qui disposent d’antécédents reconnus en matière de production artisanale en Argentine ; aux praticiens qui sont considérés comme des maîtres de leur artisanat au Nigéria ; aux personnes physiques et morales célèbres pour leurs connaissances et leurs compétences dans divers domaines du patrimoine culturel immatériel au Mali ; enfin, au Chili, aux personnes et aux communautés qui sauvegardent des manifestations significatives de patrimoine culturel immatériel, y compris des expressions culturelles en voie de disparition. En plus de l’aide financière éventuelle pour la transmission, les titres respectifs sont suivis d’activités de sensibilisation spécialement élaborées, par exemple sous la forme de publications et d’ateliers. Comme l’a indiqué la République de Corée, ce titre sert d’encouragement à transmettre les compétences concernées ; selon la Roumanie, ce type de programme constitue une excellente occasion de souligner le rôle créatif de plusieurs exécutants exceptionnels. Des systèmes comparables de reconnaissance ont également été adoptés en Bulgarie, en Tchéquie et en Estonie – dans ce dernier cas, pour distinguer ceux qui contribuent largement à la sauvegarde de la culture et de la langue locales ; et des systèmes similaires ont également été établis en Côte d’Ivoire, en République dominicaine et au Maroc, afin de promouvoir les détenteurs et les praticiens.
Le rôle de la communication et l’implication des médias, notamment la radio et la télévision, ont été soulignés par plusieurs pays dans leurs rapports. Ainsi, le Bangladesh, le Botswana, le Nigéria et l’Ouganda ont déclaré que les médias écrits comme électroniques jouent un rôle important dans la sensibilisation. Comme l’a déclaré la Bosnie-Herzégovine, ces médias sont utilisés directement par les communautés locales pour promouvoir leur patrimoine culturel immatériel ; et la Croatie, le Honduras et le Japon, par exemple, ont mentionné le rôle des journaux locaux, entre autres médias. D’une façon générale, le rôle de la presse écrite est moins visible dans les rapports, tandis que les États donnent la priorité à la radio et à la télévision, et les outils de communication en ligne sont également répandus, notamment en ce qui concerne la disponibilité des inventaires. Le Kazakhstan a ainsi créé un portail du patrimoine culturel, fournissant une grande diversité de documents sonores, vidéos et photographiques. Les réseaux sociaux sont également mentionnés dans les rapports, mais dans une moindre mesure. Djibouti et l’Ouganda ont souligné l’importance capitale de l’emploi des langues locales pour communiquer en matière de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
Dans plusieurs cas, une attention particulière est portée à la radio et à la télévision, et des programmes et des chaînes traitant du patrimoine ont été lancés. Ainsi, un programme hebdomadaire de radio sur le patrimoine culturel immatériel et la Convention de 2003 est diffusé en Ouganda, et des radios privées sont impliquées dans la documentation et la diffusion du patrimoine culturel immatériel en Mauritanie. L’Algérie, le Burundi, le Mali, le Mexique et l’Espagne ont noté l’importance des radios communautaires et locales, et la Lettonie a donné l’exemple d’une station de radio de musique traditionnelle en ligne. Concernant la télévision, en Oman, une série de programmes de radio et de télévision aide à mieux faire connaître l’art, la poésie et les chants traditionnels du grand public, et la Chaîne culturelle d’Oman a été lancée pour mettre en valeur le patrimoine omanais, tant matériel qu’immatériel. De même, la Chaîne du patrimoine culturel de la République de Corée a été lancée, et des programmes de télévision spéciaux sont également diffusés, par exemple au Bangladesh, à Cuba, en Éthiopie, au Panama ou encore en République centrafricaine, qui a des programmes de radio et de télévision sur des thèmes liés aux populations autochtones et minoritaires. Dans son rapport, la Mongolie a indiqué que son inventaire national a été largement promu via la radio et la télévision et, comme l’ont rappelé, par exemple, la Pologne et le Turkménistan, les archives de radio et de télévision sont une source précieuse et croissante d’enregistrements de coutumes et de célébrations ainsi que de documentaires sur les différents aspects du patrimoine culturel immatériel. Le Liban a toutefois exprimé certains doutes quant à la disponibilité de ces archives, qu’elles proviennent de chaînes de télévision et de radios publiques ou privées.
En plus des mesures de sensibilisation destinées au grand public, les États ont également déclaré cibler différents groupes et adapter les mesures de sensibilisation en conséquence. Pour améliorer la transmission du patrimoine culturel, le dialogue intergénérationnel a été renforcé. Par exemple, le Bélarus et la Jamaïque ont fait état de l’implication des jeunes dans la documentation du patrimoine culturel immatériel, ce qui suscite un respect envers leurs aînés ; la République arabe syrienne a organisé des joutes oratoires pour impliquer les jeunes dans les discussions publiques sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Pour créer des conditions favorables à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, les capacités des décideurs sont établies à différents niveaux. La Mauritanie et la République de Corée ont ainsi insisté sur le rôle que doivent jouer les politiciens, les officiels du gouvernement et d’autres responsables. La Pologne a évoqué des ateliers régionaux et l’Ouganda a souligné l’importance de la sensibilisation et du renforcement du rôle des gouvernements locaux en particulier. Le Mali et les Tonga ont décrit des programmes de sensibilisation régionaux auxquels participent des fonctionnaires au niveau des districts, tandis que la Lituanie a souligné l’intérêt de sensibiliser des spécialistes travaillant dans les espaces naturels protégés, qui sont également importants pour sauvegarde le patrimoine culturel immatériel.
En plus des mesures susmentionnées, certains États ont déclaré que les initiatives de sensibilisation contribuent également à la cohésion sociale. Le Mali a reconnu le rôle du patrimoine culturel immatériel dans la médiation de situations de conflit et dans le renforcement de la cohésion sociale dans les situations d’après-conflit, et a insisté sur la nécessité de dépasser les mauvaises interprétations des pratiques traditionnelles liées aux religions. Ce dernier point a également été rapporté, entre autres, par le Bangladesh. La Grèce a fait valoir la contribution du patrimoine culturel immatériel dans la cohésion sociale, notamment au sein des communautés rurales qui se dépeuplent rapidement. Le patrimoine culturel immatériel a également été utilisé pour communiquer sur des questions de santé importantes du point de vue social, comme le VIH et le SIDA en Ouganda. Certains États ont évoqué le rôle d’éléments concrets de patrimoine culturel immatériel pour renforcer la cohésion sociale. La Croatie a déclaré que la Procession Za Krizen (« chemin de croix ») sur l’île de Hvar constitue un lien entre les populations vivant sur le l’île et celles ayant émigré ; en Équateur, le Tissage traditionnel du chapeau de paille toquilla équatorien présente une caractéristique symbolique qui encourage la cohésion sociale entre les groupes qui sont les gardiens de cet art, en devenant un élément d’identité et de continuité culturelle. L’Uruguay a expliqué que le Candombe et son espace socio-culturel ont aidé à renforcer la coexistence des citoyens autour d’une pratique musicale et chorégraphique. Le Malawi a rapporté que les liens au sein des communautés Lomwe et avec d’autres groupes communautaires ont été renforcés grâce au patrimoine culturel immatériel, et la Lituanie a affirmé que les célébrations de danses et de chants baltes consolident les liens communautaires.