A titre indicatif et afin d’illustrer par des exemples concrets la notion de patrimoine vivant, la liste ci-dessous regroupe quelques exemples de pratiques et expressions culturelles d’Egypte, de Jordanie, du Liban et de Syrie*.

Cette liste, informelle et non exhaustive, est principalement issue des rapports sur les états des lieux menés au cours de la phase I de MedLiHer, et intègre également des éléments de PCI inscrits sur les
Listes de la Convention.

Égypte

L’épopée Al-Sirah al-Hilaliyyah (Inscrit en 2008 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité)

Le théâtre d’ombre Karaköz
Cette tradition, qui avait fait son apparition dans le monde arabe au XIIe siècle, a peut-être déjà disparu. Il y a quelques années, j’ai rencontré l’un de ses derniers détenteurs au Caire dans la troupe théâtrale al-Warsha d’Hassan Geretly. Les figurines, de cuir ou de carton, mesurent une vingtaine de cm de hauteur et sont soutenues par des tiges plantées horizontalement dans leurs articulations. Elles sont translucides et peintes avec des pigments naturels. Il s’agit-là d’un projet d’urgence à monter avec les pays voisins, où ce théâtre d’ombre est en déclin total.

Le théâtre d’ombre Karaköz- Atelier de marionnettes d’ombre, Formation à Wekalat El-Ghouri dans le Vieux-Caire, Egypte.
© Nabil Bahgt

La lanterne du Ramadan
La lanterne du Ramadan figure parmi les éléments du patrimoine associés à la célébration annuelle du mois de Ramadan. De formes et de tailles variées, la lanterne est faite de plaques de verre coloré et de fer blanc. Elle éclaire au moyen d’une bougie placée à l’intérieur ou, dans le cas des lanternes de grande taille, de l’électricité. La lanterne est également liée aux enfants, qui la portent lorsqu’ils défilent dans les rues en chantant des chansons folkloriques à l’occasion du Ramadan. De nos jours, la lanterne sert à décorer et à illuminer les rues pendant les nuits du mois de Ramadan. Cependant, la production périclite et les nouvelles lanternes que l’on utilise désormais sont de forme inaccoutumée, ce sont des lanternes bon marché fabriquées en Chine et dépourvues de toute qualité esthétique.

La clarinette en bambou (Al Arghool)
La clarinette en bambou est un instrument à vent utilisé dans la musique folklorique égyptienne. Elle se compose de deux tuyaux de bambou attachés l’un à l’autre; le premier est percé de six trous, le second est plus long que le premier. Le chanteur peut fixer des tuyaux supplémentaires si nécessaire. La taille de la clarinette en bambou varie donc de 50 cm à 2 m. Toutefois, l’usage des longues clarinettes chez les chanteurs folkloriques est en recul. Pour jouer de cet instrument, on souffle dans une anche adaptée à la partie supérieure des deux tuyaux. La clarinette accompagne de nombreuses chansons folkloriques, dont la plus célèbre est la ronde.

L’art du Waw
L’art du waw, qui s’épanouit au cours de la période mamelouke et turque, était utilisé comme une forme indirecte de résistance au dirigeant. Cet art fut inventé par le poète Ahmed Ibn Arous, né à Qena en 1780, pendant la période mamelouke. C’est la raison pour laquelle les historiens rattachent cette forme de poésie à la Haute-Égypte, et plus particulièrement au gouvernorat de Qena. Ahmed Ibn Arous avait l’habitude de dire ses poèmes après avoir prononcé la formule suivante: “comme disait le poète”… pour que les vers qu’il allait réciter ne soient pas rattachés à sa personne. La formule est devenue rituelle et constitue désormais un trait caractéristique de cette poésie, connue par la suite sous le nom d’art du waw.
L’art du waw est considéré comme une forme de poésie folklorique orale, différente dans sa construction des autres genres poétiques. Le poème waw se compose de quatre vers, le premier rimant avec le troisième et le deuxième avec le quatrième.
Cet art est aujourd’hui en déclin en raison de la disparition en grand nombre des poètes qui le pratiquaient, et seuls subsistent quelques poètes folkloriques d’un âge avancé. Par conséquent, il est urgent de conserver et de documenter cet art pour les générations à venir.

La fabrication du Oud en Egypte
© Nabil Bahgat

Angareb (Al-Angareeb)
Un angareb est un lit fabriqué en branches de palmier brut posées sur une structure en bois et attachées à l’aide de lanières en cuir. La fabrication de ce lit constituait un savoir-faire très répandu à Nouba il y a bien longtemps, de même que dans l’Ancienne Égypte. En raison de la raréfaction des palmiers à Nasr el Nouba et d’une activité agricole beaucoup plus faible que dans la vieille ville, ce savoir-faire s’éteint et seules les personnes âgées sont désireuses de le faire revivre, en dépit de toutes les difficultés qu’elles risquent de rencontrer.

La danse des bâtons Tahtîb
Cette pratique traditionnelle est malaisée à classifier : il s’agit, selon les intéressés, d’un art martial, d’une danse ou d’un jeu. Il s’agit d’une danse collective dont les participants sont munis de bâtons : un groupe d’« assaillants » se livre, symboliquement (les mouvements ont d’une ampleur bien supérieure à ceux d’un vrai combat) à l’attaque d’« assaillis », lesquels tentent tour à tour de parer, d’esquiver, de porter un coup décisif à l’adversaire. Cette pratique, qui se déroule en plein air, est accompagnée par un ensemble de musiciens où dominent les mizmâr (hautbois), groupés généralement par trois, une timbale dite naqrazân portée sur poitrine et un tabla (tambour en forme de calice). Les mouvements peuvent être précédés ou suivis d’une chorégraphie dont la figure principale est le moulinet.

Les musiques de Nubie
Elles sont demeurées à l’écart, par leur système pentatonique, des orientations musicales égyptiennes, et sont moins connues que les traditions artistiques du nord de l’Égypte. Ce sont souvent des tambours et des lyres qui accompagnent les performances musicales et chorégraphiques des ensembles nubiens. Cette tradition, aujourd’hui infiltrée par des courants de rénovation de la chansonnette de variété, risque de perdre complètement son inspiration propre, ses modèles de référence et son identité.

L’art savant de la renaissance égyptienne : le dawr
C’est la forme musicale la plus importante de l’Égypte du XIXe siècle. Au cours de son interprétation, le chanteur, soutenu par un chœur et par un ensemble instrumental, module un texte poétique soit en arabe classique soit en arabe dialectal égyptien. Souvent, le chanteur est lui-même l’auteur du poème, lequel se divise généralement en quatre strophes. Des musicologues, des musiciens et des ensembles musicaux extérieurs à l’Égypte tentent de revitaliser cette tradition classique hautement raffinée et qui a influencé les plus grands chanteurs égyptiens du XXe siècle.

Jordanie

L’espace culturel des Bedu de Petra et Wadi Rum (Inscrit en 2008 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité)

Danse Tcherkesse, Festival de Jerash, Jordanie
© Jouanah Ghori

Le patrimoine oral et les expressions culturelles des Circassiens et des Tchétchènes
Les us et coutumes, les traditions et le folklore des Tcherkesses et des Tchétchènes leur ont permis de bénéficier d’une culture à part, malgré leur intégration dans la culture générale des pays qui les ont accueillis. Leurs traditions culturelles et sociales ont ainsi été protégées et préservées et continuent aujourd’hui d’exister, ce qui n’influence pas de manière négative la culture de la société d’accueil.

La broderie traditionnelle
Cet artisanat est répandu dans la plupart des régions de Palestine et de Jordanie. Les femmes décorent leurs vêtements avec des broderies en soie à forme géométrique, de plantes ou d’animaux. Ces broderies puisent leurs sources dans une référence religieuse ancienne, et chaque forme porte un nom ou est brodée à l’occasion d’une manifestation particulière. Généralement de couleurs vives, chaque étape de la vie possède une couleur qui lui est propre. Cet artisanat existe toujours et il est en nette progression, puisque les broderies sont à présent incorporées aux nouveaux vêtements et tissus modernes.

Les arts et les techniques du tissage
Cette profession est l’une des plus anciennes du monde. L’homme de la Préhistoire se servait des feuilles d’arbres et de peaux d’animaux pour se couvrir, jusqu’à ce qu’il trouve la laine, le lin et le coton. Avec le temps, il est parvenu à développer des outils et à produire des tissages ornés de dessins. La région de Balqa ainsi que le village de Baoun et de Ajlun sont connus pour le tissage de la laine. Les tissages de la région de Karak de la campagne Rif jordanienne sont également connus, et ils sont majoritairement fabriqués par des femmes.

Mansaf
Il s’agit d’une cuisine traditionnelle jordanienne d’agneau cuit dans du yaourt sec fermenté, servi avec du riz et de la semoule boulghour. Il est généralement servi après la prière du vendredi et fait partie du patrimoine jordanien.

Liban

Contes, légendes et mythes

Les savoirs faire traditionnels artisanaux (coutellerie, verrerie, tissage en fil de soie, fabrication des cloches, tapisserie…)

Fabrication d’ustensiles en cuivre à Kalamun au Liban Nord
© Gérard Tohmé

Les chants poétiques du mont Liban
Ces chants se basent sur deux genres principaux, le ‘ataba et le mîjâna. On trouve des variantes de ‘ataba en Syrie, en Jordanie et en Palestine, mais il bénéficie au Liban d’une exubérance qu’on ne lui connaît pas ailleurs. En revanche, le mîjâna est de tradition purement libanaise. Parmi les autres genres, citons le mu’anna, le plus marqué par la métrique et les mélodies syriaques séculaires (mu’anna signifie « chant » en syriaque), très prisé des poètes improvisateurs et offrant une grande variété de formes ; le shurûqî, mélopée nostalgique, libre et mélismatique de tradition bédouine (Syrie et Jordanie) interprétée par un soliste s’accompagnant au rabâb ; le chant qarrâdi, métissage d’un substrat syriaque et d’influences arabes.

Les pratiques des derviches tourneurs de Tripoli
Ces derviches appartiennent à la confrérie Qadiriya de Tripoli. Ils se revendiquent tout comme la zaouïa Qadiriya d’Alep de l’enseignement d’Abed al-Qâdir al-Kilânî, mais se distinguent par des chants et des danses spécifiques.

Syrie*

Les Qudud d’Alep (appelés aussi « Qudud halbi »)
Airs et chants populaires anciens chantés dans différents contextes, tant religieux que profanes, aussi bien par des artistes professionnels que par des chanteurs amateurs.

Les Arada damascènes
Processions joyeuses d’hommes dans les rues de la ville, accompagnées de musique et de chants, avec des haltes aux places publiques où sont exécutées des danses des épées, et qui se tiennent à différentes occasions (par exemple, accompagnement du marié au lieu du mariage, fêtes de quartier, parade des jeunes garçons après la circoncision).

La danse Sama d’Alep
Présente traditionnellement dans les cérémonies religieuses des ordres soufis, mais aujourd’hui exécutée surtout lors de certaines fêtes populaires et en contexte scénique.

Le théâtre d’ombre Karakoz
Tradition théâtrale utilisant des marionnettes de cuir (ou de carton) manipulées par un montreur qui adapte les textes traditionnels aux événements du jour ; pratiquement disparu en Syrie, mais avec de bonnes chances de revitalisation.

La fabrication traditionnelle du brocart de soie
Procédé exigeant des compétences variées, de l’élevage du ver à soie au tissage, et qui s’est raréfié, dans la mesure où la majeure partie de la production est aujourd’hui mécanisée.

Eléments de PCI en commun

Plusieurs pratiques et expressions culturelles sont communes à plusieurs des quatre Etats partenaires* de MEDLIHER, et à d’autres pays de la région, proches linguistiquement et culturellement :

Dabké du Pipeau
© Fahed Abdallah

Les musiques et les chants de la musique savante arabe : wasla, muwachchah, qasîda, ghazal, etc. (tous pays de la région)
Ces musiques savantes s’inscrivent dans le cadre de la wasla, suite de chants raffinés précédée et entrecoupée de sections instrumentales composées ou improvisées (taqsîm). L’accompagnement est assuré par le takht, un ensemble limité à cinq instrumentistes, et par un chœur de deux ou trois chanteurs. Le chanteur improvise sur des poèmes classiques selon une technique vocale ancestrale nourrie d’une esthétique musicale intemporelle et des mélismes du chant sacré. Les vocalises, aléatoires, sont accompagnées par un ou plusieurs instruments soit sans support rythmique, soit selon un cycle rythmique, avec le soutien d’une ligne mélodique répétitive de basse (ostinato).
Parmi les chants, les plus fameux sont le muwachchah, forme musicale chantée assez courte, à forme fixe, de cinq ou sept strophes à rimes variées, que l’on enchaîne les uns aux autres au sein d’une même suite afin d’amplifier leur volume et de les enrichir. Ce genre, créé au XIe siècle en al-Andalus par Ibn Mu’afa al-Qabrí, est une des plus remarquables traditions musicales syriennes. Citons encore la qasîda, poème monorime et monomètre à deux hémistiches d’égales longueurs, qui traite d’un sujet unique développé jusqu’à une conclusion ; la qasîda est souvent un panégyrique, écrit et chanté pour faire l’éloge de la tribu ou louer un personnage puissant (on parle alors de madîh). Citons encore le ghazâl, chant d’amour souvent courtois à résonance parfois mystique.
Cet élément de plus en plus négligé se retrouve en Syrie* aussi bien qu’au Liban et en Égypte.

Les chants bédouins (tous pays de la région)
Ces chants sont le fait de musiciens, poètes et conteurs pour partie nomades, qui vivent dans les quatre pays. Ils narrent les exploits des anciennes tribus bédouines et comprennent plusieurs genres :

  • De longs poèmes chantés par un shâ’ir qui improvise rythme et mélodie : ‘atâba (Le mot exprime l’idée du reproche amical, il est l’expression d’une douleur et d’un chagrin dont on ignore les causes) et shurûqî (ce style fait référence à la région dont il est originaire : la steppe (bâdiya) de la Jordanie orientale), dans lesquelles le shâ’ir s’accompagne au rabâb (vièle à archet monocorde) ; mawwâl (type du chant mélismatique), accompagné au derbake (tambour) et par des sahja (claquements de mains) ou debké (martèlement des pieds).
  • Des chants syllabiques a cappella ou accompagnés au rabâb et rapportés à une activité donnée : huda (chants des cavaliers et chameliers) ; hjeyni (chants des chameliers) ; ou encore dahiya ou sahja (claquements de mains), halaba (refrain) ou samer (conversation du soir) et debké, cette danse masculine étant parfois chantée par les femmes.
  • Zajal : Ces poèmes d’origine arabo-andalouse sont interprétés par des ensembles populaires et accompagnés à la flûte shabbaba ou nây.
  • Ughniya : Il s’agit de suites de chants populaires accompagnés à la lyre simsimiyya et interprétés dans les cités et chez les pêcheurs d’Aqaba. Ils recouvrent les répertoires simsimiyya qui font écho à ceux de la mer Rouge et du Sinaï.

Les savoirs traditionnels en matière médicinale (tous pays de la région)
La médecine populaire fait partie des croyances populaires et il se caractérise, par rapport aux autres croyances, par son lien à la santé et à la maladie. Beaucoup ont recours à la médecine populaire pour affronter leurs problèmes de santé à l’aide des produits naturels. La relation de l’homme à la nature est une relation noble et pérenne : au fil des siècles, l’homme a utilisé les feuilles d’arbres et les peaux d’animaux pour se protéger des méfaits du froid et de la chaleur. Il s’est nourri de fruits pour assouvir sa faim et des sources d’eau pour épancher sa soif. Les arbres ont constitué pour lui des refuges et il a utilisé diverses variétés d’herbes et de plantes pour se protéger des maladies.

Conteur traditionnel, Damas, Syrie
© Christophe Graz

Al-hakawātī (Syrie* et Égypte)
Ce sont des histoires relatés par un conteur dans certains cafés, à une heure spécifique du jour ou de la nuit. Le conteur est en interaction totale avec son auditoire, lequel intervient dans le déroulement du récit. Conteur et public sont donc tous deux acteurs dans cette épopée qui peut se prolonger sur des semaines, voire des mois.

La calligraphie arabe (Syrie* et Égypte)
Il s’agit de l’art du dessin des caractères arabes. L’écriture arabe se caractérise par des caractères reliés entre eux, ce qui permet d’en faire des dessins, géométriques ronds, et de les enchevêtrer.
L’art de l’arabesque, qui décore les mosquées et les palais a recours à la calligraphie, tout comme les fioritures qui ornent certains livres, y compris le Coran. De nombreux artistes musulmans se sont tournés vers cet art après que la législation islamique ait interdit la représentation des êtres humains et des animaux, en particulier dans les lieux saints et dans les Corans.

La fabrication du Oud (Syrie*, Égypte et Liban)
Le Oud oriental est un instrument à cordes très ancien. En arabe, le Oud désigne un instrument en bois à cinq cordes auquel il est possible de rajouter une sixième et dont la capacité sonore couvre deux octaves et demi. Le Oud constitue l’un des principaux instruments à cordes de la musique arabe.

Le dabke, danse populaire du Liban, de Syrie*, de Jordanie (et des Territoires Palestiniens)
Le dabke est la danse commune aux campagnes de ces pays d’Orient. Au Liban, il se définit par l’alignement en arc de cercle des danseurs et des danseuses se tenant par le bras, par le mouvement rotatif qui s’effectue dans le sens des aiguilles d’une montre, et par le martèlement du sol avec les pieds. Il existe plusieurs formes de dabke au Liban, en Syrie* et en Jordanie ; ils se distinguent en fonction des lieux, des occasions, des participants, etc.

          
*Compte tenu de la situation en République arabe syrienne, les activités menées dans le cadre du projet MedLiHer y ont été suspendues à partir d’octobre 2011.

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