Décision du Comité intergouvernemental : 18.COM 8.B.25

Le Comité

  1. Prend note que le Cameroun a proposé la candidature du Nguon, rituels de gouvernance et expressions associées dans la communauté Bamoun (n  01955) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

Le Nguon désigne une série de rituels entre le Mfon (monarque) et son peuple. Destinés à promouvoir le dialogue, l’harmonie et la paix, les rituels sont observés pendant trois jours par la communauté Bamoun de la Région de l’Ouest du Cameroun. Tous les deux ans, début décembre, les chefs rituels du Nguon consultent les membres de la communauté sur l’état du royaume. Porteurs des opinions recueillies, ils font leur entrée nocturne et en secret au Palais, le vendredi convenu, et s’entretiennent avec le Mfon. Le lendemain, le monarque se soumet à un « procès » public sur son bilan de gouvernance, au cours duquel les chefs rituels prononcent les réquisitoires tirés des opinions recueillies dans la communauté. Le Mfon peut se voir infliger des amendes ou même être destitué. Si la sentence lui accorde un nouveau mandat, il prononce un discours de ré-investiture et reçoit le renouvellement des allégeances. S’ensuivent des réjouissances populaires qui culminent le dimanche avec une grande marche carnavalesque et le retour triomphal du monarque au palais. La pratique est transmise de manière informelle au sein des familles, des groupes et des sociétés secrètes, ainsi que sur la radio locale et dans les écoles et universités du Cameroun. Vieux de plus de six cents ans, les rituels du Nguon sont considérés comme une source de cohésion sociale et de résilience et comme un moyen de défendre des valeurs telles que la responsabilité, la liberté d’expression et l’humilité.

  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants pour une inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

R.1 :  Le Nguon est un rituel unificateur qui est pratiqué tous les deux ans par les membres de la communauté bamoun. Il s’agit d’un moyen de gérer la gouvernance au sein de la communauté. Il se compose de différents éléments tels que des offrandes et des redistributions de nourriture et de médicaments traditionnels, des consultations des communautés, un pèlerinage, un procès public et des célébrations populaires. Les détenteurs et les praticiens du Nguon sont l’ensemble de la communauté Bamoun, avec des rôles et des responsabilités spécifiques tels que le Mfon (roi), le Titâ-Nguon et le Fonanguon (gardiens et acteurs de la société secrète du Nguon), les Pon-Pekâ (jeunes assistants du Fonanguon), le Tâ-Ngu (premier juge du royaume), les Kom (notables qui nomment le Mfon) et le grand public. Les connaissances et les compétences liées au Nguon se transmettent principalement de manière informelle, au sein des familles, des groupes et des sociétés secrètes. La transmission formelle se fait par le biais des écoles et des universités du Cameroun. Cet élément procure au peuple Bamoun un sentiment d’identité et de continuité avec les générations passées depuis la fondation du royaume, indépendamment de l’origine, de la religion et des milieux socioprofessionnels et politiques. Il contribue à la cohésion, à la bonne gouvernance et à la liberté d’expression.

R.2 :  Au niveau local, l’inscription permettrait d’accroître la visibilité du patrimoine culturel immatériel grâce à des activités de sensibilisation, de transmission, d’inventaire et de sauvegarde. Au niveau national, l’inscription de Nguon renforcerait la visibilité et la sensibilisation au patrimoine vivant du pays. Le renforcement des cadres juridiques et institutionnels nécessaires à la mise en œuvre des mesures de sauvegarde se traduira par une sensibilisation accrue au patrimoine vivant. Au niveau international, l’inscription améliorera la visibilité du patrimoine vivant d’Afrique centrale et des rituels qui constituent une forme d’expression commune à de nombreuses communautés dans le monde. Il renforcera également le concept de dialogue (valeur centrale de l’élément) en tant qu’élément du patrimoine immatériel. Cet élément présente des moyens créatifs de renforcer et de préserver la résilience, la solidarité, les économies locales, la durabilité environnementale, la diversité biologique et la santé, entre autres. De ce point de vue, il peut également être partagé comme une approche holistique pour relever certains des défis auxquels les communautés sont confrontées aujourd’hui.

R.3 :  L’État a soutenu les efforts de sauvegarde en fournissant un cadre juridique, en accordant des subventions et des financements, en assurant la présence de représentants de l’État aux célébrations, en apportant un soutien local et médiatique et en incluant le Nguon dans les programmes d’enseignement. Les mesures proposées sont les suivantes : (a) transmission de l’élément par l’éducation formelle et informelle (activités de sensibilisation et développement de supports éducatifs) ; (b) identification, documentation et recherche (y compris l’inventaire, la documentation et les conférences) ; (c) mesures de préservation et de protection (y compris le développement d’une charte éthique/code de déontologie et l’expansion des collections d’objets connexes) ; (d) mesures de promotion et de valorisation dans le contexte du tourisme ; et (e) revitalisation des pratiques de redistribution. La communauté a été activement impliquée dans l’identification et la planification des mesures de sauvegarde. Pour l’identification et la mise en œuvre des mesures de sauvegarde, un comité mixte de préservation du Nguon a été créé par arrêté du Ministre des Arts et de la Culture. Les membres de la communauté constituent les deux tiers de ce comité.

R.4 :  La communauté a participé à l’identification et l’inventaire de l’élément, à la préparation de la candidature (y compris les consultations et les activités de sensibilisation auprès des membres de la communauté), ainsi qu’à un atelier de renforcement des capacités. Par l’intermédiaire du comité susmentionné, les membres de la communauté ont aidé à remplir le formulaire de candidature et à compiler les annexes requises. À travers une vidéo en annexe, différents représentants de la communauté Nguon ont fourni leur soutien et leur consentement, y compris les représentants détenant des titres et devoirs traditionnels dans le rituel. L’accès traditionnel aux coutumes et pratiques a été respecté et sera maintenu par des mesures telles que le contrôle de l’accès physique, l’éducation du public et l’établissement d’un code de déontologie.

R.5 :  L’élément fait partie de « l’Inventaire général du patrimoine culturel matériel et immatériel du Cameroun », géré par le Ministère des Arts et de la Culture, direction du patrimoine culturel, sous-direction du patrimoine culturel immatériel. L’élément a été défini sur la base d’une étude de terrain menée par le Ministère des Arts et de la Culture en 2020, avec la participation de détenteurs et de praticiens du Nguon et l’accord des autorités traditionnelles. L’inventaire est mis à jour tous les cinq ans à l’initiative du Ministère des Arts et de la Culture, des collectivités détentrices ou des collectivités territoriales décentralisées.

  1. Décide d’inscrire le Nguon, rituels de gouvernance et expressions associées dans la communauté Bamoun sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
  2. Félicite l’État partie pour sa première inscription et pour avoir proposé un élément qui traite de questions sociales et de développement telles que le VIH/SIDA et la réduction de la pauvreté ;
  3. Félicite en outre l’État partie pour sa vidéo qui met en évidence le rôle central des communautés dans tous les processus liés à la candidature.

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