Le Comité
- Prend note que la Tunisie a proposé la candidature de la harissa, savoirs, savoir-faire et pratiques culinaires et sociales (n 01710) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :
La harissa, un assaisonnement à base de purée de piments rouges, fait partie intégrante des provisions domestiques et des traditions culinaires et alimentaires quotidiennes de la société tunisienne. Elle est le plus souvent préparée par les femmes dans un cadre familial ou vicinal convivial et festif. On la prépare en soumettant les piments à un séchage au soleil avant de les fendre, de les équeuter et de les égrener. Les piments sont ensuite lavés, assaisonnés avec du sel, de l’ail et de la coriandre et broyés dans un mortier pilon ou dans un hachoir à viande manuel. La harissa est conservée dans des bocaux en verre ou en terre pour être utilisée ultérieurement. La culture du piment obéit à un calendrier agraire prohibant l’ensemencement pendant certaines périodes car cela porterait malheur. Des piments sont accrochés à des métiers à tisser et des répliques en corail sont utilisées pour conjurer le mauvais sort. Les connaissances et savoir-faire nécessaires à la culture du piment sont transmis au sein des communautés d’agriculteurs ou dans des instituts d’agronomie.
- Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants pour une inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :
R.1 : L’élément englobe les savoirs, savoir-faire et pratiques culinaires et sociales associés à la production et à la consommation de la harissa. Utilisée comme ingrédient, condiment ou amuse-bouche, la harissa fait partie intégrante des provisions domestiques et des traditions culinaires et alimentaires quotidiennes de la société tunisienne. Tous les foyers tunisiens peuvent être considérés comme consommateurs de la harissa. Parmi les personnes associées à l’élément figurent les cultivateurs, les commerçants, les artisans, les familles et foyers, et les associations. Au sein des familles, les savoir-faire sont transmis de manière informelle par les mères, grands-mères ou voisines, via l’observation, chaque année, de la préparation de la harissa. Les savoir-faire associés à la harissa sont transmis de manière formelle dans des hôtels, des écoles de restauration et des instituts par le biais de cours spécialisés dans des écoles d’hôtellerie et de restauration ainsi que dans d’autres établissements d’enseignement. La harissa est échangée entre les familles, les membres de la famille, les voisins et les amis. Elle est utilisée quotidiennement lors d’importants événements, dans de nombreuses traditions culinaires, comme celles associées au mois du ramadan. L’élément renforce les liens dans les familles et dans la communauté et contribue donc à la cohésion sociale. Il a une signification symbolique importante : il représente la vitalité, l’activité et la chaleur.
R.2 : Au niveau local, l’inscription permettra de susciter un effet d’entrainement, ce qui rendra plus visible le patrimoine culturel immatériel dans son ensemble. Au niveau national, l’inscription peut servir de trait culturel fédérateur, ce qui permettra de rassembler et d’offrir une opportunité de mettre en exergue d’autres catégories du patrimoine culturel immatériel. Au niveau international, l’inscription offrira l’occasion aux communautés, groupes et individus dans le monde entier de concevoir l’alimentation traditionnelle comme un élément de ce patrimoine. L’inscription permettra aussi de réaffirmer la diversité culturelle en suscitant l’intérêt du public quant à l’importance des spécificités et des différences dans le patrimoine culturel immatériel.
R.4 : Ce sont les détenteurs, les praticiens, les professionnels et les associations qui ont eu l’idée de déposer la candidature de l’élément. Ils ont demandé l’aide et le soutien du gouvernement en 2016 afin de lancer le travail. Ensuite, une équipe de travail a été créée. Cette équipe était composée de représentants de tous les acteurs concernés : praticiennes et praticiens, détentrices et détenteurs, associations, professionnels, organismes étatiques compétents, chercheurs, experts et médias. Des personnes de tous âges et genres ont activement participé aux réunions du processus de candidature. Outre leur participation aux discussions, ils ont fourni les informations nécessaires et contribué à la collecte de données liées à la pratique de l’élément chez certaines communautés. Lors des dernières étapes du processus de candidature, le projet a été présenté aux communautés pour pallier d’éventuelles lacunes ou remanier certaines données. Plusieurs lettres de consentement provenant des communautés, associations, fédérations, académies, coopératives et autres organisations ont été soumises et sont présentées dans le dossier de candidature.
R.5 : L’élément est inscrit à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel depuis octobre 2016. L’Inventaire est tenu par l’Institut national du patrimoine du Département de l’inventaire et de l’étude des biens ethnographiques et des arts contemporains. L’élément a été identifié et défini par les praticiens et détenteurs eux-mêmes grâce à une approche participative. L’Inventaire est mis à jour tous les trois ans. Le dossier explique que l’Inventaire est mis à jour lorsque les communautés transmettent de nouvelles informations, ou lorsqu’une équipe de chercheurs en charge du patrimoine culturel immatériel de l’Institut national du patrimoine collecte de nouvelles informations sur le terrain. Les représentants des praticiens et détenteurs concernés prennent part à chaque mise à jour.
- Considère en outre que, sur la base des informations contenues dans le dossier et fournies par l’État partie soumissionnaire dans le cadre du processus de dialogue, la candidature satisfait au critère suivant pour une inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :
R.3 : Le dossier explique que les praticiens et porteurs, ainsi que des associations organisées ont œuvré à la sauvegarde de l’élément à travers de multiples initiatives allant de la sensibilisation à la transmission, la documentation, la promotion et le développement. Il s’agit notamment de la création du festival de la harissa et du piment, un événement annuel auquel participent des artisans, des professionnels et des amateurs, ainsi que des ateliers et des stages de formation organisés par des associations locales comme l’association Ilâf à Tataouine. Les mesures de sauvegarde proposées sont classées dans les domaines suivants : 1) l’éducation et la transmission ; 2) la sensibilisation ; 3) la recherche et la documentation ; 4) les mesures administratives et juridiques ; et 5) la promotion et la valorisation. Par le biais de réunions et de dialogues, les porteurs ont exprimé leurs préoccupations et soumis leurs propositions. Les mesures proposées ont été rédigées par le comité chargé d’examiner le formulaire de candidature, avant d’être présentées au public lors d’une réunion tenue le 9 janvier 2020, et à travers le réseau des associations partenaires impliquées dans la candidature. L’État partie a également mis en place un comité de suivi afin de contrôler l’application des mesures de sauvegarde et d’éviter toute répercussion involontaire de l’inscription.
- Décide d’inscrire la harissa, savoirs, savoir-faire et pratiques culinaires et sociales sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
- Invite l’État partie à prendre les mesures appropriées pour veiller à ce que l’application d’une procédure standard ne restreigne ni n’entrave la créativité humaine, et pour éviter la commercialisation excessive.