Les premiers programmes de l’UNESCO dans le domaine de la culture reflétaient la situation politique et sociale du monde dans une période d’après-guerre et de décolonisation. Compte tenu du mandat qui incombait à l’Organisation de contribuer à la paix par l’éducation, la science et la culture, on s’est principalement attaché à promouvoir la coopération internationale dans le domaine des arts et à étudier comment reconnaître la variété des identités culturelles du monde. Plusieurs actions ont été engagées dans des domaines culturels traditionnels tels que la littérature, les musées, la musique et les langues.

En 1946 fut fondé le Conseil international des musées (ICOM), suivi en 1949 par le Conseil international de la musique (CIM). Le premier volume de l’Index translationum fut publié en 1949, tandis que les premières préoccupations relatives à la production artistique faisaient l’objet de débats lors d’une conférence organisée en 1952 à Venise. Cette réunion a donné lieu à l’adoption de la Convention universelle sur le droit d’auteur, entrée en vigueur en 1955, puis révisée en 1971. La conscience croissante, après les conséquences dévastatrices de la Deuxième Guerre mondiale, de la nécessité de protéger le patrimoine bâti en temps de guerre fit adopter à La Haye (Pays-Bas), en 1954, la Convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. Cette Convention introduisait le terme de « biens culturels » pour désigner une catégorie globale et homogène d’objets considérés comme méritant d’être protégés du fait de leur valeur culturelle irremplaçable. Le terme allait être également utilisé plus tard dans la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels (1970), que complètent la Convention de La Haye et son deuxième protocole de 1999.

Dès 1953, l’UNESCO publiait le premier volume d’une nouvelle série intitulée Unité et diversité culturelles, qui reposait sur une enquête consacrée à la conception actuelle des cultures spécifiques de différents peuples et des relations mutuelles entre ces cultures. Cette publication avait pour but de faire découvrir les différentes cultures du monde et leurs relations mutuelles.
Elle allait être suivie d’un projet sur l’appréciation mutuelle des cultures orientale et occidentale, lancé en 1957, qui devait durer neuf ans. En 1966, la Conférence générale adopta la Déclaration des principes de la coopération culturelle internationale, qui définissait les caractéristiques essentielles des politiques de coopération internationale de l’UNESCO dans le domaine de la culture en déclarant que chaque culture avait une dignité et une valeur qui devait être respectée et préservée, que chaque personne avait le droit et le devoir de développer sa culture et que toutes les cultures faisaient partie du patrimoine commun appartenant à toute l’humanité, posant ainsi les bases du développement ultérieur des politiques relatives au patrimoine culturel au sein de l’UNESCO. Bien que la Déclaration n’ait très certainement pas employé le concept de patrimoine dans son sens juridique, l’expression de « patrimoine de l’humanité » devint un élément clé des politiques de l’Organisation dans le domaine du patrimoine culturel.

Le début des travaux de restructuration, Ramsés II, statues
© UNESCO / Nenadovic

La nécessité de politiques destinées à développer le concept de « patrimoine de l’humanité », au moins pour le patrimoine matériel, se fit fortement sentir après la campagne de Nubie menée en Égypte à partir de 1960, qui fut l’exemple le plus frappant de sensibilisation réussie de l’opinion publique internationale en faveur d’une opération de sauvegarde. Deux ans plus tard, les temples d’Abou-Simbel, reconstruits 64 mètres au-dessus de leur site d’origine, étaient officiellement dévoilés. D’autres activités destinées à protéger le patrimoine culturel monumental furent la campagne pour la sauvegarde de Venise, lancée en 1962, ou l’adoption par la Conférence générale, le 19 novembre 1968, de la Recommandation concernant la préservation des biens culturels mis en péril par les travaux publics ou privés, suivie en 1970 par la Convention concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels.

Il ne fait aucun doute que ces campagnes et actions à effet juridique ont sensibilisé au rôle que joue la culture dans le développement économique. Sur un fond politique marqué par la décolonisation et la guerre froide, une Conférence intergouvernementale sur les aspects institutionnels, administratifs et financiers des politiques culturelles fut organisée à Venise (Italie) du 24 août au 2 septembre 1970, marquant l’émergence des notions de « développement culturel » et de « dimension culturelle du développement » et encourageant le débat sur l’intégration des politiques culturelles dans les stratégies de développement. La Conférence affirma que la diversité des cultures nationales, leur caractère unique et leur originalité était un fondement essentiel du progrès humain et du développement de la culture mondiale. Elle prit conscience du fait que, dans de nombreux pays, les cultures autochtones étaient menacées car, faute de ressources, d’instituts de formation et de personnel formé, très peu était fait pour préserver leur patrimoine culturel. Le fondement de la coopération avec les organisations non gouvernementales dans le domaine de la culture fut ainsi établi en déclarant que les États membres devaient associer aussi étroitement que possible les organisations non gouvernementales à l’élaboration et à la mise en oeuvre de leurs politiques culturelles.

Outre son action dans les domaines du droit d’auteur et de la protection des biens culturels, mentionnée dans les conventions de 1952, 1954 et 1970, l’UNESCO était également prête à promouvoir les politiques relatives au patrimoine et aux industries culturelles comme un moyen positif de développement pour tous les États membres, quel que soit leur degré de développement.

En 1972, l’UNESCO adopta un plan décennal pour l’étude des traditions orales africaines et la promotion des langues africaines, le premier Festival des arts du Pacifique fut organisé à Fidji et deux séries d’études culturelles sur l’Amérique latine furent lancées. Le concept de patrimoine culturel n’était pas encore strictement restreint au domaine matériel. Cependant, sur la base de la Déclaration de 1966, du succès de la campagne de Nubie et des principes posés à Venise en 1970, l’action la plus importante entreprise par l’UNESCO en 1972 fut l’adoption de la Convention concernant la protection du patrimoine mondial culturel et naturel. Cette convention, qui est probablement aujourd’hui l’instrument législatif le plus universel dans le domaine du patrimoine culturel, a renforcé l’identification du patrimoine culturel avec le patrimoine matériel en limitant sa portée aux monuments, aux groupes de bâtiments et aux sites, qui sont autant d’exemples du patrimoine matériel. Comme la Convention de La Haye, elle est centrée sur les biens culturels immeubles – en l’espèce, d’une valeur universelle exceptionnelle –, mais elle introduit aussi la notion de « patrimoine de l’humanité ». Avec son approche programmatique, fondée sur un système de listage et sur le recours à des directives opérationnelles révisables pour sa mise en oeuvre, la Convention de 1972 a renforcé les politiques de conservation du patrimoine et est devenue la norme de référence pour l’intégration des politiques de conservation en tant que moyens de développement, dans une large mesure par l’intermédiaire du tourisme.

Les aspects juridiques des droits de la propriété intellectuelle collective n’ayant pas été clairement définis, il fut décidé de ne pas inscrire les expressions du patrimoine culturel immatériel dans le champ de la Convention de 1972. Le gouvernement de la Bolivie proposa donc en 1973 d’ajouter un protocole à la Convention universelle sur le droit d’auteur, telle que révisée en 1971, afin d’assurer un cadre juridique à la protection du folklore. La proposition ne fut acceptée, mais, un an plus tard, une réunion d’experts gouvernementaux organisée avec l’assistance de l’UNESCO et de l’OMPI à Tunis commença à travailler sur un projet de modèle de loi relative à la protection des droits de propriété intellectuelle applicable à de telles manifestations culturelles.

Dans l’intervalle, plusieurs séminaires régionaux furent organisés au titre du suivi de la Conférence de Venise de 1970. Au cours de l’une de ces réunions, la Conférence intergouvernementale d’Accra sur les politiques culturelles en Afrique (1977), les experts défendirent l’idée que la définition de la culture devait être étendue au-delà des beaux-arts et du patrimoine pour intégrer également les visions du monde, les systèmes de valeurs et les croyances. Un an plus tard, la Déclaration de Bogotá, adoptée par la Conférence intergouvernementale sur les politiques culturelles en Amérique latine et dans les Caraïbes, insistait sur le fait que le développement culturel devait améliorer la qualité de vie des communautés et des individus. Elle déclarait également que l’authenticité culturelle repose sur la reconnaissance des composantes de l’identité culturelle, quelle que soit leur origine géographique et la manière dont elles s’étaient mélangées, et que tout peuple ou groupe de peuples avait à la fois le droit et le devoir de déterminer d’une manière indépendante sa propre identité culturelle, sur la base de ses antécédents historiques, de ses valeurs et aspirations propres et de sa volonté souveraine.

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