Le Comité
- Prend note que le Sénégal a proposé la candidature du Ceebu Jën, art culinaire du Sénégal (n 01748) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :
Le Ceebu Jën est un plat qui trouve ses origines dans les communautés de pêcheurs de l’île de Saint-Louis au Sénégal. Bien que les recettes varient d’une région à l’autre, le plat est généralement fait à base de darne de poisson, de brisures de riz, de poisson séché, de mollusques et de légumes de saison, tels que les oignons, le persil, l’ail, le piment, les tomates, les carottes, les aubergines, le chou blanc, le manioc, la patate douce, le gombo et le laurier. La qualité du poisson et le choix des légumes sont déterminés par l’importance de l’événement ou le degré d’affection que l’on porte à l’invité. La recette et les techniques de préparation se transmettent traditionnellement de mère en fille. Dans la plupart des familles, le Ceebu Jën se mange à la main, mais il est souvent d’usage d’utiliser des cuillères ou des fourchettes dans les restaurants. Ce plat est également lié à des pratiques culturelles spécifiques. Par exemple, il est interdit de s’asseoir avec un genou levé, le bol doit être tenu de la main gauche et les grains de riz ne doivent pas tomber en mangeant. Le Ceebu Jën et les pratiques qui y sont associées sont considérés comme une affirmation de l’identité sénégalaise.
- Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, ainsi que les informations fournies par l’État soumissionnaire dans le cadre du processus de dialogue, la candidature satisfait aux critères suivants pour une inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité comme suit :
R.1 : L’élément désigne la préparation du plat national et la cérémonie qui y est associée. Les femmes sont les principales détentrices et praticiennes, même si la participation des hommes est aujourd’hui plus fréquente. Les connaissances et le savoir-faire associés à cette tradition sont transmis oralement des parents aux enfants, dont les responsabilités dans la préparation du repas augmentent avec l’âge. Entre 15 et 17 ans environ, les adolescentes savent déjà maîtriser le plat. Cet élément révèle un véritable art de vivre et constitue un marqueur puissant d’appartenance à une communauté. Il renforce l’inclusion sociale, y compris celle des enfants, qui apprennent par transmission directe. L’élément est également corrélé à des mesures de développement durable, puisque le Sénégal atteindra bientôt l’autosuffisance en matière de production de riz et s’efforce en outre de lutter contre l’utilisation et l’exploitation abusive des ressources halieutiques.
R.2 : L’inscription de l’élément contribuerait à accroître la visibilité des arts culinaires traditionnels et à mieux les faire connaître. Au vu du lien de l’élément avec Saint-Louis, inscrit sur la Liste au patrimoine mondial, l’inscription mettrait en lumière les points de corrélation entre le patrimoine matériel et immatériel au niveau local. L’inscription mettrait en valeur les rites et techniques agraires traditionnels dans les zones rizicoles et les lieux de pêche, ainsi que les chants et les cérémonies. De même, l’inscription d’un élément lié à la gastronomie mettrait en évidence la diversité du patrimoine culturel immatériel et son rôle dans l’amélioration des systèmes éducatifs et sanitaires. Les origines historiques des deux principaux ingrédients souligneraient la nature internationale de la gastronomie et encourageraient le dialogue au sein du pays. L’élément démontre en outre la créativité humaine, parfaitement illustrée par la genèse historique de ce plat.
R.3 : La viabilité de l’élément est assurée par les efforts déployés par les familles, les groupes de femmes et les écoles hôtelières. De son côté, l’État a pris des mesures pour sauvegarder le patrimoine culturel immatériel de manière générale et a lancé un programme d’autosuffisance en riz ainsi que de protection de la pisciculture. La plupart des mesures proposées visent à établir un cadre juridique propice et à favoriser le développement durable et la promotion de l’élément. Le tourisme fait aussi l’objet de quelques initiatives. D’autres mesures portent sur l’éducation et la recherche. Les communautés, groupes et individus concernés ont été impliqués dans l’élaboration des mesures proposées.
R.4 : Le dossier indique que les communautés, y compris les communautés de pêcheurs et leurs représentants, les organisations non gouvernementales et les institutions, ont participé aux différentes étapes du processus de candidature (de l’identification à la collecte de données, en passant par la documentation et les débats sur les mesures de sauvegarde). On y trouve à la fois des expressions de consentement génériques et individualisées, de la part des autorités locales, des groupes au sein des communautés, des centres de recherche et des représentants des communautés villageoises locales.
R.5 : L’élément a été inscrit à l’inventaire nationale du patrimoine culturel immatériel en 2019. L’inventaire est administré par le Ministère de la culture et de la communication, le centre régional de Saint-Louis et l’université Gaston Berger. La commission nationale du patrimoine culturel immatériel, composée d’organisations non gouvernementales, d’universitaires et de praticiens, est chargée d’ajouter ou de supprimer des éléments de l’inventaire ainsi que de les mettre à jour tous les deux ans.
- Décide d’inscrire le Ceebu Jën, art culinaire du Sénégal sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
- Rappelle à l’État partie l’importance d’assurer la sauvegarde des significations sociales et culturelles de l’élément et de prendre des mesures pour éviter tout risque imprévu lié au tourisme et à une commercialisation excessive ;
- Rappelle également l’importance d’utiliser un vocabulaire en adéquation avec l’esprit de la Convention et d’éviter l’utilisation d’expressions qui pourraient suggérer des revendications de propriété.