Le Comité

1. Prend note qu’Haïti a proposé la candidature de la Soupe au giraumon (n 01853) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

La soupe joumou, ou soupe au giraumon, est une soupe traditionnelle haïtienne à base de citrouille, comprenant des légumes, des bananes plantains, de la viande, des pâtes et des épices. Il s’agit d’un plat de fête, profondément enraciné dans l’identité haïtienne, dont la préparation favorise la cohésion sociale ainsi que le sentiment d’appartenance aux communautés. Réservée à l’origine aux propriétaires d’esclaves, les Haïtiens se sont approprié la soupe lorsqu’ils ont obtenu leur indépendance de la France, faisant de ce plat un symbole de leur liberté nouvellement acquise et une expression de leur dignité et de leur résilience. La soupe est composée principalement de giraumon, une variété de potiron cultivée autrefois par les peuples autochtones des Caraïbes. Elle est préparée et consommée spécifiquement le 1er janvier, jour de la proclamation de l’indépendance d’Haïti, et constitue le premier repas de l’année. Elle sert également de petit-déjeuner dominical traditionnel. La préparation de la soupe au giraumon est une activité en famille et en communauté : les femmes gèrent les préparatifs dans leur ensemble, les enfants aident à préparer les ingrédients, les artisans fabriquent les marmites en aluminium et les autres ustensiles utilisés lors de la préparation de la soupe, et les fermiers travaillent la terre afin de récolter les légumes. Aujourd’hui, plusieurs variantes de cette soupe existent dans les cuisines caribéenne et latino-américaine.

2. Prend également note de la demande faite par les autorités nationales d’Haïti pour que le Comité examine à sa présente session cette candidature de manière accélérée,
3. Exprime sa solidarité avec le peuple haïtien, tout en notant que la Convention de 2003 est l’occasion de promouvoir et de renforcer la visibilité des éléments qui contribuent à la préparation, à la réponse et au relèvement suite aux effets engendrés par les catastrophes naturelles ;
4. Reconnait la pertinence des modalités et principes opérationnels pour la sauvegarde du patrimione culturel immatériel dans les situations d’urgence pour ce cas, et considère qu’il peut être répondu positivement à la demande d’examination de cette candidature de manière accelerée sur la base de la compassion et à titre exceptionnel ;
5. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants pour une inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

R.1 :  L’élément constitue une tradition culinaire historique et inclusive d’Haïti, qui enseigne la tolérance, le respect de la dignité humaine et l’égalité. Il est préparé, partagé et apprécié de façon très large, à travers l’ensemble du pays, dans des zones aussi bien rurales qu’urbaines. Si les femmes jouent un rôle central dans sa transmission, hommes, femmes et jeunes participent tous à la préparation de la soupe. La transmission des recettes se fait majoritairement au sein du foyer, mais aussi à travers les livres, les spectacles, les réseaux sociaux, les programmes des écoles de cuisine, les foires agricoles ainsi que les festivals. L’élément symbolise la lutte contre la colonisation et constitue une expression culturelle forte de l’identité haïtienne.

R.2 :  Au niveau local, l’inscription de l’élément encouragerait la prise de conscience du rôle du patrimoine culturel immatériel dans le renforcement des liens sociaux. Au niveau national, elle permettrait de soutenir les partenariats et le dialogue entre différents groupes et communautés, et encouragerait les autorités à mieux identifier et promouvoir les connaissances et compétences traditionnelles liées au patrimoine vivant. Au niveau international, une inscription mettrait en avant les valeurs d’égalité et de justice sociale, lesquelles sont inhérentes au patrimoine culturel immatériel, et encouragerait les détenteurs à identifier et sauvegarder les éléments représentant la solidarité et l’inclusivité. Elle permettrait également d’encourager les échanges entre les personnes et les praticiens de différents pays, ainsi qu’avec les praticiens d’autres éléments du patrimoine culturel immatériel.

R.3 :  La viabilité de l’élément a été assurée par les familles haïtiennes, les femmes jouant un rôle clé dans la transmission informelle des techniques de préparation en milieu rural et urbain. Plusieurs actions ont été conduites par l’État, dont un programme de Master en Histoire, mémoire et patrimoine, des ateliers de renforcement des capacités parrainés par l’UNESCO ainsi que des ateliers de formation des enseignants sur la symbolique de la soupe. Une série de mesures de sauvegarde sont également proposées, incluant notamment de la recherche, des conférences, un programme scolaire, un suivi et une évaluation. L’État fournira un appui financier et renforcera la collaboration entre les communautés, groupes, individus et institutions publiques.

R.4 :  Le processus de candidature a suivi une approche participative, au cours de laquelle les détenteurs ont joué un rôle fondamental dans la préparation du dossier. L’État a initié le processus de candidature au moyen d’une série de réunions pendant lesquelles les perspectives des chercheurs en patrimoine culturel immatériel haïtien ont été abordées. Quatre séances de discussion se sont déroulées en 2020, à la Commission nationale haïtienne de coopération avec l’UNESCO et au Ministère de la culture et de la communication. De multiples communautés, groupes et individus ont signifié leur accord libre, préalable et éclairé. Aucune coutume ou autre pratique ne limite l’accès à l’élément et l’élément est ouvert à une participation inclusive.

R.5 :  Dans un premier temps, l’élément a été identifié et inclus dans l’Inventaire du patrimoine immatériel d’Haïti (IPIMH) en 2011, par le biais d’un projet d’inventaire conduit par l’Université d’État d’Haïti et l’Université Laval, dans lequel sont impliqués des ONG et des détenteurs, y compris des associations de femmes. L’élément a ensuite été intégré au Registre national du patrimoine culturel en 2020. L’inventaire est mis à jour annuellement grâce aux efforts de coordination de la Direction du patrimoine culturel, en association avec des détenteurs, des experts, des associations ainsi que des membres de la communauté.

6. Félicite l’État partie pour avoir démontré de manière exemplaire comment l’élément contribuera à assurer la visibilité et la sensibilisation à l’importance du patrimoine culturel immatériel et à encourager le dialogue, reflétant ainsi la diversité culturelle dans le monde entier et témoignant de la créativité humaine ;
7. Décide d’inscrire la Soupe au giraumon sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
8. Note que cette inscription a eu lieu sur une base exceptionnelle en ce qui concerne les procédures et cela sera porté à l’attention de l’Assemblée générale de la Convention à sa neuvième session ;
9. Invite le groupe de travail intergouvernemental à composition non limitée à examiner les procédures pour les cas exceptionnels ;
10. Demande au Secrétariat de porter cette décision à l’attention de la neuvième session de l’Assemblée générale afin d’obtenir son approbation sur la procédure suivie pour l’inscription de cette candidature.