Décision du Comité intergouvernemental : 13.COM 10.A.1

Le Comité

  1. Prend note que l’Algérie a proposé la candidature des savoirs et savoir-faire des mesureurs d’eau des foggaras ou aiguadiers du Touat-Tidikelt (n  01274) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :

L’élément concerne le savoir et les savoir-faire des mesureurs d’eau des foggaras (système d’irrigation), ou aiguadiers, des communautés ksouriennes du Touat et du Tidikelt. Les mesureurs d’eau participent à différentes opérations qui vont du calcul des parts d’eau à la réparation des peignes de répartition des eaux et la conduite de l’eau dans les rigoles. Chaque foggara relie plusieurs catégories d’agents sociaux et de détenteurs de savoirs dont les propriétaires, les travailleurs manuels, les comptables et les mesureurs d’eau. C’est le savoir de ces derniers qui semble menacé. Le mesureur d’eau est un personnage essentiel de la vie des ksour sahariens car il gère un domaine vital dont dépend la survie de tous. Il a un rôle à la fois intellectuel et manuel et peut être appelé à tout moment par la communauté. Actuellement, un manque de communication entre les jeunes et leurs ainés est observé. En outre, plusieurs facteurs ont modifié le bon fonctionnement des foggaras, notamment des transformations initiées par le pouvoir central dans les rapports de propriété, les effets de l’urbanisation et de la modernisation et une absence de prise en considération des mesures à mettre en œuvre pour assurer la transmission du savoir. La disparition de l’activité des mesureurs d’eau est illustrée par leur âge avancé qui met en évidence une absence de renouvellement des praticiens.

  1. Décide que, d’après l’information contenue dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente comme suit :

U.1 :  Cet élément est étroitement lié au mode de vie, à l’économie et à la survie dans la zone désertique d’Algérie. Les mesureurs d’eau sont très respectés, et malgré des changements radicaux qui menacent sérieusement leur activité, celle-ci fait toujours partie intégrante de la culture des foggaras. Outre leur rôle dans la distribution de l’eau, ils contribuent également à entretenir un équilibre social et moral, et à maintenir la paix et la justice.

U.2 :  Les savoirs et savoir-faire des mesureurs d’eau sont étroitement liés à l’ancien système juridique foncier local, qui a été affecté par les interventions étatiques dans l’agriculture oasienne et par la mise en place de méthodes d’extraction d’eau de haute technologie. En plus du transfert de responsabilité des propriétaires privés vers l’administration étatique, ces changements ont entraîné une perte du savoir sur la méthode traditionnelle de distribution de l’eau. L’influence croissante de l’agrotechnologie moderne cause la baisse de la demande pour les services proposés par les mesureurs d’eau, et la transmission de ce savoir, jamais consigné par écrit, est gravement menacée.

U.4 :  Représentants élus des communautés, membres d’une association de protection des foggaras, étudiants, détenteurs et praticiens du savoir, tous ont participé activement à la préparation de cette candidature, en collaboration avec les chercheurs du Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques, et les institutions de la section culture de la préfecture de l’Adrar.

U.5 :  Cet élément fait partie de la banque nationale de données du patrimoine culturel immatériel depuis 2015, gérée par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques. Plusieurs autres institutions étaient également impliquées dans l’identification de l’élément. L’information concernée est mise à jour grâce à des entretiens, des documents audiovisuels sur la transmission, et des rapports sur l’état actuel de l’élément.

  1. Décide en outre que, sur la base de l’information fournie par l’État soumissionnaire au Comité au cours de sa présente session concernant le plan de sauvegarde, le critère d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente suivant est satisfait :

U.3 :  Les mesures de sauvegarde précédentes, mises en place principalement par des autorités publiques, étaient axées sur le développement d’infrastructures et la réhabilitation des foggaras, en mettant l’accent sur les aspects physiques de l’élément, ce qui rend d’autant plus pertinent un nouveau plan axé sur la sauvegarde du savoir et les savoir-faire immatériel liés au caractère matériel des foggaras. Les deux parties du plan de sauvegarde proposées, à savoir documenter la pratique et former une nouvelle génération de mesureurs d’eau, pourrait assurer la viabilité de l’élément. Même si les mesureurs d’eau ne forment pas une communauté à proprement parlé, ils représentent néanmoins un groupe homogène avec une forte appartenance à leur communauté pour laquelle ils continuent de fournir leurs services. L’implication de la communauté dans la sauvegarde de l’élément en tant qu’expression d’un patrimoine vivant transparait dans la perpétuation de l’utilisation des prestations des mesureurs d’eau en coexistence avec les moyens plus modernes.

  1. Inscrit les savoirs et savoir-faire des mesureurs d’eau des foggaras ou aiguadiers du Touat-Tidikelt sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Félicite l’État partie d’avoir reconnu le caractère vital du savoir traditionnel lié à la distribution d’eau dans des conditions climatiques difficiles et l’invite en outre à considérer dans la planification des mesures de sauvegarde, toute la complexité du savoir et des savoir-faire relatifs au système des foggaras et les conséquences des changements généraux en matière de gestion des ressources hydriques et terrestres dans les zones concernées ;
  3. Rappelle à l’État partie que la mise à jour est un aspect important du processus d’élaboration des inventaires et l’invite également à inclure des informations détaillées dans son prochain rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention au niveau national, sur la manière dont la banque nationale de données du patrimoine culturel immatériel a été élaborée et est régulièrement mise à jour avec la participation active des communautés, des groupes et des organisations non-gouvernementales, conformément à l’article 11(b) de la Convention.

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