Décision du Comité intergouvernemental : 15.COM 8.b.9

Le Comité

  1. Prend note que la Tunisie a proposé la candidature de la pêche à la charfiya aux îles Kerkennah (n  01566) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

La pêche à la charfiya aux îles Kerkennah est une technique de pêche traditionnelle qui exploite passivement les conditions hydrographiques, le relief marin et les ressources naturelles sur mer comme sur terre. La charfiya est une pêcherie fixe qui circonscrit, grâce à des murs de palmes fichées dans le fond marin, un champ triangulaire. Les poissons, entrainés par la marée descendante, s’engouffrent dans des chambres de capture puis dans des filets ou des nasses et ne peuvent plus en ressortir Contrairement à ceux pêchés à l’aide de chaluts qui raclent les fonds marins, les poissons restent vivants et à jeun dans les nasses jusqu’au moment de la levée. Selon la coutume, la charfiya est installée et utilisée entre l’équinoxe d’automne et le mois de juin pour permettre à la faune marine de se régénérer. Chaque année, la reconstruction de ce dispositif est associée à des pratiques sociales, comme le partage d’un repas ou des prières. La pratique de la pêche à la charfiya suppose une excellente connaissance de la topographie sous-marine et des courants marins. La plupart des habitants des Kerkennah apprennent à pêcher dès leur plus jeune âge. Il est aussi courant qu’un râїs transmette la pêcherie à son fils aîné pour que la famille en reste propriétaire. Des centres de formation professionnelle assurent aussi un apprentissage indirect. La charfiya est la principale technique de pêche utilisée dans les îles Kerkennah. Toute la communauté participe, à divers degrés, aux différentes étapes du processus, de l’installation – avec les rituels qui l’accompagnent – à la levée des nasses. C’est donc un facteur d’unité pour les habitants de l’archipel.

  1. Estime que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité comme suit :

R.1 :  Les connaissances de la faune marine, des courants marins et des saisons d’exploitation, ainsi que les savoir-faire liés à la préparation des composantes et à l’installation de la charfiya, sont transmis de génération en génération dans un cadre communautaire, par l’observation directe et la pratique. Les détenteurs et les praticiens sont identifiés précisément, de même que leurs différents rôles et modes de participation. L’élément est un facteur d’unité pour la communauté, il renforce la solidarité et contribue à l’intégration sociale. C’est une sorte de label et de signe identitaire de l’archipel. La pêche à la charfiya est une pratique durable qui exploite les ressources naturelles et la topographie des îles. Contrairement à de nombreuses autres techniques de pêche, elle ne détruit pas les fonds marins et respecte le cycle de vie de la faune marine.

R.2 :  L’inscription de l’élément sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité mettra en exergue la culture insulaire et maritime en tant que système transculturel et transterritorial de connaissances, savoir-faire et pratiques, puisqu’elle est largement diffusée dans le monde entier et partagée par les communautés, groupes et individus. En outre, elle est décrite comme un bon exemple de la relation harmonieuse entre le patrimoine culturel immatériel et son milieu physique, dans une optique de développement durable.

R.3 :  Les mesures de sauvegarde existantes ont été bien planifiées et conçues, notamment en ce qui concerne l’approche participative adoptée pour mettre au point des mesures appropriées avec le concours des organisations non gouvernementales. Pour garantir la viabilité de l’élément et pour le protéger contre les conséquences involontaires produites par la visibilité et l’attention particulière du public résultant de l’inscription, des mesures administratives, juridiques, culturelles et surtout environnementales sont proposées par les organisations non gouvernementales et les instances officielles. Les mesures de sauvegarde proposées incluent des activités axées sur la transmission, la recherche et la documentation, la revitalisation et la promotion. Elles démontrent toutes un engagement en faveur du développement durable.

R.4 :  Les communautés locales ont été le moteur de cette candidature. Outre leur participation efficace au sein du comité de pilotage et leur rôle éducatif important en tant que facilitateurs auprès de la population locale, leurs membres ont fourni des informations, des archives privées et des documents audiovisuels, sans oublier le soutien financier aux activités et manifestations organisées tout au long du processus de candidature.

R.5 :  L’élément a été inclus dans l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel en septembre 2017. La dernière mise à jour date de février 2019. L’organisme responsable de cet inventaire est le Département de l’inventaire et de l’étude des biens ethnographiques et des arts contemporains, au sein de l’Institut national du patrimoine. L’inclusion de l’élément est le résultat d’un projet multinational mené en collaboration avec l’UNESCO. Ce projet a également fait appel à des membres des communautés concernées, qui ont effectué des enquêtes et des entretiens.

  1. Décide d’inscrire la pêche à la charfiya aux îles Kerkennah sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;

  2. Félicite l’État partie d’avoir expliqué clairement dans quelle mesure l’inscription d’un élément sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité peut contribuer à la visibilité du patrimoine culturel immatériel et favoriser une prise de conscience de son importance ;

  3. Félicite en outre l’État partie d’avoir soumis un dossier clairement axé sur les liens entre le patrimoine culturel immatériel et le milieu naturel, qui contribuent à la préservation de la biodiversité et à l’utilisation durable des ressources naturelles ;

  4. Rappelle à l’État partie que la mise à jour est un aspect important du processus d’élaboration des inventaires et l’invite à inclure, dans son prochain rapport périodique sur la mise en œuvre de la Convention au niveau national, des informations détaillées sur la périodicité de la mise à jour de l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel de Tunisie, conformément à l’article 12.1 de la Convention.

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