Décision du Comité intergouvernemental : 14.COM 10.b.32

Le Comité,

  1. Prend note que les Seychelles ont proposé la candidature du moutya (n  01487) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

Traditionnellement, le moutya est une danse pratiquée de nuit, en plein air, autour d’un feu. Le seul instrument est le tambour moutya, un grand tambour doté d’un cadre fin en peau de chèvre. La danse débute ainsi : le tambour est chauffé au-dessus d’un feu et les hommes de la troupe lancent plusieurs « thèmes », généralement des observations sur la société, auxquelles les danseuses répondent. Au rythme de trois tambours, les hommes et les femmes commencent à danser et, sous l’effet de l’alcool, les paroles et la danse se font plus passionnées. La danse continue généralement toute la nuit, jusqu’à l’aube. La forme contemporaine du moutya a conservé certains aspects de la danse d’origine. Elle est généralement pratiquée sur la plage, voire sur scène, et ses représentations ne sont plus uniquement nocturnes. À ce jour, la danse reste un mode d’expression sociale, relais de l’actualité et de divers récits, bien que le contexte des chants ait changé de façon radicale et soit aujourd’hui plus léger. Les paroles constituent une version alternative aux récits officiels des évènements racontés par les maîtres coloniaux. Ces dernières années, le moutya a connu un renouveau, notamment grâce à l’organisation régulière de l’événement populaire « moutya du dimanche » par l’association des musiciens des Seychelles, et du festival annuel de juillet. Grâce aux groupes de moutya et aux amateurs, des représentations spontanées ont toujours lieu régulièrement.

  1. Estime que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité comme suit :

R.1 : Associé à la tradition de l’esclave africain des Seychelles, le moutya est un style de musique et de danse populaire, commun à l’ensemble de la population de l’archipel. Sa pratique contemporaine reflète les changements sociaux et le dépassement des limites liées à la race ou au milieu social. Le moutya est un important symbole de l’identité nationale et un facteur social créateur d’unité. Il est pratiqué de manière spontanée par des individus ou sous forme de représentation sur scène. Il attire également beaucoup de touristes et constitue donc une source de revenus pour de nombreux praticiens qui dépendent du tourisme, celui-ci étant le principal secteur économique du pays.

R.4 : Les détenteurs et les praticiens de l’élément ont été informés depuis 2013 de la candidature et des conséquences que pourrait avoir l’inscription. Depuis, ils ont participé à de nombreux ateliers et réunions relatifs au dossier de candidature, lors desquels ils ont pu exprimer leurs préoccupations et suggestions concernant le processus. Des artistes, des hommes et des femmes, des jeunes, des danseurs, des musiciens, des détenteurs du savoir, des universitaires, des fabricants d’instruments, des chanteurs et encore bien d’autres membres des communautés concernées ont exprimé leur consentement libre, préalable et éclairé, à l’oral et par écrit.

R.5 : Le moutya est inclus dans l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel de la République des Seychelles depuis 2010. La section Recherche et protection du patrimoine national du Département de la culture, au sein du Ministère de la jeunesse, des sports et de la culture, est le service responsable de la mise à jour de cet inventaire, avec la participation des représentants des praticiens, des artistes, des fabricants d’instruments et des organisations des communautés.

  1. Estime en outre que les informations contenues dans le dossier ne sont pas suffisantes pour permettre au Comité de déterminer si les critères d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité suivants sont satisfaits :

R.2 : Rien ne prouve comment l’inscription de l’élément pourrait contribuer à la visibilité du patrimoine culturel immatériel et à la prise de conscience de son importance. Au contraire, le dossier de candidature met l’accent sur la visibilité de l’élément lui-même, et en particulier sur la promotion du tourisme. De plus, le dossier indique que l’inscription encouragerait le dialogue et les liens avec d’autres industries créatives et créerait des opportunités d’emploi pour les artistes. Une telle approche, qui met principalement l’accent sur l’amélioration de la visibilité du patrimoine culturel immatériel par des approches commerciales, n’est pas nécessairement conforme à l’objectif de la Convention.

R.3 :  Les mesures de sauvegarde proposées sont très générales et ne prennent pas en compte les éventuels impacts négatifs de l’inscription de l’élément. Même si le dossier de candidature mentionne explicitement le risque de commercialisation excessive de l’élément, aucune mesure de sauvegarde n’est proposée pour remédier à cette menace. Au contraire, les mesures proposées pourraient décontextualiser l’élément, dans la mesure où il est mis en avant comme un produit ou une attraction touristique. De plus, une approche descendante a été adoptée pour la conception des mesures de sauvegarde.

  1. Décide de renvoyer la candidature du moutya à l’État partie soumissionnaire et l’invite à resoumettre la candidature au Comité pour examen au cours d’un cycle ultérieur ;
  2. Invite en outre l’État partie à tenir particulièrement compte de l’impact du tourisme de masse et de la commercialisation excessive sur la sauvegarde de l’élément, afin d’éviter sa potentielle décontextualisation et l’encourage à se concentrer sur les aspects culturels et sociaux de l’élément lors de la planification et de la mise en œuvre des mesures de sauvegarde ;
  3. Rappelle que la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité a pour objectif de garantir la visibilité et la sensibilisation au patrimoine culturel immatériel de manière générale, et non de faire la promotion du tourisme ;
  4. Rappelle à l’État partie d’éviter les approches descendantes pour la sauvegarde de l’élément, particulièrement dans la définition des mesures et des activités de sauvegarde.

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