
© Dominique Tilkin Gallois
La définition de la sauvegarde dans la Convention (article 2.3) préconise des mesures répondant de façon générale aux menaces les plus répandues qui pèsent sur le PCI. Cet ensemble de mesures peuvent être entreprises séparément et/ou conjuguées selon les cas, aucune mesure ne prévalant sur une autre, aucune n’étant préalable à une autre. Elles s’associent selon la nature de l’élément à sauvegarder, selon les situations et les moyens disponibles.
Les exemples de projets et de pratiques de sauvegarde présentés ci-dessous illustrent les mesures de sauvegardes mentionnées dans la Convention. Ils relatent des projets de sauvegarde du PCI mis en œuvre par l’UNESCO à travers le monde, mais aussi des expériences et des initiatives, recueillies par le Secrétariat à titre d’exemples, qui ont permis de contribuer à la sauvegarde de PCI, d’une façon directe ou indirecte, spontanée, programmée ou parfois inattendue.
Transmission et éducation

© Alisher and Akbar Rakhimovs
La transmission du patrimoine culturel immatériel (PCI) se produit lorsque des praticiens ou d’autres détenteurs culturels au sein d’une communauté font passer leur savoir-faire, connaissances et idées aux générations suivantes par des moyens formels ou non formels. La transmission du PCI implique également de communiquer la signification, l’histoire, les valeurs associées, voire l’appréciation même de l’expression culturelle concernée. La transmission peut s’effectuer par exemple au sein de la famille, de parent à enfant, de maître à disciple, dans le cadre d’un rituel initiatique, de professeur à élève dans le cadre d’un enseignement formel ou non-formel. La transmission intergénérationnelle est un trait distinctif du PCI et le garant par excellence de sa viabilité. Dans un élément bien vivant du PCI, elle est intrinsèquement liée à sa pratique et à sa place propre dans la communauté.
Les procédés traditionnels de transmission mis en place par et au sein de la communauté sont le plus souvent circonstanciés et contextuels. Ils sont intimement liés aux contenus transmis et sont fonction du contexte, du temps et de l’espace. Parmi eux, il y a les moyens non formels de transmission, non structurés et encadrés où, par exemple, les jeunes acquièrent les connaissances et savoir-faire par l’observation, l’imitation et la pratique ou encore par la participation aux activités de la communauté.
Le corps et le verbe sont des moyens importants de transmission non-formelle et informelle. Le contact direct entre maître et disciple participe du processus en faisant intervenir le désir de ressembler ou de surpasser. Il y a également des moyens formels de transmission tels que de longs processus d’initiation et d’apprentissage échelonnés sur plusieurs années auprès d’un maître. Lorsque la transmission traditionnelle est fragilisée ou rompue c’est la viabilité même de l’élément qui s’en trouve souvent menacée. Dans ces circonstances, l’éducation formelle ou non-formelle peut offrir une alternative et contribuer à la sauvegarde et à la transmission du PCI.
- exemples de projets
Promotion et mise en valeur
La promotion et la mise en valeur sont deux outils importants de sensibilisation qui visent à accroître la valeur accordée au PCI dans différentes communautés et non pas d’en modifier, d’en améliorer ou d’en « perfectionner » l’expression ou la pratique même. La promotion est une action positive de sensibilisation du public aux aspects du PCI. La mise en valeur consiste à promouvoir le statut et l’importance du PCI au sein de la communauté détentrice et dans l’ensemble de la société ; cela ne signifie pas, par exemple, d’ajouter de nouvelles caractéristiques à un élément, ou de le modifier de l’intérieur (par exemple, dans la folklorisation).
- PHOTO:00408-MED-R- La Convention demande tout explicitement aux Etats parties d’adopter une politique générale visant à mettre en valeur la fonction du PCI dans la société (article 13 (a)). Le respect du PCI et la sensibilisation à son importance sont aussi mentionnés parmi les buts de la Convention (article 1). La sensibilisation est un moyen d’encourager les parties concernées à reconnaître la valeur du patrimoine culturel immatériel (PCI) et à prendre les mesures nécessaires pour assurer sa viabilité. Elle n’est jamais une fin en soi. L’Etat, les médias, les éducateurs, le secteur privé, les gardiens culturels de la tradition ou d’autres groupes peuvent tous jouer un rôle dans la sensibilisation. Un moyen de premier ordre pour sensibiliser est de fournir une visibilité accrue au PCI – en particulier à travers les médias de grande diffusion et les institutions culturelles officielles avec la participation des communautés concernées – afin de stimuler un plus grand respect et une plus grande attention à son égard.
Au sein des communautés, les membres peuvent parfois considérer leur PCI comme évident ou un acquis, et les actions de sensibilisation peuvent les inciter à mieux en apprécier la valeur. Si les communautés, les groupes et les individus ont l’occasion de voir leur propre PCI représenté avec respect et intégrité dans les médias, dans les festivals et dans le système éducatif, une telle visibilité peut contribuer à promouvoir sa viabilité. La sensibilisation au sein des communautés – et en particulier parmi leurs plus jeunes membres – est souvent une condition préalable pour les impliquer activement dans les mesures de sauvegarde. Quant aux décideurs et au grand public, la sensibilisation peut les inciter à prendre ce PCI davantage au sérieux et à consacrer les ressources nécessaires ou à créer les conditions favorables aux fins de sa sauvegarde.
- exemples de projets
Revitalisation
La revitalisation du patrimoine culturel immatériel (PCI) signifie de réactiver, de restaurer et de renforcer les pratiques et expressions liées au PCI qui sont vulnérables, menacés et qui nécessitent une sauvegarde. Afin de reconnaître et de revitaliser un tel PCI, celui-ci devrait démontrer qu’il a un minimum de vitalité, sans quoi il cesse d’être un PCI au sens de la Convention. Le PCI étant, par définition, créé et recréé en permanence et transmis de génération en génération, un élément qui s’est éteint et qui ne subsiste plus dans la mémoire vivante des membres de la communauté ne peut être revitalisé.
La résurrection d’une tradition, pratique ou d’une expression éteinte à partir de livres, de documents ou d’archives historiques n’est pas une revitalisation au sens de la Convention, puisqu’il ne s’agit plus de patrimoine vivant. Dans de tels cas, il s’agit d’un acte d’invention ou de réinvention, qui est une reproduction ou reconstruction consciente pour servir des fins et des intérêts particuliers (non seulement culturels, mais aussi politiques, idéologiques, économiques, etc.). De tels éléments reconstruits peuvent avoir des composantes d’expressions culturelles ayant existé indépendamment les unes des autres (ou même ayant appartenu à une autre communauté). Une telle réinvention peut constituer une tentative d’un pays ou d’une communauté pour ressusciter des éléments de PCI en vue de forger une identité collective nouvelle ou une origine commune. Au fil des années, les formes ainsi réinventées pourraient acquérir le caractère de PCI au sens de la Convention si elles étaient créées, recréées en permanence et transmises d’une génération à l’autre, mais elles ne peuvent pas être considérées comme un PCI au moment de leur recréation.
Dans le cas de certaines langues et de certaines disciplines, telle que la linguistique, la distinction est faite entre revitaliser une entité affaiblie mais encore vivante et faire revivre une entité morte ou éteinte, mais dans de nombreuses autres langues, ces termes sont rigoureusement synonymes. Dans la Convention, la restauration et le renforcement d’un PCI affaibli et en danger – à savoir, la revitalisation – sont accueillis comme des mesures fondamentales de sauvegarde ; la résurrection d’éléments éteints tombe hors du champ d’application de la Convention.
- exemples de projets
Identification, documentation et recherche
L’identification, la documentation et la recherche, pratiquées depuis longtemps, et avec succès, ne constituent pas un préalable incontournable de la sauvegarde.

© UNESCO / David Stehl
L’identification est le processus de décrire un ou plusieurs éléments particuliers du PCI dans son propre contexte, et de les distinguer des autres. Chaque communauté - et chaque État - peut choisir d’opérer des distinctions plus ou moins générales ou précises entre éléments, et il n’existe pas un critère unique “correct” ou objectif d’identification du PCI. Si l’identification offre une brève description d’élément du PCI, la définition en fournit une description la plus complète possible à un moment donné. Les processus d’identification et de définition aboutissant à l’inventaire relèvent des obligations des États et peuvent être menés, sous la responsabilité des Etats, par des individus et organismes compétents, publics ou privés, mais toujours avec la participation des communautés, groupes, individus et organisations non gouvernementales pertinentes.
Parmi les mesures de sauvegarde énumérées dans la Convention, la recherche et la documentation figurent parmi les premières stratégies que les Etats pourront prendre en considération. La recherche, en ce qui concerne le patrimoine culturel immatériel (PCI), vise à mieux connaître un élément donné du PCI, son histoire, ses significations, ses caractéristiques artistiques et esthétiques, ses fonctions sociales, culturelles et économiques, sa pratique, ses modes de transmission, et la dynamique de sa création et de sa recréation. La recherche est pratiquée de manière systématique et évolutive.
La documentation consiste en l’enregistrement du PCI dans son état actuel sur des supports matériels et en la collecte des documents le concernant. La documentation implique souvent l’utilisation de multiples supports et moyens d’enregistrement. Les documents récoltés sont souvent préservés dans des bibliothèques, des archives ou des sites web, où les communautés concernées et un public plus large peuvent les consulter. Toutefois, les communautés et les groupes ont également des formes traditionnelles de documentation telles que des livres de chant ou des textes sacrés, des modèles de tissages ou des recueils de motifs, ou encore des icônes et des images qui constituent des enregistrements des expressions et connaissances du PCI.
La recherche et la documentation peuvent être considérées, dans le cadre de la Convention, comme des mesures de sauvegarde lorsqu’elles ont pour but d’assurer la viabilité du PCI concerné. Les efforts novateurs d’auto-documentation des communautés et les programmes pour rapatrier ou diffuser les documents d’archives, afin qu’ils soutiennent la créativité continue, sont des stratégies de sauvegarde ayant fait leur preuve et qui sont de plus en plus utilisées.
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Préservation et protection
La sauvegarde - c’est-à-dire les “mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel (PCI)” - est l’objectif principal de la Convention de 2003. Dans l’éventail des mesures de sauvegarde, deux termes dont l’usage est largement répandu – la préservation et la protection – méritent une attention particulière.

© Jérôme Tubiana
Dans le contexte de la Convention, on entend par préservation du PCI les efforts déployés par les communautés et les détenteurs d’une culture pour perpétuer la pratique de ce PCI au fil du temps. Au sein des différentes communautés et diverses formes de PCI, certaines s’attachent plus ou moins à recréer fidèlement les expressions précédentes, et d’autres sont plus ou moins ouvertes à l’innovation et à la création.
La protection se réfère à des mesures délibérées – souvent prises par des organismes officiels – qui visent à défendre le PCI ou certains éléments contre des menaces ou des dommages, qu’ils soient perçus ou réels. Les mesures de protection peuvent être de nature juridique, telles que des lois autorisant certaines pratiques de PCI, assurant à une communauté l’accès aux ressources nécessaires, prévenant un détournement ou interdisant des actions pouvant compromettre la viabilité du PCI. Elles peuvent également comprendre des mesures coutumières qui assurent que la tradition soit transmise de manière appropriée et que les connaissances ne soient pas mal utilisées.
Au sens de la Convention, ni la préservation ni la protection ne doivent être comprises comme ayant pour but de figer le PCI sous une forme immuable, privée de vie. Parce que le PCI est toujours créé et recréé, il n’est pas souhaitable d’en figer la forme, ce qui signifierait qu’il ne peut plus être considéré comme PCI.
- exemples de projets