Quel était le besoin ? 

La viabilité de la pratique du bandonéon en Uruguay était menacée pour diverses raisons, mettant en péril le tango, la polka, la milonga et de nombreux autres genres musicaux et expressions du patrimoine vivant. En 2020, il ne restait plus que trois artisans spécialisés dans la réparation de bandonéons (luthiers), tous proches de la retraite. L’accès à l’instrument était coûteux et difficile, car il n’existait pas d’inventaire des bandonéons existants. On ne comptait pas plus de 25 joueurs professionnels dans tout le pays, dont beaucoup âgés de plus de 60 ans, et il y avait une pénurie importante d’enseignants, en particulier en dehors de la capitale Montevideo.

Par ailleurs, le manque de partitions adaptées a entravé la participation des musiciens malvoyants. Ce fut le cas de Ricardo Pereira, joueur renommé de Tacuarembó, qui, contrairement aux musiciens voyants, n’a pas pu compter sur les partitions de bandonéon, car les partitions en braille étaient extrêmement rares à l’époque où il était jeune apprenti.

« J’espère que les jeunes s’y intéresseront ; la musique est ce qu’il y a de mieux pour tout le monde. Elle nourrit l’âme et l’oreille. »
Ricardo Pereira, joueur de bandonéon de Tacuarembó

« J’ai dû me rendre à Montevideo, à cinq heures de route de ma ville, pour étudier et rencontrer des professeurs. J’ai appris le bandonéon à partir des rares partitions disponibles en braille, et surtout à l’oreille. »
Ricardo Pereira, joueur de bandonéon de Tacuarembó

Quelles approches ont été mises en oeuvre ?

La Fondation Cienarte, en collaboration avec le Gouvernement uruguayen, s’est attachée à promouvoir la transmission intergénérationnelle de la pratique du bandonéon par le biais de l’éducation. Des écoles de bandonéon décentralisées ont été créées dans différentes villes pour desservir les quatre régions de Maldonado, Montevideo, Fray Bentos et Tacuarembó, offrant des cours gratuits de bandonéon et de lutherie. L’initiative a intentionnellement encouragé la participation des jeunes femmes dans ce domaine traditionnellement dominé par les hommes.

Pour soutenir l’enseignement à venir, 200 exemplaires du manuel d’enseignement de Raúl Jaurena ont été distribués aux écoles de musique publiques du pays. Jaurena, bandonéoniste uruguayen respecté, avait créé un manuel complet qui était largement considéré comme essentiel, mais celui-ci était resté inaccessible aux musiciens malvoyants comme Ricardo Pereira. Consciente des difficultés rencontrées par les musiciens aveugles, la fondation Cienarte a aussi dirigé la traduction en braille du manuel de bandonéon de Raúl Jaurena. Cette initiative d’adaptation a également été l’occasion de promouvoir l’inclusion sociale, puisqu’elle a impliqué un partenariat avec l’Institution nationale de réhabilitation, pour engager deux transcripteurs incarcérés qui ont méticuleusement adapté les notations du manuel.

Ce processus a été soutenu par l’assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel de la Convention de 2003 (2020-2023).

« Maintenant que les activités publiques du projet sont terminées, je crois que nous pouvons dire, dans une sorte de bilan, que le bandonéon en Uruguay se porte beaucoup mieux qu’il y a trois ans. Il existe de nouvelles voies qui nous permettent de mieux comprendre sa signification et de promouvoir l’instrument, la lutherie et ses interprètes. »
Fondation Cienarte

Comment cela a-t-il fonctionné?

Grâce aux écoles de bandonéon décentralisées et à une meilleure accessibilité de la formation et des méthodes d’enseignement, cette initiative a sensibilisé la communauté à la pratique et à la fabrication du bandonéon. Les activités de sensibilisation ont suscité l’intérêt des jeunes pour l’apprentissage de l’instrument. Au total, 32 étudiants de moins de 35 ans ont suivi des cours. L’initiative « Le bandonéon à l’école » a permis d’organiser des concerts dans 20 écoles, auxquels ont participé plus de 2000 enfants et adolescents, tandis que le « Festival du bandonéon » à Montevideo a réuni des élèves et des enseignants des quatre régions pour célébrer ce patrimoine culturel.

En outre, un accord est en cours d’élaboration avec l’autorité nationale de l’éducation et l’Universidad del Trabajo pour créer un cours de lutherie de bandonéon.

Cette initiative a également permis de faire progresser l’égalité entre les hommes et les femmes, ce qui s’est traduit par une présence accrue des femmes dans la maîtrise du bandonéon ; pour la première fois en Uruguay, l’on voit des femmes luthiers.

Comment la communauté a-t-elle été impliquée ?

Cette initiative a rassemblé un large éventail de parties prenantes, notamment les gouvernements nationaux et locaux, les syndicats de musiciens et d’auteurs, les associations civiles dédiées à l’étude et à la promotion du bandonéon, ainsi que des étudiants et des enseignants. Ricardo Pereira, ainsi que d’autres bandonéonistes, ont joué un rôle actif dans la tournée des écoles et le festival du bandonéon - des occasions uniques qui ont non seulement permis de mettre en valeur les talents d’un musicien malvoyant, mais aussi d’inciter les nouvelles générations à adopter et à perpétuer la tradition de jouer de cet instrument emblématique.

Contacts pour partager des expériences

Fondation Cienarte
18 de Julio 1730 local 10, Montevideo, Uruguay
Langue de contact : espagnol
+598 95018266
secretaria@cienarte.org

La Fondation Cienarte a donné son accord à l’UNESCO pour la diffusion de cette bonne expérience de sauvegarde.

Pour en savoir plus

  • Vidéo sur cette expérience

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