Le cadre institutionnel de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel au Mexique est coordonné par la Comisión Nacional del Patrimonio Cultural Inmaterial – CNPCI (Commission nationale du patrimoine culturel immatériel), établie en 2010, dont l’objectif est de renforcer les stratégies et les mécanismes de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel du pays. La commission est composée de représentants des principaux organes en charge de la mise en œuvre de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel : le Consejo Nacional para la Cultura y las Artes – CONACULTA (Conseil national pour la culture et les arts), une unité du Ministère de l’éducation publique qui coordonne les politiques culturelles nationales ; l’Instituto Nacional de Antropología e Historia – INAH (Institut national d’anthropologie et d’histoire) qui est en charge de la recherche, de la sauvegarde et de la diffusion d’activités liées à certains aspects du patrimoine culturel immatériel ainsi que de la formation professionnelle et de la documentation ; l’Instituto Nacional de Bellas Artes – INBA (Institut national des beaux arts) qui a un rôle dans la stimulation, la création et la promotion de la musique, des arts plastiques, des arts dramatiques et de la danse, et dispense des cours de formation professionnelle dans ces domaines ; la Dirección General de Culturas Populares – DGCP (Direction générale des cultures populaires) qui promeut la sauvegarde, la diffusion et le développement des cultures populaires et autochtones du Mexique et travaille en collaboration avec 20 Unités de culture populaire situées dans 17 états du pays ; La Comisión Nacional para el Desarrollo de los Pueblos Indígenas – CDI (Commission nationale pour le développement des peuples autochtones) qui dirige les politiques fédérales de développement et de sauvegarde des communautés autochtones, politiques qui accordent de l’importance aux questions d’identité autochtone, aux droits collectifs, au respect des langues et du patrimoine autochtones, au dialogue interculturel, à la médecine traditionnelle au sein du système de santé et aux problèmes de genre ; et l’Instituto Nacional de Lenguas Indígenas –INALI (Institut national des langues autochtones) qui promeut les politiques publiques en faveur des langues autochtones, du multilinguisme et des droits linguistiques, et mène des travaux de recherche fondamentale et appliquée. Parmi les autres membres de la commission, mais disposant de responsabilités moindres dans la mise en œuvre de la Convention, on peut citer la Dirección General de Vinculación Cultural – DGVC (Direction générale des relations culturelles) et l’Instituto Nacional de Derecho de Autor – INDA (Institut national du droit d’auteur).
La CNPCI a comme objectifs de : (1) contribuer à la définition de politiques publiques et la mise en œuvre de programmes d’envergure nationale et régionale en faveur de la reconnaissance, la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel immatériel, basés sur la participation sociale et la reconnaissance du droit de propriété intellectuelle des groupes et individus créatifs et des détenteurs de ce patrimoine ; (2) mener des actions qui permettent d’articuler des programmes, des projets et des activités qui, s’agissant du patrimoine culturel immatériel, sont réalisées dans les différentes instances publiques et privées ; (3) concentrer, systématiser et diffuser l’information sur le patrimoine culturel immatériel au niveau national pour la mettre à la disposition de tous les Mexicains ; (4) examiner et donner suite aux accords, aux programmes internationaux et aux expériences d’autres pays sur le patrimoine culturel immatériel ; et (5) suivre la Convention de 2003. La CNPCI accorde la priorité aux politiques publiques qui reconnaissent la diversité ethnique et culturelle du pays et la participation sociale des créateurs et détenteurs de patrimoine culturel immatériel.
Ces différents organes sont impliqués dans la formation professionnelle (renforcement des capacités) dans le domaine de la gestion du patrimoine culturel immatériel aux cotés de l’Universidad Nacional Autónoma de México – UNAM (Université nationale autonome du Mexique). En 2007, l’UNAM a créé une Licence en développement et gestion interculturels afin de former des professionnels à la création de canaux de communication et à l’élaboration d’accords en faveur de la coexistence entre différents groupes sociaux, cultures et institutions. La gestion du patrimoine culturel sera l’une des composantes de leur future carrière et ils seront bien préparés au traitement des problématiques liées au patrimoine culturel immatériel telles que les conflits entre groupes culturellement différents. S’agissant du renforcement des capacités au sein des communautés, les représentants de la DGCP au niveau de l’état forment et entretiennent un réseau d’agents culturels dont la principale tâche est de dispenser des cours aux communautés dans le but de promouvoir et de sensibiliser celles-ci à la reconnaissance, l’identification et l’enregistrement de leur propre patrimoine culturel immatériel.
Ces mêmes organes mènent des activités de documentation aux cotés du Centro de Información y Documentación Alberto Beltrán (Centre Alberto Beltrán d’information et de documentation) et d’une organisation non gouvernementale le Centro Daniel Rubín de la Borbolla, A.C. (Centre Daniel Rubín de la Borbolla). La plupart de ces institutions sont de caractère public et leurs ressources documentaires ainsi que les informations qu’elles collectent sont librement et gratuitement consultables par le public.
Les premiers efforts entrepris pour inventorier le patrimoine culturel immatériel remontent à 2006. Le Groupe de travail pour la promotion et la protection du patrimoine culturel immatériel du Mexique (qui est ensuite devenu la CNPCI) a, dans un premier temps, concentré son action sur le patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. À partir de 2008, cet organe a été chargé de concevoir l’Inventario del Patrimonio Cultural Inmaterial (Inventaire du patrimoine culturel immatériel). L’inventaire est organisé selon les cinq domaines définis dans la Convention de 2003, il est élaboré et adapté à la situation du Mexique, des critères spécifiques d’inclusion du patrimoine culturel immatériel sont actuellement définis pour chaque domaine. Les 248 formulaires d’enregistrement collectés à ce jour ont été élaborés par les enquêteurs et les spécialistes des différents domaines du patrimoine culturel immatériel, suite à un travail de terrain avec les détenteurs et les praticiens des manifestations, ce qui permet de refléter également leurs avis et opinions. Les dossiers existants sont disponibles en ligne sur le site web du CONACULTA http://sic.conaculta.gob.mx/index.php?table=frpintangible.
En ce qui concerne la politique culturelle nationale, un des sept « piliers » du Programme national de culture (2007-2012) est « le patrimoine et la diversité culturelle », selon lequel la reconnaissance de la diversité culturelle est un élément central de l’identité mexicaine. Dans le cadre de la mise en œuvre de ses directives, le Programme respecte également les spécificités locales du patrimoine culturel immatériel. D’autres efforts de sauvegarde ont mis l’accent sur la sensibilisation au patrimoine culturel immatériel en général et ont débouché sur la création d’un lien entre les organes de l’État et les communautés locales. Par exemple, les Rencontres du patrimoine culturel immatériel de Mexico, qui se tiennent tous les ans, ont permis la création d’un espace de coexistence et d’échange d’expériences entre les détenteurs, les praticiens, les instances gouvernementales et les citoyens.
L’éducation au patrimoine culturel immatériel a sa place à tous les niveaux et sous de multiples formes. Le cours de l’UNESCO « Le patrimoine entre les mains des jeunes » est enseigné dans 505 écoles, collèges et lycées du pays. Des rencontres et des concours nationaux sont régulièrement organisés entre élèves de différents états du pays dans le but d’établir des liens et d’échanger leurs expériences en matière de patrimoine culturel local. Des ateliers sur le patrimoine culturel immatériel ont également été organisés pour les 7-15 ans afin de sensibiliser les participants à leur patrimoine culturel immatériel et à son importance. Bien que les usages, les coutumes et les traditions continuent d’être transmis chaque jour dans l’environnement familial, la transmission aux jeunes générations a, dans certains cas, perdu de sa vitalité. En traitant ce problème par des initiatives d’éducation non formelle, la particularité de chaque élément du patrimoine culturel immatériel est soulignée et les processus de transmission adoptés dépendent de dynamiques propres à chaque élément.
S’agissant de la coopération bilatérale, sous-régionale, régionale et internationale, le Mexique n’a pas manqué d’inclure le patrimoine culturel immatériel dans les accords d’échange culturel et a été très actif dans l’organisation d’échanges d’expériences et d’experts compétents dans la gestion et la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, après avoir beaucoup consulté les spécialistes mexicains. Le Mexique a également encouragé les débats et l’échange d’expériences sur la mise en œuvre de la Convention de 2003 en organisant plusieurs rencontres internationales (six entre 2007 et 2011), principalement avec les États de la région mais également avec certains États européens et de la région Asie-Pacifique. La coopération bilatérale, qui prend la forme d’échanges d’experts et d’organisation d’ateliers, de conférences et autres réunions, a été mise en œuvre avec le Venezuela, le Viet Nam, Abu Dhabi et la Colombie.
Le Mexique fait ici rapport sur six éléments inscrits sur la Liste représentative : les fêtes indigènes dédiées aux morts (intégré en 2008 après avoir été proclamé chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité en 2003) ; les lieux de mémoire et les traditions vivantes du peuple Otomí-Chichimecas de Tolimán : la Peña de Bernal, gardienne d’un territoire sacré (2009) ; la cérémonie rituelle des Voladores (2009) ; les Parachicos dans la fête traditionnelle de janvier à Chiapa de Corzo (2010) ; la Pirueka, chant traditionnel des P’urhépecha (2010) ; et la cuisine traditionnelle mexicaine – culture communautaire, vivante et ancestrale, le paradigme de Michoacán (2010).
Bien que la plupart des éléments concernent principalement le patrimoine autochtone, la promotion de leur importance pour les communautés détentrices a également un impact significatif au niveau national. Par exemple, bien que la fête des morts soit une pratique culturelle profondément enracinée dans la société mexicaine et porteuse d’une signification symbolique pour l’identité nationale, ses significations varient selon les différents groupes ethniques. En ce qui concerne les Voladores et Pirueka, l’inscription a incité les détenteurs à utiliser une radio communautaire afin de diffuser des activités autour de la signification symbolique de leur patrimoine culturel immatériel pour les communautés et, en particulier, les jeunes. En général, les éléments inscrits continuent d’être viables et bénéficient de bases et de modes de transmission forts au sein des communautés, habituellement dans le contexte familial. En outre, le fait d’avoir une langue commune et/ou des pratiques ou des espaces partagés renforcent ce statut. Certains de ces éléments ont été utilisés pour enseigner aux élèves des écoles élémentaires les valeurs du patrimoine culturel immatériel en tant que source d’identité, comme ce fut le cas avec la fête des morts. Cette démarche a été poussée plus avant avec l’élément des Voladores lorsque la communauté des praticiens a créé une école des Voladores pour les enfants afin de transmettre et d’enseigner la valeur symbolique de cette manifestation culturelle aux jeunes générations. Des tentatives ont également été faites pour combiner sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et développement des communautés, comme en témoigne le Programme d’aide aux cultures municipales et communautaires (PACMYC) (2007-2011) qui considère les populations et les groupes comme les agents directs du développement de la culture et accorde une aide économique aux initiatives et projets présentés par des organisations non gouvernementales et des créateurs populaires et autochtones.