La principale législation en matière de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est la Loi sur le patrimoine culturel immatériel de la République kirghize (2012) ainsi que la Loi sur la protection des connaissances traditionnelles (2007) et la Loi sur le patrimoine épique (2011). L’organe national responsable de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est le Comité national du patrimoine culturel immatériel, au sein du Ministère de la Culture et du Tourisme (auquel siègent des représentants du Ministère de la Culture et du Tourisme, du Parlement, de la Commission nationale pour l’UNESCO, de l’Académie nationale kirghize des sciences, des praticiens, des organisations non gouvernementales et des experts du patrimoine culturel immatériel). Les autres organes d’état en charge de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel sont l’Institut des langues et de littérature, l’Institut d’histoire et du patrimoine culturel de l’Académie nationale kirghize des sciences et le Centre de sauvegarde et de recherche du patrimoine épique. Diverses organisations non gouvernementales et associations de praticiens du patrimoine culturel immatériel participent également à la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel immatériel.
L’Institut des arts et l’Université américaine d’Asie centrale participent à la formation d’experts culturels au niveau national et local, et le Collège des arts de l’état kirghize forme des spécialistes de l’artisanat traditionnel, c.-à-d. la céramique, le travail du feutre et les produits en feutre. Le Conservatoire national forme des spécialistes du folklore et de l’art de la narration d’épopées. Néanmoins, un manque de ressources humaines et l’absence de programmes spécifiques d’éducation et de formation des spécialistes de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ont eu une influence négative sur la qualité de la sauvegarde.
Le Centre de documentation du patrimoine culturel matériel et immatériel de l’Académie nationale des sciences administre une base de données du patrimoine culturel immatériel accessible au grand public. Le travail de documentation du patrimoine culturel immatériel du Kirghizistan a débuté dans les années 1950 avec des ethnographes de l’Académie des sciences de la République soviétique kirghize. Cette dernière a enregistré une grande quantité de folklore oral et de créations instrumentales et elle a recueilli des fragments du patrimoine épique et des éléments de jeux traditionnels, avec l’aide de l’Académie des sciences de l’URSS. Toute cette documentation est conservée à l’Académie des sciences.
Depuis l’indépendance, l’inventaire du patrimoine culturel immatériel a été réalisé au niveau local et d’une manière sporadique par différentes organisations culturelles, avec l’aide de subventions d’organisations internationales. L’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel de la République kirghize a été dressé en 2008 et mis à jour en 2011 et 2012. Le Ministère de la Culture et du Tourisme est le principal organe gouvernemental en charge de la coordination de la procédure de mise à jour de l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel. Celle-ci est réalisée en étroite collaboration avec d’autres institutions et organisations non gouvernementales telles que le Centre de recherche culturelle (CRC) Aigine. Le Centre s’occupe de l’inventaire des connaissances traditionnelles, des sites sacrés et du patrimoine épique. Il est sur le point d’achever une géographie sacrée du Kirghizistan tandis que le travail de documentation de la version actuelle de la trilogie épique de Manas est terminé. Le Fonds de développement rural et le Centre pour la diversité bio-culturelle, qui dépend de l’Université agraire, sauvegardent et mettent en valeur les connaissances et savoir-faire traditionnels liés à l’agriculture.
L’inventaire actuel est structuré autour de sept domaines du patrimoine culturel immatériel. Chaque domaine est mis à jour en moyenne tous les trois ans, par une ou plusieurs institutions et organisations non gouvernementales avec la participation des détenteurs, d’organisations non gouvernementales et d’autres acteurs concernés par les éléments inventoriés. L’inventaire recueille des informations sur la viabilité des éléments et un inventaire spécifique est actuellement dressé pour les éléments menacés de disparition et nécessitant une sauvegarde urgente. L’inventaire est disponible sous forme électronique et imprimée dans la langue de l’état (le kirghize) et dans la langue officielle (le russe). Les critères d’inclusion d’un élément du patrimoine culturel immatériel dans l’inventaire sont quadruples : (1) il doit être en lien avec l’un des domaines du patrimoine culturel immatériel, et la demande d’inclusion doit être soumise par la communauté détentrice, assortie d’une déclaration écrite exprimant le consentement préalable et libre des principaux praticiens ; (2) la continuité ou « l’enracinement dans le passé » doit être assuré, c.-à-d. l’élément doit être sauvegardé ou pratiqué par au moins deux ou trois générations de détenteurs ou de praticiens ; (3) la reconnaissance locale ou l’ « enracinement dans le lieu » doit être démontré, c.-à-d. l’élément doit être en lien étroit avec les communautés et les lieux où il est créé, sauvegardé et transmis ; et (4) l’élément doit être reconnu comme une expression du patrimoine vivant.
Le Programme national de sauvegarde, d’étude et de promotion du patrimoine culturel immatériel (2012-2017) vise à développer, sauvegarder et promouvoir le patrimoine culturel immatériel. Il a été élaboré en coopération avec des organisations gouvernementales et non gouvernementales et intègre les activités des différentes parties prenantes. Parmi les autres mesures destinées à assurer la reconnaissance, le respect et la mise en valeur du patrimoine culturel immatériel, on citera : l’organisation de différents événements visant à accroitre la reconnaissance par le public de l’importance du patrimoine culturel immatériel, tels que des symposiums internationaux, des conférences nationales, des festivals, des expositions et des cours de formation ; la production de programmes de télévision et de radio, de séries documentaires et de films d’animation ; la publication de livres, livrets, etc. ; et l’enregistrement de CD et de DVD.
De nouveaux programmes éducatifs sur le patrimoine culturel immatériel sont en cours d’élaboration et sont introduits dans le système éducatif officiel, de l’école maternelle à l’université en passant par l’enseignement élémentaire et secondaire. Il est, par exemple, obligatoire de suivre un enseignement sur la trilogie épique de Manas dans toutes les institutions d’éducation secondaire et supérieure, pour tous les étudiants qu’ils s’expriment en kirghize ou en russe. Dans le cadre de l’éducation non formelle, un certain nombre d’activités sont mises en œuvre, par exemple, par le Centre Ustat-Shakirt pour la musique traditionnelle. Ce dernier vise à sauvegarder le patrimoine musical kirghize par une transmission traditionnelle de maître à apprenti, créant ainsi une nouvelle génération de détenteurs de musique traditionnelle. Le Centre propose également un enseignement de la musique traditionnelle dans les lycées publics. En 2009, le Conservatoire national a commencé à proposer une formation destinée aux jeunes conteurs d’épopées – de Manas, de Semetey et de Seitek. Des studios-écoles qui transmettent les compétences nécessaires à la narration d’épopées ont été mis en place dans les sept régions du pays avec le soutien financier du gouvernement. Le CRC Aigine organise régulièrement des séminaires de formation à l’interprétation du komuz (un instrument de musique traditionnel). Il organise également un camp destiné de transmettre aux jeunes générations les méthodes traditionnelles de prévention et de résolution des conflits.
En ce qui concerne la coopération bilatérale, sous-régionale, régionale et internationale, plusieurs réunions conjointes d’experts, de fonctionnaires du gouvernement, d’organisations non gouvernementales et de praticiens ont été organisées avec d’autres pays d’Asie centrale afin d’échanger de la documentation et de préparer des candidatures conjointes d’éléments du patrimoine culturel immatériel. Un Réseau d’experts du patrimoine culturel immatériel des états d’Asie centrale est en cours de création et un site web commun est actuellement lancé. L’Association de soutien à l’artisanat de l’Asie centrale (Central Asia Crafts Support Association –CASCA) rassemble plus de 60 groupes privés et publics représentant plusieurs milliers d’artisans d’Asie centrale et met en place des activités au Kirghizistan, Kazakhstan, Tadjikistan, Turkménistan et en Ouzbékistan. Elle a mis en œuvre 20 projets régionaux et internationaux dont plus de 50 ateliers pour des artisans.
Le Kirghizistan a deux éléments inscrits sur la Liste représentative qui font l’objet du présent rapport : l’Art des Akyn, conteurs épiques Kirghiz (incorporé en 2008 après avoir été proclamé chef d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité en 2003) ; et Novruz, Nowrouz, Nooruz, Navruz, Nauroz, Nevruz (inscrit en 2009, sur une base multinationale par l’Azerbaïdjan, l’Inde, la République islamique d’Iran, le Kirghizistan, le Pakistan, la Turquie et l’Ouzbékistan). Pour ces deux éléments, l’inscription a accru leur visibilité et celle du patrimoine culturel immatériel en général, et a sensibilisé le public, en particulier les jeunes. Pour l’art des Akyn, l’inscription a également débouché sur une coopération régionale et internationale dans le domaine du patrimoine culturel immatériel avec notamment un projet pluriannuel soutenu par le Fonds en dépôt japonais de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. En ce qui concerne Nooruz, l’inscription a été importante car elle a permis d’assurer de la part du gouvernement un soutien, notamment financier, à la tenue de célébrations et à la réalisation d’études sur l’élément. Dans les deux cas, les activités de sauvegarde se concentrent en grande partie sur la transmission non formelle et une meilleure reconnaissance par le public. Le groupe de travail établi pour préparer le présent rapport était composé de représentants de la communauté Akyn, et des organisations non gouvernementales ont activement participé à toutes les étapes de la procédure de préparation du présent rapport.