L’Algérie a joué un rôle actif dans l’élaboration de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et a été le premier État au monde à la ratifier en février 2004. Le principal organe acteur de la mise en œuvre de la Convention en Algérie est le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH), une institution publique placée sous la responsabilité du Ministère de la culture. Les activités du CNRPAH concernent la recherche dans les domaines de la culture et des interactions entre l’homme et son environnement de la préhistoire à nos jours. Il entreprend des activités de recherche multidisciplinaire sur le terrain, de collecte et de documentation, et publie les résultats de ses travaux dans les publications du CNRPAH ainsi que dans des revues internationales. Les actions de promotion du patrimoine culturel immatériel ont été lancées au début des années 2000 suite à la promulgation de la Loi du 15 juin 1998 pour la protection du patrimoine culturel et la ratification par l’Algérie de la Convention. Outre la garantie de la protection du patrimoine culturel immatériel, la Loi du 15 juin 1998 stipule que : « Les biens culturels immatériels se définissent comme une somme de connaissances, de représentations sociales, de savoir, de savoir-faire, de compétences, de techniques, fondés sur la tradition dans différents domaines du patrimoine culturel représentant les véritables significations de rattachement à l’identité culturelle détenus par une personne ou un groupe de personnes. » En 2003, le CNRPAH a été réorganisé afin d’assumer les responsabilités en matière de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Il agit en étroite coopération avec le personnel de chacune des 48 Directions culturelles des wilayas (provinces) (DCW), chaque DCW dispose d’une unité en charge du patrimoine culturel.
S’agissant de la formation, quatre universités proposent des cours consacrés à la gestion du patrimoine culturel immatériel. L’Institut de culture populaire à Tlemcen et les Départements de langue et de culture amazigh des Universités de Tizi-Ouzou, Bejaïa et Bouira encadrent des centaines de mémoires de licence et de master et de thèses de doctorat sur l’anthropologie culturelle. En octobre 2011, conjointement avec les universités du pays, le CNRPAH mettra en place des programmes d’études doctorales sur les sciences du patrimoine culturel immatériel. Le premier cours accueillera 20 étudiants de niveau master. Parallèlement, le CNRPAH organisera au cours de l’année scolaire 2011-2012 un cours pratique destiné aux chercheurs, les étudiants seront recrutés parmi les titulaires d’une licence en sciences humaines et sociales.
La documentation du patrimoine culturel immatériel représente une partie essentielle des activités du CNRPAH ainsi que des instituts et universités susmentionnées. Entre 1962 et 1969, le Ministère de la culture a enregistré des centaines de « noubate » de musique andalouse dans les écoles d’Alger, de Bejaïa, de Blida, de Constantine et de Tlemcen et les a rassemblées dans des enregistrements. Le CNRPAH a plus de cent heures d’enregistrements de poésie populaire écrite et récitée datant des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, il continue d’enrichir sa collection. Le CNRPAH a également plusieurs centaines d’enregistrements sur bande magnétique, réalisés dans les années 1970, de musiques et de chansons du patrimoine national qu’il est en train de numériser. Bien qu’il n’y ait (à l’heure actuelle) pas d’autre institution spécialisée dans la documentation du patrimoine culturel immatériel, de nombreux centres de recherche et universités ont des collections de documents consacrés au patrimoine culturel immatériel. Des professeurs et chercheurs créent actuellement des répertoires qui rassembleront toutes les références bibliographiques afin que ces matériels et documents puissent être utilisés pour créer une base de données dont la validation et la saisie seront confiées au CNRPAH.
L’inventaire du patrimoine culturel immatériel se fonde sur ce travail de documentation en cours. Suite à un décret du 5 octobre 2003, l’Algérie a établi une base de données du patrimoine culturel immatériel. Il s’agit d’une initiative pluriannuelle déployée dans tout le pays qui sera mise en œuvre sous le contrôle scientifique du CNRPAH. Une directive complémentaire du Ministère de la culture en date du 7 mars 2007 a ordonné aux DCW de « mettre en œuvre, dès que possible, les opérations visant à établir une base de données nationale du patrimoine culturel immatériel, conformément aux accords à conclure avec le CNRPAH, entité mandatée pour entreprendre des travaux de recherche scientifique et produire un corpus de connaissances dans le domaine du patrimoine culturel immatériel. » Les 48 DCW du pays ont été formées à l’identification du patrimoine culturel immatériel et des individus détenteurs, et à l’enregistrement de ces informations. Suite à l’identification et à l’enregistrement du bien au niveau local, un inventaire général des biens culturels protégés est dressé. Dans un premier temps, il est demandé aux DCW de localiser et d’identifier les dépositaires de tous les éléments du patrimoine culturel immatériel (les différents genres de littérature orale, le substrat ethnomusicologique, les compétences traditionnelles, etc.). Dans un deuxième temps, il est demandé au CNRPAH de valider les listes provinciales et de mandater des chercheurs, préalablement formés, afin qu’ils collectent et enregistrent ce patrimoine. Au niveau local, le directeur culturel de la province fournira les moyens logistiques et l’aide nécessaires afin que les chercheurs puissent accomplir leur tâche tandis que le CNRPAH fournira les outils de travail (protocole de recherche, directives méthodologiques et éthiques sur les attitudes et l’approche à adopter par les chercheurs lors de la rencontre avec des personnes invitées à transmettre leurs connaissances, fiche technique d’enregistrement et questionnaire). Il a été demandé aux DCW d’accorder la priorité à l’inventaire des éléments les plus fragiles, ceux qui sont de plus en plus rarement pratiqués.
Afin de promouvoir le patrimoine culturel immatériel et la culture populaire et de rassembler les populations, le Ministère de la culture a programmé et financé, rien que pour l’année 2010, 64 festivals locaux dont sept festivals de musique, quatre festivals locaux de chansons et 48 festivals culturels locaux d’art et de culture populaires, ce qui représente plus d’un festival par wilaya (province). 25 festivals culturels consacrés à différents thèmes (musique et chansons amazigh, raï et haouzi, poésie féminine) ont également été programmés. Par ailleurs, le Ministère organise des festivals internationaux consacrés à l’Ahellil, au soufisme, aux chansons et danses traditionnelles et à la musique ancienne. Il programme régulièrement des semaines culturelles internationales afin de donner aux populations l’occasion de découvrir la subtilité et la richesse des arts et traditions populaires d’autres peuples. Des événements culturels tels que le Festival arabo-africain de danse folklorique permettent d’assurer la promotion du patrimoine culturel immatériel algérien. Au cours des dernières années, les deux faits saillants de la promotion du PCI ont été, d’une part, la désignation d’Alger « Capitale de la culture arabe » en 2007, un événement au cours duquel les techniques traditionnelles (le travail de la laine, du métal, de l’argent, du bois, du cuir) ont été présentées dans des ateliers et des expositions et des programmes riches et variés de poésie, de danse et de chansons populaires ont été représentés dans des théâtres et en plein air, et, d’autre part, le deuxième Festival culturel panafricain, en 2009, au cours duquel des artistes, des créateurs et des intellectuels originaires de 50 États africains ont présenté leurs créations, leurs productions et leurs talents dans tous les domaines de la culture : littérature, théâtre, cinéma, danse, chanson, musique, arts, mode et patrimoine.
La composante socioculturelle est une caractéristique essentielle des directives et des stratégies cognitives formulées par le Ministère de l’éducation afin d’élaborer des programmes éducatifs. Si l’on ne connaît pas la valeur symbolique de la culture populaire algérienne présente dans les enseignements et la sagesse des ancêtres qui ont transmis oralement leurs savoirs, alors on ne peut comprendre les travaux littéraires modernes. Les programmes de l’enseignement secondaire intègrent, par exemple, des références au patrimoine culturel immatériel et prévoient même une explication des contes et légendes. En outre, le programme de la cinquième année de l’enseignement primaire répertorie les matériels et domaines culturels riches de contenu éducatif tels que la poésie orale et l’art du conte. L’objectif déclaré d’un tel enseignement n’est pas simplement théorique et éducatif, il s’agit également de faire prendre conscience à l’élève de son appartenance à une région culturelle particulière. Par ailleurs, peu de temps après l’intégration de l’Ahellil dans la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, des ateliers d’enseignement de l’Ahellil ont été créés dans plusieurs établissements d’enseignement secondaire de la région concernée grâce au soutien du Ministère de l’éducation. Il en ira de même pour tous les éléments du patrimoine culturel immatériel algérien inscrits sur une des listes de la Convention.
S’agissant de la coopération régionale et internationale, l’Algérie a accepté d’accueillir et de soutenir le Congrès panafricain des anthropologues, une organisation scientifique et culturelle internationale dont le siège est à Alger, conformément aux recommandations faites lors du deuxième Festival culturel panafricain.
L’Algérie fait rapport sur un élément de la Liste représentative, l’Ahellil de Gourara (un élément intégré en 2008 après avoir été proclamé chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité en 2005). La proclamation et l’intégration qui a suivi ont donné aux communautés locales, aux détenteurs des connaissances et aux praticiens la satisfaction d’être reconnus sur le plan international, ont accru la confiance en soi des praticiens et des communautés et ont renforcé leur volonté de perpétuer la pratique ; cette volonté s’illustre tout particulièrement par le nombre d’associations culturelles créées afin de pratiquer l’Ahellil (ainsi que d’autres genres musicaux), même dans les villages les plus reculés. Outre les activités éducatives ci-dessus évoquées, des efforts ont été récemment entrepris pour promouvoir l’Ahellil parmi lesquels on peut citer le lancement d’un festival annuel de l’Ahellil à Timimoun ainsi qu’une aide financière et matérielle du Ministère de la culture, accordée aux associations locales par l’entremise des autorités ministérielles et provinciales, destinée à l’organisation de rencontres entre groupes d’Ahellil et de représentations dans d’autres lieux.