Le Comité
- Prend note que l’Argentine a proposé la candidature du chamamé (n 01363) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :
Le chamamé, un genre musical originaire de la province de Corrientes, est le produit d’une symbiose culturelle marquée par des éléments guaranis, afro-américains et européens. La culture du chamamé intègre toute une variété d’éléments dont : une danse interprétée par un couple sans chorégraphie préétablie ; la « musiqueada » (l’événement social qui inclut la fête) ; le « sapukay » (un langage secret qui transmet émotions, sentiments et sensations) ; des instruments ; des chants enracinés dans des chants de louange ou des prières chantées ; des costumes ; et la langue guarani. Les détenteurs et praticiens sont, entre autres, toutes les personnes qui prennent part et assistent aux rassemblements de danse, des musiciens aux compositeurs, tailleurs, poètes, chercheurs et experts de la langue guarani. Le chamamé est dansé, joué et apprécié par des personnes de tous les milieux sociaux et de toutes les générations, lors de célébrations et de fêtes familiales, citoyennes, populaires et religieuses organisées dans des lieux culturels dont les « enramadas » (cours recouvertes de branchages) et les « bailantas » (des espaces en plein air). Le chamamé encourage la communication en guarani grâce au sapukay (l’appel original en guarani) qui accompagne les différentes circonstances de la vie. Au fil du temps, bien qu’étant une pratique ancestrale, le genre a occupé des espaces sociaux, et le Festival national du chamamé est l’une des célébrations populaires les plus importantes dans son genre.
- Décide que, d’après l’information contenue dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité comme suit :
R.1 : En tant qu’expression culturelle complexe, le chamamé combine plusieurs traditions, éléments et caractéristiques culturels dans style artistique particulier, et rassemble des personnes appartenant à différentes cultures, générations, religions et milieux sociaux. Des hommes et des femmes participent tous de façon active et complémentaire, et la danse, la musique et les évènements sociaux associés expriment l’amitié, la dévotion religieuse et l’attachement à la région locale, ce qui contribue à l’identité partagée des habitants de la province de Corrientes.
R.3 : Un large éventail de mesures de sauvegarde est proposé, y compris la réparation et l’entretien d’instruments de musique grâce à des subventions et à des prêts de l’État, l’intégration du chamamé dans l’enseignement formel et académique, le soutien aux nouvelles productions musicales, des expositions dans des musées, la création de centres culturels et d’un centre d’interprétation à Corrientes, et bien d’autres encore. Le gouvernement de la province a soutenu les efforts de sauvegarde en mettant en place un cadre légal favorable et en fournissant des financements. Les praticiens ont participé au processus lors d’une série de réunions et d’ateliers publics.
- Décide en outre que l’information contenue dans le dossier n’est pas suffisante pour permettre au Comité de déterminer si les critères d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité suivants sont satisfaits :
R.2 : La communauté du chamamé est vaste et constituée de personnes de différents milieux qui partagent une même histoire. L’élément incarne le dialogue principalement au sein de la communauté, mais également au-delà des frontières nationales à travers les émigrés. Les technologies modernes ont facilité la création de réseaux. Cependant, le dossier ne démontre pas comment l’inscription du chamamé pourrait contribuer à sensibiliser le public au patrimoine culturel immatériel en général. En effet, il se concentre uniquement sur l’augmentation de la visibilité de l’élément en lui-même, tout en faisant des références inappropriées à son caractère unique.
R.4 : La candidature affirme qu’elle a été préparée en collaboration avec les communautés concernées et d’autres parties prenantes, dont des ONG et les autorités gouvernementales. Des membres de la communauté concernée ont exprimé leur consentement à cette candidature lors d’une série d’ateliers et via un site web qui lui est consacré. Cependant, si le dossier affirme qu’un grand nombre de signatures a été collecté, seules quatre d’entre elles sont jointes au dossier, et ce sans aucune référence relative aux personnes qui les ont signées. Une longue liste de différentes réunions concernant le processus de candidature est fournie, mais il n’y a aucune information sur leur nature ou celle de l’implication de la communauté. Il manque également une déclaration claire concernant les pratiques coutumières en matière d’accès à cet élément.
R.5 : Le dossier de candidature indique que l’élément est inclus dans le registre du patrimoine culturel immatériel de la province de Corrientes. Cependant, l’information contenue dans les différentes parties de la section 5 est incohérente et fait référence à des mécanismes différents, dont plusieurs lois et la liste du patrimoine immatériel du Mercosur. Des informations basiques telles que la date d’inclusion ou la manière dont l’inventaire est régulièrement mis à jour manquent également. Les informations fournies ne sont pas suffisantes pour déterminer si le chamamé est inclus dans un inventaire conformément aux articles 11 et 12 de la Convention.
- Décide de renvoyer la candidature du chamamé à l’État partie soumissionnaire et l’invite à resoumettre la candidature au Comité pour examen au cours d’un cycle ultérieur ;
- Reconnaît l’intense travail et l'engagement des communautés associées et des institutions connexes dans l’élaboration du dossier et attend avec intérêt un examen futur de ce dossier ;
- Rappelle à l’État partie, s’il souhaite resoumettre la candidature au cours d’un cycle ultérieur, la nécessité de fournir les informations demandées dans les sections correspondantes du dossier ;
- Invite en outre l’État partie à éviter l’usage d’un vocabulaire et de concepts inappropriés, tels que « unique », « original » ou « hiérarchie », lorsqu’il fait référence au patrimoine culturel immatériel, car cela va à l’encontre de sa nature vivante et dynamique selon l’article 2.1 de la Convention.