Décision du Comité intergouvernemental : 16.COM 8.c.3

Le Comité

  1. Prend note que le Kenya a proposé la réussite de la promotion des aliments traditionnels et de la sauvegarde des modes d’alimentation traditionnels au Kenya (n  01409) en vue de sa sélection et de sa promotion par le Comité en tant que programme, projet ou activité correspondant le mieux aux principes et aux objectifs de la Convention :

Au Kenya, les modes d’alimentation traditionnels étaient menacés par des facteurs historiques et par la pression des modes de vie modernes. Les aliments locaux étaient méprisés et associés à la pauvreté et au sous-développement. Conscient qu’un déclin de la diversité alimentaire et des savoirs en la matière aurait des ramifications graves en matière de santé, de sécurité nutritionnelle et alimentaire, le Kenya s’est engagé en 2007 à sauvegarder les pratiques et expressions en lien avec les modes d’alimentions traditionnels. Deux grandes initiatives ont été lancées en collaboration avec des scientifiques et des groupes communautaires. La première consistait à inventorier les aliments traditionnels, et plus particulièrement les légumes traditionnels. Environ 850 plantes autochtones, identifiées par leurs noms locaux, ont été répertoriées. Une documentation détaillée a ensuite été préparée concernant leur utilisation, en indiquant les savoirs autochtones connexes (y compris des recettes) et les pratiques (par exemple les cérémonies). Une promotion rigoureuse de ces aliments a ensuite été mise en place. En ce qui concerne la seconde initiative, l’UNESCO, en partenariat avec le Département de la culture et les Musées nationaux et internationaux du Kenya, et en consultation avec les représentants des communautés, a lancé un projet pilote visant à identifier et inventorier des modes d’alimentation traditionnels en partenariat avec des enfants d’écoles primaires. L’objectif était de sensibiliser aux menaces pesant sur ces modes d’alimentation. Ces deux initiatives ont depuis donné naissance à d’autres activités connexes menées à bien indépendamment par des institutions locales. Plusieurs initiatives similaires ont été lancées au sein d’autres communautés au Kenya, en Éthiopie et au Burkina Faso.

  1. Considère que, sur la base des informations contenues dans le dossier, le programme répond comme suit aux critères de sélection, en tant que bonne pratique de sauvegarde, tels qu’énoncés au paragraphe 7 des Directives opérationnelles :

P.1 : Le programme comprend deux initiatives de sauvegarde portant sur la promotion des aliments traditionnels et la sauvegarde des modes d’alimentation au Kenya, à savoir : « Activités de diversification liées aux légumes-feuilles africains et aux aliments traditionnels » (1996-2011) et « Sauvegarde des modes d’alimentation traditionnels de deux communautés au Kenya » (2009-2012). Le programme a été conçu comme une réponse directe aux menaces pesant sur les modes d’alimentation traditionnels, suite à une conjonction de facteurs historiques et à la pression des modes de vie modernes, qui entraînaient un déclin marqué de la diversité alimentaire et des savoirs associés à ces aliments. Les deux projets ont capitalisé sur des méthodologies de recherche communautaires pour inventorier les aliments traditionnels, en particulier les légumes, et pour documenter et inventorier les modes d’alimentation traditionnels avec la participation d’élèves des écoles primaires dans deux communautés.

P.2 : Les deux initiatives de sauvegarde ont impliqué la coordination entre des institutions gouvernementales et non gouvernementales, des universités, des organisations communautaires et des organismes internationaux travaillant sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Bien que les projets aient été menés auprès de communautés particulières au Kenya, les expériences réalisées ont été partagées, adoptées et développées à plus grande échelle par d’autres institutions au niveau régional au Kenya, ainsi qu’au niveau international en Éthiopie et au Burkina Faso.

P.3 : Le projet de documentation des modes d’alimentation traditionnels, en particulier celui mis en œuvre au sein des communautés Isukha et Pokot, avait pour objectif d’encourager les échanges intergénérationnels de connaissances et de pratiques dans ce domaine afin d’assurer la continuité de l’élément. Le projet a également tenté de promouvoir le respect des modes d’alimentation traditionnels au sein des communautés par le biais des activités de documentation menées par les élèves dans des foires alimentaires communautaires. Le projet a en outre amélioré la sensibilisation au patrimoine culturel immatériel à l’échelle locale, nationale et internationale, par le biais de foires alimentaires et de colloques, puis de publications imprimées et numériques servant à partager du contenu sur le programme et l’expérience des communautés. Dans l’ensemble, le programme reconnaît que les communautés ont un rôle important à jouer et a fait participer la communauté à tous les stades de sa mise en œuvre. Globalement, le programme correspond à l’esprit de la Convention, car il encourage et promeut la transmission intergénérationnelle des connaissances, le respect de la diversité culturelle et la contribution du patrimoine culturel immatériel au développement durable.

P.4 : Dans toute son approche méthodologique, le dossier démontre l’efficacité du programme pour améliorer la sensibilisation aux aliments et modes d’alimentation traditionnels au Kenya. Les activités de documentation réalisées au sein des communautés concernées, avec notamment la participation des femmes, a permis la création d’un registre de 700 pages sur la culture alimentaire chez les Mijikenda du littoral kényan, ainsi qu’une base de données de 800 espèces de plantes alimentaires, domestiques et sauvages, et leurs recettes associées. Le dossier précise que les initiatives de promotion et de sensibilisation sont corrélées avec un essor notable des aliments traditionnels sur les marchés et dans les restaurants. Les ventes de légumes ont en outre augmenté régulièrement. Les aliments traditionnels ont fait leur retour et sont devenus un symbole de fierté culturelle et de bonne santé. En outre, les initiatives de formation et d’acquisition de compétences ont contribué à une augmentation du nombre de cours sur les aliments traditionnels dans les universités.

P.5 : Les communautés concernées ont participé à tous les stades du projet à la documentation des aliments et légumes traditionnels du littoral du Kenya. La documentation des connaissances autochtones sur l’utilisation de la gourde (calebasse) de la région de Kitui a été dirigée par le Groupe des femmes adultes de Kyanika et a impliqué la participation des femmes. Les communautés concernées ont pleinement participé aux foires alimentaires locales et aux campagnes de rue pour promouvoir les aliments traditionnels et représenter la diversité et la valeur de leur alimentation. Le dossier montre que les différentes activités de planification et de mise en œuvre des projets ont été réalisées en consultation avec les communautés concernées, et avec leur consentement libre, préalable et éclairé.

P.6 : Le dossier indique que les approches de sauvegarde des deux projets sont applicables au niveau régional et international et peuvent servir de modèle de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Ce modèle peut constituer une source d’inspiration dans les domaines suivants : travail avec les communautés, modification des attitudes grâce à des approches factuelles, démonstrations culinaires et dans les foires alimentaires, identification des opportunités de soutien du partage des connaissances, participation des jeunes et recherche d’institutions susceptibles de jouer le rôle de sponsors du développement durable. Le dossier démontre que ces approches peuvent aussi être appliquées à d’autres domaines en rapport avec les connaissances autochtones, telles que la médecine et les systèmes de santé traditionnels.

P.7 : L’État soumissionnaire, l’organisme chargé de la mise en œuvre (Musées nationaux du Kenya), les chercheurs et les représentants des groupes communautaires impliqués dans le projet ont été contactés à ce sujet et ont réaffirmé leur volonté de coopérer à la diffusion de cette bonne pratique. Le dossier indique que de nombreux représentants ont déclaré être très favorables au partage de leur travail avec la communauté internationale. Certains des travaux résultant du projet ont déjà été partagés de diverses façons, via des publications papier et en ligne.

P.8 : Le dossier indique que les résultats de cette activité sont susceptibles d’être évalués par le biais de publications, de la collecte des témoignages des principales parties prenantes et d’évaluations antérieures de l’impact. Les évaluations antérieures du projet sur les légumes-feuilles africains et les activités de diversification des aliments traditionnels ont fait constater un intérêt renouvelé pour les légumes-feuilles africains, ainsi que pour leur production, leur consommation et leur commercialisation. L’évaluation a révélé que l’un des principaux résultats du projet a été l’important changement d’attitude envers les légumes traditionnels et les aliments locaux en 2006, et l’augmentation de la consommation de ces légumes par les particuliers et dans les restaurants.

P.9 : Ce programme est applicable aux besoins des pays en développement de nombreuses manières, à savoir : il permet de répondre aux enjeux de la sécurité alimentaire ; d’encourager la diversification alimentaire; de faire revivre et de sauvegarder des modes d’alimentation et les connaissances qui y sont associées ; d’améliorer les opportunités de génération de revenus ; et d’enseigner des compétences en matière de documentation et d’inventaire avec la participation des communautés. Des actions similaires à celles entreprises au Kenya sont nécessaires pour sauvegarder les modes d’alimentation qui peuvent être menacés dans d’autres pays en développement.

  1. Décide de sélectionner la réussite de la promotion des aliments traditionnels et de la sauvegarde des modes d’alimentation traditionnels au Kenya en tant que programme, projet ou activité correspondant le mieux aux principes et aux objectifs de la Convention ;
  2. Félicite l’État partie d’avoir produit un dossier bien préparé pouvant servir d’exemple de modèle de sauvegarde concret et réalisable pour les aliments et modes d’alimentation traditionnels, par ailleurs applicable et adaptable à d’autres contextes confrontés à des enjeux similaires dû au déclin des aliments traditionnels ;
  3. Encourage l’État partie à prendre note des dimensions du programme de sauvegarde liées au genre, et à garantir une participation équitable de tous les membres de la communauté sans distinction d’âge, de genre ou d’autres facteurs.

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