Décision du Comité intergouvernemental : 11.COM 10.c.1

Le Comité

  1. Prend note que l’Argentine a proposé les randas, modèle de sauvegarde d’un art textile à El Cercado (no 01212) pour sélection et promotion par le Comité en tant que programme, projet ou activité reflétant le mieux les principes et les objectifs de la Convention :

La randa est un type d’art décoratif complexe qui est essentiellement pratiqué à El Cercado, en Argentine. Présent dans les églises, dans les maisons ainsi que sur les vêtements, cet art consiste à utiliser une aiguille et un bâton pour créer une fine trame qui est ensuite fixée sur un cadre pour être brodée. Transmis de mère en fille dans les familles, il est considéré comme un élément de leur identité culturelle. Il reste pourtant moins de 50 randeras (confectionneuses de « randas ») à l’heure actuelle, car leur travail n’est pas aussi reconnu qu’autrefois, elles ont du mal à se procurer les fournitures étant donné que la plupart vivent dans des zones peu urbanisées, et les vendeurs achètent les articles à des prix beaucoup plus bas qu’ils ne les revendent, ce qui force de nombreuses randeras à cesser leur activité. Depuis 2012, les communautés de randeras travaillent avec le Ministère argentin de la culture, par l’intermédiaire du Marché national de l’artisanat traditionnel argentin, ainsi qu’avec le Bureau de la culture de Tucumán, des municipalités, des universités et d’autres organismes pour résoudre ces problèmes. Des mesures de sauvegarde sont mises en place, comme des travaux de recherche et de documentation sur cette pratique, des ateliers pour les communautés, un festival des randas ainsi qu’un marché de l’artisanat. Les initiatives pour l’avenir sont la mise en œuvre d’un protocole de meilleures pratiques pour un travail collaboratif dans les domaines du design et de l’artisanat respectueux d’une tarification équitable, la création d’une banque de fournitures, l’édition d’un catalogue de techniques et de motifs, un registre des praticiennes ainsi que l’intégration de cette pratique dans les programmes scolaires.

  1. Décide que, d’après les informations contenues dans le dossier, le programme répond comme suit aux critères énoncés au paragraphe 7 des Directives opérationnelles concernant la sélection au titre de meilleure pratique de sauvegarde :

P.1 :  L’initiative de sauvegarde qui est présentée comprend des dimensions de recherche, de documentation, d’inclusion de la pratique dans les programmes scolaires, de création d’un label qualité, de création d’une banque de fournitures, d’identification et d’analyse de la chaîne de valeur associée à la production, et de promotion d’activités pour les touristes. Ces initiatives semblent être nées, entre autres, de la faible disponibilité des matières premières et du manque de reconnaissance de l’importance de cet élément, et elles ont été conçues en coopération avec les détenteurs de l’élément. Cependant, il aurait été souhaitable d’apporter plus d’informations pour justifier toutes les mesures et leur nécessité (ainsi que l’accent qui semble être mis sur l’aspect commercial). Par ailleurs, la majorité de ces mesures sont présentées comme des activités futures et ne peuvent donc pas constituer des meilleures pratiques.

P.2 :  Le programme a, pour l’instant, uniquement été lancé à l’échelle nationale, bien qu’il puisse être appliqué dans le futur à des communautés d’autres pays de la région et au-delà. Des actions bilatérales ou multilatérales pourraient être encouragées suivant le modèle que propose ce programme, avec une collecte d’informations et des échanges entre communautés et groupes d’artisans détenteurs de ce patrimoine culturel textile. Ces aspects sont des suggestions pour l’avenir mais ils ne peuvent satisfaire le présent critère, qui exige une description des activités déjà mises en œuvre.

P.3 :  Le programme (en ce qui concerne ses activités initiales et futures) reflète certains des principes et des objectifs de la Convention, tels que la promotion de la créativité humaine et de la diversité culturelle, la diffusion et la sensibilisation, la contribution du patrimoine culturel immatériel au développement durable et à la cohésion sociale, ainsi que l’attention portée aux femmes en tant qu’actrices et détentrices importantes de cet élément du patrimoine culturel immatériel. La proposition ne décrit pas clairement en quoi certains aspects du programme et l’élément lui-même reflètent les principes et les objectifs de la Convention.

P.4 :  La proposition cite plusieurs activités intéressantes destinées à assurer la viabilité de l’élément, par exemple la sauvegarde des connaissances et des savoir-faire et l’établissement d’un marché équitable et rentable pour l’artisanat des randas et ses praticiennes, ce qui permettrait un développement durable de l’industrie locale des communautés. Si le dossier indique la réussite de certaines des premières activités, il semble cependant prématuré d’affirmer que leur efficacité est démontrée, par exemple en ce qui concerne la façon d’éviter d’éventuelles conséquences négatives de la stratégie commerciale, telles que les risques de décontextualisation et d’homogénéisation de la consommation.

P.5 :  Le dossier démontre que les communautés de randeras ont participé dès le début à la conception du programme, aidées dans cet effort par l’université nationale de Tucumán ainsi que par les pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux (Ministère de la culture). C’est la communauté concernée qui a décidé des mesures à mettre en œuvre. Les documents fournis en apportent la preuve.

P.6 :  Le dossier présente deux aspects de ce programme qui pourraient être reproduits dans d’autres contextes : l’identification des mesures de sauvegarde adoptées par la communauté elle-même et l’encouragement d’actions innovantes pour la transformation possible du patrimoine culturel immatériel en opportunité de développement durable. Cependant, à l’heure actuelle, en raison du caractère récent des activités décrites dans le dossier, il est difficile d’évaluer leur impact et d’affirmer qu’elles pourraient constituer un modèle. Le dossier ne parvient pas non plus à démontrer l’efficacité du programme pour sensibiliser les communautés concernées et renforcer la viabilité de l’élément au-delà de la production commerciale. Le programme ne peut donc pas, pour l’instant, servir de modèle de sauvegarde régional ou international.

P.7 :  Le dossier cite les mesures de diffusion déjà mises en œuvre pour ce qui concerne l’élément (telles qu’un registre des artisans spécialisés dans les randas, la transmission de techniques et de connaissances par l’éducation formelle et informelle ainsi que des foires et des festivals dédiés à l’artisanat). Cependant, il ne démontre pas suffisamment la volonté des communautés concernées et de l’État soumissionnaire de promouvoir la diffusion des meilleures pratiques potentielles qu’offre le programme dans son ensemble.

P.8 :  Le dossier indique qu’aucune évaluation n’a encore eu lieu puisque le programme est actuellement en cours. Il présente cependant de futurs indicateurs possibles (nombre de randeras présentes aux foires et aux festivals, nombre de randeras formatrices, nombre d’ateliers de randas, résultat des activités de production et paiement d’un prix équitable aux productrices).

P.9 :  Le dossier montre que le programme peut répondre aux besoins des pays en développement car sa première mission est de transformer les menaces (essentiellement dues à la mondialisation des marchés) en possibilités de développement durable (en apportant aux détenteurs et aux praticiens des connaissances et des techniques artisanales ainsi qu’une rentabilité économique issue d’un commerce équitable). Cela renforcerait la confiance des artisans en eux-mêmes et favoriserait la poursuite et le maintien en vie de ce patrimoine.

  1. Décide de ne pas sélectionner les randas, modèle de sauvegarde d’un art textile à El Cercado comme programme, projet ou activité reflétant le mieux les principes et les objectifs de la Convention.

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