Décision du Comité intergouvernemental : 13.COM 10.a.7

Le Comité

  1. Prend note que la République arabe syrienne a proposé la candidature du théâtre d’ombres (n  01368) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :

Désormais principalement présent à Damas, le théâtre d’ombres est un art traditionnel mettant en scène des marionnettes fabriquées à la main se déplaçant derrière un rideau (ou un écran) fin et translucide à l’intérieur d’un théâtre sombre. Une lumière provenant de l’arrière de la scène projette les ombres des marionnettes à l’écran alors qu’elles se déplacent accompagnées d’un texte lu et de musique. Le contenu dramatique du théâtre d’ombres tourne autour de la critique sociale sur un ton humoristique, en ayant recours à des éléments suggestifs, de la poésie, de la prose, du chant et de la musique – et la satire est utilisée pour relayer les récits entre les deux personnages principaux, l’ingénu Karakoz et son ami, l’intelligent Eiwaz. Des personnages féminins et des animaux doués de parole complètent la troupe. Les représentations ont traditionnellement lieu dans les cafés populaires où les gens se rassemblent pour voir des histoires sur la vie quotidienne. Au fil du temps, la pratique a toutefois diminué, notamment en raison du développement de la technologie moderne et de nouvelles formes de divertissement numérique, et du déplacement massif des populations syriennes, tant dans le pays que vers l’extérieur, du fait des conflits armés. Les représentations, qui ont décliné dans les cafés populaires, se limitent désormais aux festivals, fêtes et théâtres. La convergence de tous ces facteurs a eu des conséquences préjudiciables à la viabilité de l’élément, à tel point qu’il n’existe plus qu’un seul mukhayel (marionnettiste) actif à Damas.

  1. Décide que, d’après l’information contenue dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente comme suit :

U.1 :  Le théâtre d’ombres est un art du spectacle traditionnel syrien populaire. Auparavant transmis de père en fils, l’art du théâtre d’ombres est aujourd’hui également enseigné à l’Institut supérieur d’arts dramatiques de Syrie, et au travers d’ateliers et autres activités publiques au sein des communautés, spécialement pour les enfants et les jeunes. Le théâtre d’ombres revêt une profonde signification sociale et culturelle qui transmet des contenus sociaux, religieux et politiques et enseigne aux gens les comportements sociaux appropriés à travers la satire. Ses praticiens sont des conteurs, musiciens et artisans qualifiés. Le théâtre d’ombres sauvegarde le patrimoine oral traditionnel de Syrie, aide à renforcer les liens sociaux et encourage les interactions entre les Mukhayels (marionnettistes) et leur public.

U.2 :  La pratique et la popularité de l’élément diminuent depuis les années 40 à cause des technologies modernes et des nouvelles formes de divertissement. Cependant, la situation a empiré au début de la guerre et a forcé les praticiens à émigrer. Dans cette situation, les besoins humanitaires sont naturellement prioritaires par rapport à la sauvegarde du patrimoine vivant. Les modes de transmission non formels se perdent dans les familles et il n’y a presque plus de Mukhayels. Du fait de sa complexité et du contexte de guerre, la combinaison de toutes ces compétences chez un seul artiste est très rare. En effet, un seul marionnettiste maîtrise l’élément dans toute sa complexité antérieure. La détérioration des conditions de sécurité et l’inaccessibilité de certaines zones ont également causé l’interruption des tournées de représentations de théâtre d’ombres. Les problèmes relatifs au transfert des connaissances s’accompagnent d’un manque d’ateliers de fabrication de marionnettes, et d’un organe de régulation de la pratique et de protection des droits des praticiens.

U.3 :  Les mesures de sauvegarde sont basées sur des recommandations des praticiens, et préparées en collaboration avec un grand nombre de parties prenantes dont des dramaturges, des organisations de la société civile, des artisans et des représentants du Ministère de la culture. Le projet proposé comprend : la formation de nouveaux marionnettistes, l’augmentation du nombre de représentations, la participation à des festivals internationaux, la documentation, la transmission du savoir, le lancement d’un site internet, le retour des représentations dans les cafés, la construction d’un réseau et d’un cadre législatif pour gérer le patrimoine vivant. Le plan est réaliste, traduit pleinement la situation actuelle et est centré sur des activités pratiques. Si elles sont mises en œuvre de façon systématique, les activités visant à encourager la transmission et l’augmentation du nombre de représentations pourraient créer une nouvelle génération de marionnettistes et redynamiser les lieux traditionnels et les évènements associés.

U.4 :  Le dernier marionnettiste actif connu était impliqué dans le processus de candidature et le plan de sauvegarde repose en grande partie sur son engagement actif. La candidature a été rédigée par des organisations gouvernementales en partenariat avec des artistes, des associations culturelles et des organisations de la société civile. Un grand nombre de groupes, individus, communautés et associations ont fourni leur consentement, en plus des organisations gouvernementales, ce qui confirme l’importance de l’élément pour le peuple syrien et son engagement dans sa sauvegarde et sa revitalisation.

U.5 :  L’élément est inclus dans l’inventaire national des éléments du patrimoine culturel immatériel depuis 2017. L’Unité pour le soutien et le développement du patrimoine culturel syrien du Ministère de la culture est responsable du maintien et de la mise à jour de l’inventaire tous les deux ans, en collaboration avec le projet culturel « Rawafed » de la Fondation syrienne pour le développement et des communautés locales. Le théâtre d’ombres a été identifié avec l’aide de ses praticiens et de différentes organisations gouvernementales et non gouvernementales.

  1. Inscrit le théâtre d’ombres sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Rappelle à l’État partie qu’il est responsable de la traduction correcte de toutes les parties de son dossier de candidature, dont les lettres de consentement, et souligne que les références à « la Convention du patrimoine mondial » dans les lettres de consentement pourraient discréditer le caractère éclaire d’une déclaration de consentement ;
  3. Invite l’État partie à prioriser les mesures de sauvegarde en fonction de l’urgence des besoins particuliers, et à assurer un développement durable de l’élément au-delà du plan de sauvegarde de quatre ans.

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