Décision du Comité intergouvernemental : 16.COM 8.b.32

Le Comité

  1. Prend note que le Pérou a proposé la candidature des valeurs, connaissances, coutumes et pratiques du peuple awajún liées à la poterie (n  01557) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

Le peuple Awajún du nord du Pérou considère la poterie comme un exemple de sa relation harmonieuse avec la nature. Le processus de préparation de la poterie se décompose en cinq étapes : la collecte des matériaux, le modelage, la cuisson, la décoration et les finitions. Chaque étape revêt un sens particulier et est associée à des valeurs qui sont transmises par la tradition orale. Le processus fait appel à des connaissances et des compétences particulières nécessaires pour créer et décorer les poteries. Les artisanes utilisent des outils bien précis pour réaliser leurs poteries : meule, pierre de polissage, planche en bois, outil de modelage et pinceau dont les poils sont en cheveux humains. Les poteries sont ornementées de formes géométriques inspirées d’éléments de la nature, tels que les plantes, les animaux, les montagnes et les étoiles. Les poteries servent à cuisiner, boire et manger, servir les plats et sont aussi utilisées dans le cadre de rituels et de cérémonies. Elles jouent aussi un rôle social important. Conçue comme un moyen d’exprimer leur personnalité, leur générosité et leur vie intime, cette pratique millénaire a offert une autonomie aux femmes Awajún, qui sèment et soignent les plantes qu’elles utilisent pour fabriquer et décorer leurs poteries. Les principales détentrices des connaissances, du savoir et des traditions de la poterie Awajún sont les sages Dukúg, des femmes âgées qui transmettent leur savoir-faire de génération en génération à d’autres femmes de leur famille.

  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants pour une inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

R.1 : L’art de la poterie est basé sur une connaissance approfondie de la nature et de l’environnement. Cet art est pratiqué principalement par des femmes qui l’utilisent pour exprimer leur personnalité, leur générosité et leur vie intime. L’apprentissage traditionnel des valeurs, des connaissances, du savoir et des pratiques associés à l’élément est transmis par l’observation, le dialogue et une pratique constante, principalement au sein du cercle familial, par les Dukúg aux femmes plus jeunes. Les motifs géométriques sont inspirés des végétaux, des animaux, des montagnes et des étoiles. Les valeurs, les connaissances, le savoir et les pratiques correspondantes font partie de la mémoire et de la tradition et sont associés au langage, aux activités productives et à la maternité traditionnelle. La poterie elle-même est essentielle dans les rituels Awajún et nécessite concentration, discipline, compétences et respect. Elle est associée à l’exploitation durable de l’environnement et inclut le soin et la culture des végétaux nécessaires aux poteries et à leur décoration. La pratique est également associée aux récits en lien avec la nature.

R.2:   Au niveau local, l’inscription permettra de mieux faire faire prendre conscience de la valeur des autres éléments du patrimoine culturel immatériel de la culture Awajún, ainsi que de l’importance du langage en tant que véhicule de la transmission du patrimoine vivant et qu’outil de renforcement de l’identité culturelle. Au niveau national et international, elle permettra de mieux faire connaître le rôle de la tradition et des valeurs ancestrales dans la préservation et la protection de l’environnement, de la diversité culturelle qui en découle et du rôle crucial des femmes dans la transmission et la continuité de la culture. L’inscription encouragera le dialogue sur les traditions de différents pays et régions et valorisera les femmes. L’art de la poterie lui-même permet aux femmes de s’appuyer sur leur expérience et leur créativité.

R.3 : Les initiatives de sauvegarde ont pour la plus large partie été menées à bien par les Dukúg. L’État, par le biais de ses représentants régionaux, du Ministère de la culture, et du Ministère chargé du commerce extérieur et du tourisme, a également soutenu la participation à différentes expositions et foires de poterie. Une série de mesures a été proposée, chacune avec un calendrier de mise en œuvre, des objectifs et des entités responsables. Les mesures notables sont la reforestation par des organisations d’artisans, l’incorporation des Dukúg aux écoles pour y enseigner la poterie, les réunions d’échange et de partage d’expérience entre artisans, et la préparation de supports de cours bilingues. L’État partie fournira une assistance technique, coordonnera les foires artisanales régionales et nationales et apportera son aide aux projets de reforestation par le biais de ses différentes entités. La participation des communautés dans le développement des mesures et leur rôle dans la mise en œuvre sont clairement expliqués.

R.4 : Le dossier démontre la participation la plus large possible de la communauté : potières, responsables des communautés (hommes et femmes), responsables officiels, représentants du peuple Awajún, autorités de la municipalité provinciale de Condorcanqui, autorités du gouvernement régional d’Amazonas et membres de la Direction décentralisée de la culture d’Amazonas et la Direction du patrimoine immatériel. Des réunions ont été tenues d’une façon coordonnée et logique jusqu’à aboutir à l’élaboration de la candidature. Une série de mesures ont été prises en vue de valider un consentement libre, préalable et éclairé, y compris les minutes des réunions, les listes des participants, la signature des lettres de consentement, les documents d’accréditation et des photographies. Aucune restriction d’accès n’est imposée.

R.5 : L’élément est inclus dans les déclarations du patrimoine culturel de la nation par le biais d’une résolution vice-ministérielle en 2017. Il est administré par la Direction du patrimoine immatériel du Ministère de la culture. Il a été inventorié par le biais d’un processus collaboratif faisant intervenir l’État, des institutions régionales et des détenteurs, y compris des associations d’artisanes. L’inventaire lui-même est mis à jour tous les cinq ans à l’aide de nouvelles informations fournies par les communautés.

  1. Décide d’inscrire les valeurs, connaissances, coutumes et pratiques du peuple awajún liées à la poterie sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
  2. Félicite l’État partie pour sa préparation d’un dossier bien élaboré, qui peut servir d’exemple pour mettre en lumière le rôle précieux d’un patrimoine vivant dans des contextes autochtones en lien avec un mode de vie durable et créatif dans et avec l’écosystème naturel ;
  3. Encourage l’État partie à être attentif au risque potentiel d’une commercialisation excessive de l’élément.

Top