Rapport sur l'état d'un élément inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente
A. Page de couverture
A.1.
État partie
Nom de l'État partie
France
A.2.
Date du dépôt de l'instrument de ratification, d'acceptation, d'approbation ou d'adhésion
Elle peut être consultée en ligne.
Date of deposit of the instrument of ratification, acceptance, approval or accession
2006-07-11
A.3.
Élément inscrit sur la Liste de sauvegarde urgente qui fait l'objet du présent rapport
Nom de l'élément
Cantu in paghjella, a secular and liturgical oral tradition of Corsica
Inscrit en
2009
A.4.
Période considérée dans le présent rapport
Veuillez indiquer la période couverte par le présent rapport.
Reporting period covered by this report
2014 - 2017
A.5.
Autres éléments inscrits sur la Liste de sauvegarde urgente, le cas échéant
Veuillez établir une liste de tous les autres éléments présents sur le territoire de votre pays qui sont inscrits sur la Liste de sauvegarde urgente et indiquer en quelle année ils y ont été inscrits ; pour ce qui est des éléments multinationaux, veuillez indiquer quels autres États sont concernés.
A.6.
Synthèse du rapport
Veuillez fournir une synthèse du rapport, qui permette au grand public de comprendre l'état actuel de l'élément, mentionne toute incidence positive ou négative de son inscription et fasse état des mesures de sauvegarde mises en œuvre pendant la période considérée et leur possible mise à jour les années suivantes.
Executive summary of the report
Le cantu in paghjella est un chant d’hommes, interprété a cappella dans des langues diverses (le corse, le sarde, le latin et le grec) et par trois voix : a seconda (voix principale, qui lance le chant), u bassu (voix de basse, qui vient soutenir a seconda) et a terza (voix haute ou tierce, qui vient ornementer le chant). Son processus harmonique se construit à partir du versu (intrication verbe/son, qui identifie les lieux et des individus appartenant ou ayant appartenu à des familles de chantres), par l’entrée successive et inchangée des voix, par leur agencement par tuilage, par l’utilisation de l’ornement (e ricuccate, ou mélismes), comme élément structurel et par le respect d’un code comportemental précis.
L’objectif général du plan de sauvegarde est, depuis l’origine, de soutenir la pratique du cantu in paghella profane et liturgique des différents versi (manière d’interpréter le chant suivant les différentes régions ou individus) de paghjelle ou de messes encore connues à ce jour. La méthode empruntée est identique à celle utilisée par les générations antérieures, à savoir uniquement par transmission orale et sans aucune partition. Aujourd’hui, cependant, la pratique bénéficie d’enregistrements via des supports numériques divers et variés et accessibles à tous, facilitant ainsi l’apprentissage. Depuis 2009, le programme d’actions inscrites au plan de sauvegarde se décline en quatre axes : la transmission, la recherche, la protection, la promotion/mise en valeur.
L’organisme chargé de la mise en œuvre du plan de sauvegarde est, depuis l’origine, l’association Cantu in paghjella (http://www.cantuinpaghjella.com/paghjella.php), organisme de statut privé, créé en 2007. Durant la période 2014-2017, elle a connu des évolutions conséquentes, liées à un changement de direction, avec la nomination de Pierre Agostini à la présidence en juin 2016. Une nouvelle équipe, beaucoup plus enracinée dans le contexte géographique, sociologique et culturel du cantu in paghjella, a succédé à l’équipe précédente, tout en conservant l’adhésion active de la communauté des chanteurs et en lançant des initiatives pour la renforcer.
Ce contexte a entraîné des changements importants, parmi lesquels il faut citer en priorité :
- la mise en place d’une nouvelle direction, élargie à l’ensemble des chanteurs dans le périmètre d’expression originel de la paghjella (grande Castagniccia et micro-régions hors périmètre : Balagne, Nebbiu, Sud ajaccien) ;
- la création d’un Conseil scientifique international, regroupant la France, l’Espagne et l’Italie et composé de praticiens, de musicologues et d’associations ; il a tenu son premier symposium à Corte en juin 2017 ;
- le renforcement de la campagne de collecte (cinq messes en situation, des paghjelle profanes et des chants de veillées dans les communautés villageoises).
Parallèlement, la transmission a été menée dans la foulée des actions précédentes : interventions dans les collèges et les lycées, animations dans la communauté corse de la diaspora, ateliers et veillées dans les communautés villageoises.
Une trentaine de praticiens aguerris, qui maîtrisent un nombre conséquent de chants, de versi et de messes des vivants et des morts, avait été répertoriée en 2008, au moment de la préparation de la candidature à l’inscription sur la Liste de sauvegarde urgente. Au terme de la période 2014-2017 sont venus s’ajouter à ce socle, non seulement une vingtaine de paghjellaghji (praticiens formateurs) supplémentaires, qui, du statut de débutants, sont passés aujourd’hui à une réelle maîtrise du chant et des répertoires, mais encore les jeunes collégiens, passés, depuis, à l’âge adulte, qui ont bénéficié d’au moins trois années de transmission : environ trente d’entre eux ont atteint une réelle maîtrise du chant.
A.7.
Personne à contacter pour la correspondance
Donnez le nom, l'adresse et les coordonnées d'une personne à qui toute correspondance concernant le rapport doit être adressée.
Titre (Mme/M., etc.)
Ms
Nom de famille
Chave
Prénom
Isabelle
Institution/fonction
Adresse
Ministère de la culture
Direction générale des patrimoines
Département du Pilotage de la recherche et de la Politique scientifique
6 rue des Pyramides
75001 PARIS
Numéro de téléphone
+ 33 (0) 1 40 15 87 24
Adresse électronique
isabelle.chave@culture.gouv.fr
Autres informations pertinentes
B
Ms
B. État de l'élément inscrit sur la Liste de sauvegarde urgente
Veuillez vous référer au dossier de candidature ou aux précédents rapports, le cas échéant, pour savoir quand établir un rapport sur l'état actuel de l'élément et ne rendez compte que des changements pertinents survenus depuis la date de son inscription sur la Liste ou depuis le précédent rapport. Les dossiers de candidature, les calendriers spécifiques et les précédents rapports, le cas échéant, sont disponibles à l'adresse suivante : https://ich.unesco.org ou peuvent être demandés au Secrétariat.
L'État partie s'efforce de prêter une attention particulière au rôle du genre et d'assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus concernés ainsi que des organisations non gouvernementales pertinentes pendant le processus de préparation de ce rapport ; il lui est demandé au point D ci-dessous de décrire de quelle manière il y est parvenu.
B.1.
Fonctions sociales et culturelles
Expliquez les fonctions, les significations sociales et culturelles de l'élément aujourd'hui, au sein et pour ces communautés, les caractéristiques de ses détenteurs et de ses praticiens et décrivez, entre autres, toute catégorie de personnes exerçant un rôle ou des responsabilités spécifiques vis-à-vis de l'élément. Une attention particulière devrait être accordée à tout changement pertinent susceptible d'avoir des répercussions sur le critère d’inscription U.1 (« L’élément est constitutif du patrimoine culturel immatériel tel que défini à l'article 2 de la Convention »).
Social and cultural functions
Durant la période 2014-2017, aucun changement n’a eu de répercussions sur les critères qui ont valu à l’élément, en 2009, son inscription sur la Liste de sauvegarde urgente. Le cantu in paghjella profane et liturgique de Corse de tradition orale continue à répondre aux critères de définition du PCI de l’article 2 de la Convention Unesco de 2003, ratifiée par la France en 2006.
La reconnaissance internationale, liée à l’inscription sur l’une des listes du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2009, a redonné confiance et espoir aux praticiens et aux communautés villageoises : c’est même avec un sentiment de fierté que les gens s’adonnent à la pratique de la paghjella.
L’association Cantu in paghjella met particulièrement l’accent sur le rôle des praticiens capables de transmettre à leur tour aux jeunes générations la pratique du cantu : son objectif est d’augmenter significativement le nombre de personnes formées pour devenir à terme des paghjellaghji.
Le fait que l’association Cantu in paghjella ait renforcé, depuis 2016 notamment, ses relations et ses déplacements auprès des communautés villageoises, dans un ressort géographique élargi, a généré à la fois un regain d’intérêt pour la collecte de chants anciens et le réveil de pratiques dans les générations actuelles encore en contact avec les anciens. Un réel renouveau dans la pratique du chant paghjella, particulièrement parmi les jeunes, a ainsi été constaté par l’association Cantu in paghjella depuis lors.
L’autre apport concerne la redécouverte, à partir de cette pratique culturelle communautaire, de la langue corse, de la poésie (corse et, au-delà, méditerranéenne, représentée par exemple par Dante Alighieri, le Tasse...), chantée en corse jusqu’au début du XXe siècle. L’action de l’association Cantu in paghjella suscite la créativité et l’innovation littéraire, par l’écriture de poèmes à destination des chanteurs de paghjella. Comme le prévoyait le dossier de l’inscription de 2009, désormais mis en œuvre sur ce point, la synergie entre les paghjellaghji et les chercheurs a des retombées dans le domaine de la documentation, de la promotion et de la mise en valeur.
Enfin, la paghjella se chantant à trois voix, cette pratique a revigoré le sens des échanges et de la recherche de l’harmonie entre groupes de chanteurs de micro-régions différentes.
B.2.
Analyse de sa viabilité et risques auxquels il est actuellement exposé
Décrivez le degré actuel de viabilité de l'élément, en particulier la fréquence et l'étendue de sa pratique, la vigueur des modes de transmission traditionnels, la composition démographique des praticiens et des publics, et sa durabilité. Veuillez aussi identifier et décrire les facteurs qui, le cas échéant, constituent une menace pour la pérennité de la transmission et de la représentation de l'élément et indiquez le degré de gravité et de proximité de tels facteurs, en accordant une attention particulière à tout renforcement ou affaiblissement de la viabilité de l'élément suite à son inscription.
Assessment of its viability and current risks
Le cantu in paghjella est encore transmis oralement, par imprégnation et imitation intergénérationnelles et endogènes, dans un contexte coutumier : le cantu in paghjella profane, dans les foires, les veillées, sur les places ou dans les bars des villages ; le cantu in paghjella liturgique et para-liturgique, lors des divers offices dans l’église et pendant les processions hors de l’église.
Outil majeur de transmission, le collectage des chants passés et actuels est indispensable pour la sauvegarde du patrimoine vocal. Les collectages de F. Quilici (1948), de W. Laade (1956) et de M. Rohmer (1970) ont fait apparaître une grande concentration du cantu in paghjella dans des zones plutôt rurales et pastorales de la partie nord de la Corse (régions du Bozziu, de la Castagniccia et de Tagliu), mais les années 1970 ont correspondu à la désaffection des collectages et du mouvement du Riacquistu.
En novembre 2007, conformément à l’article 12 de la Convention de l’Unesco de 2003, l’État-ministère de la Culture a confié à l’association Cantu in paghjella la réalisation d’un inventaire, le premier depuis 1950, qu’il a, ainsi que la Collectivité territoriale de Corse, soutenu financièrement. Achevé en 2008, cet inventaire a révélé que le cantu in paghjella avait atteint son seuil minimum de vitalité : démographie faible et âgée de ses détenteurs, répertoire considérablement appauvri. En raison de l’urbanisation accélérée, les contacts intergénérationnels indispensables au mode de transmission oral avaient diminué et les occasions de transmettre s’étaient raréfiées. Le nombre de praticiens maîtrisant la technique spécifique du cantu in paghella et participant au contexte coutumier de son exécution et de sa transmission (messes, veillées…) n’était plus, fin 2007, que d’une trentaine.
Exposées infra en partie B.3a, d’incontestables avancées ont été enregistrées depuis ce dur constat des années 2008-2009 (déprise démographique, appauvrissement du répertoire, diminution de la participation des publics aux occasions de transmission, modification des règles d’exécution, raréfaction du contexte d’exécution).
Néanmoins, des risques importants, du fait de facteurs économiques et sociaux propres à la Corse, restent à prendre en compte pour la viabilité de l’élément, outre la mondialisation, menaçant la diversité culturelle en général : récupération à caractère commercial, touristique en particulier (tourisme de masse non contrôlé) ; récupération de la paghjella dans des pratiques lucratives de world music ; folklorisation du fait musical ; décontextualisation et la mise en spectacle des pratiques.
B.3.
Mise en œuvre des mesures de sauvegarde
Veuillez rendre compte des mesures de sauvegardes qui ont été décrites dans le dossier de candidature et dans un précédent rapport, le cas échéant. Décrivez de quelle manière elles ont été mises en œuvre et ont contribué de façon substantielle à la sauvegarde de l'élément au cours de la période considérée, en tenant compte des contraintes externes ou internes telles que des ressources limitées. Incluez en particulier des informations sur les mesures prises afin d'assurer la viabilité de l'élément en permettant à la communauté d'en poursuivre la pratique et la transmission. Fournissez les renseignements suivants en ce qui concerne la mise en œuvre de l’ensemble des mesures de sauvegarde ou du plan de sauvegarde :
B.3.a.
Objectifs et résultats
Indiquez quels objectifs principaux ont été atteints et quels résultats concrets ont été obtenus pendant la période considérée.
Objectives and results
L’accroissement des activités de transmission
Depuis 2015 surtout, la transmission s’est faite au bénéfice :
- des adultes : les adultes sollicitent l’association Cantu in paghjella pour être initiés et formés au cantu in paghjella, à titre individuel ou au sein d’organismes locaux associés. Les ateliers se sont tenus dans des églises et lors de veillées coutumières.
- des élèves des collèges et lycées insulaires : ces publics scolaires ont bénéficié d’une opération pluriannuelle de grande envergure à destination d’élèves garçons et filles souhaitant participer aux ateliers. L’initiation et le repérage des élèves, réalisé fin juin 2015, a permis de commencer les formations à la rentrée 2015. Cette activité répondait à un enjeu du précédent rapport d’évaluation (2013) : « il a été décidé de former les jeunes par un apprentissage débutant en classe de 6e pour finir en classe de terminale, ce qui permet un apprentissage sur 7 ans ». L’accent a été mis sur le niveau Collège, avec des résultats inespérés : près de 500 élèves des classes bilingues français-corse, allant de la 6e à la 3e, ont participé, au rythme de 17 à 21 semaines dans l’année scolaire, avec des durées moyennes d’intervention de 2 heures hebdomadaires.
En outre, l’organisation des ateliers a permis aussi de rappeler l’importance de la maîtrise de la langue dans la pratique de la paghjella.
L’instauration d’un réseau de chercheurs autour du cantu in paghjella
La recherche, très sensiblement renforcée depuis 2016, doit développer une approche historique et ethnologique permettant de comprendre comment ce patrimoine oral a été constitué, a évolué et a été transmis dans le temps.
Lors d’une Assemblée générale extraordinaire (5 novembre 2016), au Musée de la Corse, l’association Cantu in paghjella a ajouté à ses statuts la création d’un Conseil scientifique. De portée internationale, il est composé de chercheurs indépendants, (ethno)musicologues, historiens du patrimoine et linguistes, reconnus pour leur action en faveur de la reconnaissance du patrimoine musical méditerranéen, ainsi que de praticiens corses. Il veut susciter et stimuler le développement de recherches musicologiques (sessions de formation, rencontres, échanges) à l’international. Ses membres, personnalités marquantes dans le domaine des musiques savantes et populaires, ont contribué à éclairer la connaissance, la diffusion et le renouvellement du cantu in paghjella.
La reprise de la collecte des sources sonores
En 2017, l’association Cantu in paghella a relancé la collecte des chants interprétés par les paghjellaghji dans le contexte coutumier, afin de compléter le corpus anciennement compilé. Cinq messes ont été enregistrées in situ, ainsi que des paghjelle profanes, et des collectes ont été réalisées lors de veillées dans les communautés villageoises.
Le site www.paghjella.com, alimenté au fil des collectes, qui présentait les activités de collecte et leurs résultats (avec les autorisations nécessaires) et proposant, en août 2015, un recueil de plus de 3000 paghjelle, a été abandonné en 2015 pour des raisons administratives et financières. En 2017, il a fait l’objet d’un chantier de refonte et a été réouvert fin décembre 2017 à l’adresse www.cantuinpaghjella.com.
La promotion et la mise en valeur
La communication auprès des médias, professionnels du tourisme et institutionnels, accentuée depuis 2016, commence à porter ses fruits, particulièrement pour la prise de conscience collective de l’irréversibilité d’un processus d’acculturation lié à une exploitation opportuniste à court terme de la paghjella. Le symposium de Corte de juin 2017 a été diffusé dans la presse écrite et audiovisuelle et promu auprès du grand public via les réseaux sociaux.
B.3.b.
Activités de sauvegarde
Dressez la liste des principales activités menées au cours de la période considérée pour obtenir ces résultats escomptés. Veuillez décrire les activités en détail en mentionnant leur efficacité et tout problème rencontré dans leur mise en œuvre.
Safeguarding activities
Actions de transmission aux adultes (2016-2017)
Performances en situation
La relance et l’entretien du processus de la transmission du cantu in paghjella doivent donner la priorité aux pratiques coutumières, lors de performances in situ, réglées par un calendrier cultuel ou culturel. C’est là que les praticiens peuvent réellement recréer, dans un contexte contemporain, un savoir-faire qui ne peut plus admettre la forme du concert ou du disque. Des animations ont eu lieu dans la communauté corse de la diaspora (Marseille, Montpellier, Paris) et des veillées, dans les villages de Castagniccia.
Ateliers
« L’atelier de paghjella est une forme inventée. Elle n’existait pas auparavant et n’a jamais été nommée comme telle. Remettre en vigueur cette forme d’enseignement, par un renversement de valeurs remarquable, devient une forme de transmission moderne » (Marie Ferranti, Les Maîtres de chant, Gallimard, 2004) : cet extrait pose bien les fondations de l’esprit qui anime les ateliers. Quatre ateliers ont été accueillis dans des communautés villageoises, à Orezza, Casinca, Fiumorbu et Corte notamment. À la paghjella profane s’est ajouté le répertoire religieux : dans le Fiumorbu ; à Bastia (église Saint-Roch), où des jeunes gens voulant intégrer la confrérie Saint-Charles sont venus chaque semaine apprendre la messe ; à Folelli et à Corte, où une quinzaine de jeunes gens passionnés ont appris les messes.
Actions de transmission aux scolaires (2015-2017)
Dans l’académie de Corse, l’association Cantu in pagjella est intervenue dans des classes bilingues corse-français de quatre collèges (Camille-Borossi à Vico, Simon-Vinciguerra à Bastia, Henri-Tomasi à Folelli et Philippe-Prescetti à Cervioni) et deux lycées (Balagne à L’Île-Rousse et Laetizia-Bonaparte à Ajaccio), avec six chanteurs aguerris : Petru Guelfucci, Jean-François Giammarchi, Jean-Marc Bertrand, Jean-Luc Geronimi, Petru-Santu Guelfucci et Mathieu Maestrini.
Ces transmetteurs se sont adaptés à l’espace scolaire, qui n’est pas « naturel » à l’expression de la paghjella. On chante debout, mais dans une classe, on se tient ordinairement assis. On chante à trois : comment empêcher le reste du groupe de former une masse, attentive ou pas ? Enfin, le système scolaire est essentiellement fondé sur l’écrit, tandis que la paghjella se transmet exclusivement à l’oral. L’espace scolaire doit donc être apprivoisé et l’enseignement, être original, au sens propre du terme, puisque tout à fait nouveau, tenir compte de ces contraintes et trouver sa place.
La dialectique entre l’enseignant et les élèves suit plusieurs étapes :
- détermination des ateliers : le nombre est fixé selon le calendrier scolaire des différents établissements de l’Éducation nationale et adapté à la demande dans le cadre du privé. Le nombre d’élèves par atelier était variable (10 à 21 maximum), pour une équipe de trois transmetteurs.
- contenu pédagogique : établi selon le niveau des élèves, il débute chaque cours par une présentation de la polyphonie, des formes poétiques (paghjella, terzettu, madricale), des voix (a seconda, u bassu, a terza) et des termes (versu, garbu, sguilla, ricuccate…). Le texte en corse de la paghjella, écrit au tableau, avec une forme fixe de 6 vers octosyllabiques, est lu à haute voix par l’un des chanteurs, notamment pour situer l’accent tonique. Le cours se poursuit avec une séance d’écoute et de démonstration de 2 ou 3 versi (styles d’interprétation) de diverses régions. Les chanteurs interprètent la paghjella devant les élèves, puis celui qui entonne la seconda chante la ligne mélodique, sur laquelle vont venir s’accorder les autres voix. Tous les élèves chantent ensuite à l’unisson. Chaque élève reçoit un dossier personnalisé (nom des intervenants, date et heure, notes).
- mise en pratique : trois grands groupes d’élèves sont formés en fonction de leur tessiture et surtout du registre dans lequel l’élève va être capable de s’accomplir (basse, baryton, ténor, haute-contre). Une fois la ligne mélodique de leur registre respectif maîtrisée, les élèves sont répartis entre les trois voix (seconda, bassu, terza), pour appliquer ce qu’ils ont appris et faire résonner leur première paghjella. Les cours, en partie enregistrés à l’aide d’appareils numériques, sont adressés à chaque fin de séance, par courriel, aux élèves, parents ou enseignant.
L’évaluation de ces ateliers scolaires se heurte à certaines difficultés. Au stade du collège, s’agissant d’élèves âgés de 11 et 15 ans, leur voix n’a pas encore mué ; il est difficile de trouver des basses, qui sont assurées en règle générale par l’un des enseignants. Avec deux ans de plus, le registre de la basse serait beaucoup plus représenté. L’association Cantu in paghjella regrette donc que ces élèves formés ne soient plus suivis au lycée, où l’enseignement de la paghjella pourrait donner ses meilleurs fruits. Enfin, l’efficacité des ateliers délivrés pour ces élèves âgés de 10 à 15 ans aurait été supérieure s’ils avaient été sensibilisés en amont, dès le primaire, par les équipes pédagogiques.
Activités de recherche (2016-2017)
Créé en novembre 2016, le Conseil scientifique international (France, Espagne, Italie) compte quinze membres en 2017, dont Markus Römer, Bernard Lortat-Jacob, Marcel Pérès, Luc Charles-Dominique, président du CIRIEF, Jean-Jacques Casteret, directeur de l’Ethnopôle InÒc Aquitaine, Marie-Barbara Le Gonidec, co-responsable du programme de recherche iiAC/LAHIC, trois ethnomusicologues italiens, trois musicologues corses, ainsi que le responsable du fonds d’archives polyphoniques du Musée de la Corse. S’y ajoutent le collège des chanteurs pratiquants (quatre à six membres) et des spécialistes de langue et de culture corses.
La présidence en a été confiée à Françoise Graziani, professeur de littérature comparée à l’université de Corse Pasquale Paoli (UMR CNRS LISA 6240).
Son 1er symposium, tenu à l’université de Corse à Corte, le 28 juin 2017, sur le thème « Cantu in paghjella : le sens de la recherche », a posé les bases d’un dialogue interactif entre chercheurs en musicologie et interprètes et relancé la dynamique initiée par l’inscription sur la Liste de sauvegarde urgente. Les échanges avec les autres pays de pratique polyphonique doivent être encouragés, à la fois dans une approche comparative et pour mettre en évidence les particularités du cantu. La rencontre a accueilli huit interventions scientifiques, rythmées par les chants, sur le mode non programmé des pratiques sociales traditionnelles des paghjellaghji. Toutes les composantes et variantes dans la pratique de la paghjella étaient présentes parmi les contributeurs et les auditeurs : chanteurs aguerris et débutants, représentants de Sermanu et de Rusio, de Tagliu, d’Orezza, de Casinca, de Balagne et de la Conca d’Oru. Un enregistrement intégral, vidéo et audio, a été réalisé, en vue de sa publication en ligne sur le site Internet de l’association.
Fonds sonores collectés (2017)
Cinq messes ont été enregistrées in situ :
- deux messes des vivants et des morts de Sermanu et deux messes des vivants et des morts de Rusiu, toutes enregistrées en studio (Jean-Bernard Rongiconi, studios L’Aghjulina à Valle di Rustinu) ;
- une messe enregistrée en l’église de Tox, en mémoire de l’abbé Paul Filippi, dit Gregale, poète reconnu, cofondateur de l’ensemble vocal A manella.
Un ensemble de paghjelle profanes dans les divers versi connus ont été enregistrés à l’auberge A ghjuvellina de Pedigrisgiu, par Jean-Bernard Rongiconi.
B.3.c.
Participation de communautés, de groupes ou d'individus aux activités de sauvegarde
Veuillez décrire de quelle manière les communautés, les groupes ou, le cas échéant, les individus ainsi que les organisations non gouvernementales pertinentes ont participé de façon effective à l'exécution des mesures de sauvegarde, y compris en termes de rôles du genre. Décrivez le rôle joué par l'organisation ou l'organe chargé de l'exécution (dénomination, informations de référence, etc.) et les ressources humaines qui ont été mises à disposition pour la mise en œuvre des activités de sauvegarde.
Participation of communities, groups or individuals in the safeguarding activities
Participation des communautés
La communauté impliquée dans le cantu in paghjella est constituée des experts, responsables associatifs et praticiens, qui ont appris par transmission orale de type héréditaire ou de maître à disciple, par imprégnation ou par l’intermédiaire de collectages. Elle s’élargit aux habitants, originaires ou non, de l’île et aux Corses de la diaspora.
- Les paghjellaghji
En 2017, l’association a élargi sa gouvernance à tous les chanteurs du périmètre d’expression originel de la paghjella (grande Castagniccia et micro-régions hors périmètre : Balagne, Nebbiu, Sud ajaccien).
- Les contributeurs extérieurs des formations spécialisées
Des formations adhérentes de l’association l’ont aidée dans l’organisation des ateliers de transmission du chant, telles que la Scola di cantu natale Lucciani, qui a effectué un travail remarquable dans le ressort de la ville d’Ajaccio.
- Les communautés rurales
L’ouverture de l’association aux communautés villageoises, qui ont renoué avec leur mémoire collective, et, comme à Ajaccio ou à Bastia, aux jeunes urbains, réceptacles d’un exode intérieur conséquent depuis les années 1960 (la jeune génération renouant, grâce à la paghjella, avec la culture de leurs parents), a donné un élan et un enthousiasme important, porteur d’espoir pour la sauvegarde du cantu in paghjella.
Les relations nouées avec les organisations pastorales et les expériences menées dans la communauté des bergers, depuis toujours porteurs de cette culture, ont conforté l’association dans la pertinence de sa démarche de sauvegarde.
- Les enseignants des établissements d’accueil
Les enseignants en langue corse s’étant bien impliqués dans les ateliers accueillis en collèges et lycées en 2015-2017, la présence des chanteurs de paghjella a été vécue comme un « plus » apprécié des équipes pédagogiques, parents et enfants et un élément moteur dans l’apprentissage de la langue corse. Cette forme collective de chant a impliqué respect des autres et coordination d’équipe.
- Le public internaute du cantu
Après la fermeture du site historique www.paghjella.com (2015), la perspective de sa réouverture, sous une forme rénovée et enrichie, a généré, auprès de la jeune génération, un regain d’intérêt et, chez les anciens, un afflux important de témoignages.
Implication de l’association Cantu in paghjella
Chargée de mettre en œuvre le plan de sauvegarde depuis 2009, l’association a constitué, dès sa création en 2007, sous la présidence de Michèle Guelfucci-Glinatsis, une équipe de recherche de cinq personnes : un praticien reconnu et membre du collège Musique du Conseil économique, social et culturel (CESC) de Corse, une ethnomusicologue, deux chercheurs en anthropologie et une docteur en anthropologie membre d’une confrérie.
En 2017, le Conseil d’administration est composé de 6 membres (président, vice-président, trésorier, secrétaire et présidente du Conseil scientifique) et le Conseil scientifique est composé de 15 membres, auxquels s’ajoutent quatre à six paghjellaghji. L’équipe administrative est, pour l’instant, exclusivement composée de bénévoles (4).
L’association compte 45 adhérents, dont 33 chanteurs, 9 personnes ayant joué un rôle actif dans la préservation et la diffusion de la paghjella et 2 membres de soutien.
B.3.d.
Calendrier et budget
Indiquez, sous forme de calendrier, les dates de mise en œuvre de chacune des activités et quels fonds ont été utilisés à cette fin, en indiquant dans chaque cas l'origine du financement (sources gouvernementales, contributions en nature des communautés locales, etc.).
Timetable and budget
Renouvellement de la convention relative à la mise en œuvre du plan de sauvegarde du cantu in paghjella (28 août 2015)
La convention pluriannuelle cosignée entre l’État (ministère de la Culture et de la Communication), représenté par le préfet de Corse, et l’association Cantu in paghjella, a été renouvelée pour une période de 3 ans (2015-2017). Cet instrument engage l’État partie à prendre les mesures nécessaires pour assurer la sauvegarde du PCI présent sur son territoire et précise les engagements de l’État et de l’association vis-à-vis du plan de sauvegarde de l’élément.
Soutiens financiers à l’association Cantu in paghjella
Les aides publiques consenties à l’association sont de deux origines :
- des subventions annuelles du ministère de la Culture, déléguées à la direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) de Corse, d’un montant de 45 000 € (imputés sur trois budgets en administration centrale, à égalité : direction générale à la Création artistique (DGCA), service de la coordination des politiques culturelles et de l’innovation (SCPCI) et programme 224 «Transmission des savoirs »). Elles ont été versées en 2015, en 2016 et en 2017.
- des subventions annuelles de la Collectivité territoriale de Corse (CTC), d’un montant de 45 000 €. Elles ont été versées en 2016 et 2017.
Calendrier et montant des activités de l’association Cantu in paghjella (2014-2017)
- Frais de fonctionnement courant : 6000 € en moyenne en 2014, en 2015, en 2016 et en 2017
- Organisation des ateliers d’adultes : 6000 € en 2016 et 6000 € en 2017
- Organisation des ateliers scolaires (octobre à juin) : 45 000 € en 2015, 65 000 € en 2016 et 65 000 € en 2017
- Conduite des opérations de collectage : 8000 € en 2017
- Prestation externalisée d’un nouveau site Internet : 3000 € en 2017
- Conseil scientifique (réunions de l’instance et organisation du 1er symposium de Corte) : 8000 € en 2017.
B.3.e.
Efficacité globale des activités de sauvegarde
Procédez à une évaluation globale de l'efficacité des activités menées pour parvenir aux résultats escomptés et de l'utilisation des fonds nécessaires à leur mise en œuvre. Veuillez indiquer de quelles manières les activités ont contribué à l’obtention des résultats et si d'autres activités auraient été mieux adaptées à cette fin. Indiquez aussi si les mêmes résultats auraient pu être obtenus avec de moindres ressources financières, si les ressources humaines disponibles étaient appropriées et si les communautés, groupes et individus concernés auraient pu participer davantage.
Overall effectiveness of the safeguarding activities
Apprentissage et transmission
L’apprentissage de la paghjella est un travail de longue haleine, qui exige une certaine méthode. Ce n’est pas tant la difficulté d’apprendre ce chant que l’interpréter à trois, qui requiert de longues heures, voire des années de pratique. La complexité de l’apprentissage a contraint à développer une méthode pratique, qui ira encore en se développant, alliant codes de la pédagogie au sein de l’Éducation nationale et de la paghjella, pour viser l’efficacité nécessaire à l’enseignement.
Pour les ateliers scolaires, une bonne partie du territoire corse a été couverte, mais il s’agira d’étendre encore le périmètre de l’intervention de l’association. Des moyens concrets d’enregistrement audio ou vidéo mériteraient d’être davantage utilisés, pour simplifier la démonstration pédagogique.
L’expérience amène à des constats divers sur l’aptitude collective des élèves à interpréter correctement ce mode de chant. Les collèges de Folelli et Bastia retenus sont des exemples de complète réussite. Les élèves du collège Vinciguerra (100 environ) sont parvenus à une réelle maîtrise de la paghjella, lors de leurs apparitions en public (cadre scolaires et périscolaire) et de manifestations urbaines. Les ateliers au collège de Cervioni (Castagniccia) sont plus décevants. Les ateliers au lycée Laetzia Bonaparte d’Ajaccio, pourtant bien déroulés, sont restés sans suite. Les collèges de Vicu et de Balagne, hors ressort historique de la paghjella (Grande Castigniccia), accueillent des élèves sans repère ni acquis par rapport à ce chant. Si l’on veut étendre la transmission hors des limites « naturelles » de la paghjella, des opérations de sensibilisation des élèves sont donc nécessaires en amont, en plus grand nombre, avec la coopération des équipes pédagogiques.
L’association n’a pas pour mission de « former » de grands chanteurs – ce que, d’ailleurs, on n’exige pas pour d’autres enseignements artistiques dans ce contexte -, mais de transmettre un élément de la culture corse dans son intégralité : répertoire, langue, poésie soutenant la paghjella, mélodies avec leurs diversités locales et humaines, versi et valeurs véhiculées par la pratique (partage, recherche de complicité et de complémentarité, solidarité et respect). Sans être l’objectif principal de la paghjella, les ateliers organisés ont rappelé l’importance de la maîtrise de la langue dans la pratique du chant. Ils ont aussi favorisé la parole : l’assurance donnée a montré un bénéfice chez nombre d’élèves quasi-mutiques, noté par beaucoup d’enseignants.
La recherche de l’harmonie, issue de la différence, a un sens concret dans le contexte des ateliers scolaires : on doit laisser à chacun sa place pour que le chant soit exécuté. Ce partage égalitaire de la différence a favorisé l’apprentissage des valeurs de tolérance, de partage et d’écoute en général. L’attrait du chant et de ce type d’enseignement sur les élèves a montré, dans les ateliers organisés en 2015-2017, des effets directs et indirects sur la personnalité des enfants, leur motivation à apprendre, à progresser, sur leur goût de la discipline, du travail en groupe et sur la pratique de la langue corse.
Promotion et valorisation
Pour pérenniser l’implication des jeunes formés dans le cadre des ateliers, scolaires et hors temps scolaire, notamment, et des adultes sensibilisés lors des performances (ateliers et veillées), une grande manifestation publique et populaire (du type festival du cantu in paghjella) manque encore, pour rassembler praticiens transmetteurs et élèves, novices ou confirmés. Elle est envisagée à court terme par l’association Cantu in paghjella.
L’école, du primaire au lycée, demeure un lieu privilégié d’apprentissage et un excellent moyen de sauvegarder ce chant et les résultats obtenus sont très positifs. Toutefois, au sein de l’équipe administrative de l’association Cantu in paghjella, le recrutement de permanents salariés s’imposera dans les prochaines années, pour maintenir ce rythme d’activités et pouvoir répondre à l’élan suscité. Pour le plan de sauvegarde, la question des locaux et des moyens se pose aussi, nécessitant une réflexion à l’avenir, en coopération avec associations, municipalités et confré-ries. L’association considère aussi urgente la réouverture du Centre de musiques traditionnelles de Corse, créé en 2001 et liquidé par le tribunal de grande instance de Bastia en 2011, à la suite de dysfonctionnements. Cette situation a des conséquences négatives sur la préservation et le développement de toutes les musiques traditionnelles, dont le cantu in paghjella.
C
Chave
C. Mise à jour des mesures de sauvegarde
C.1.
Plan de sauvegarde mis à jour
Veuillez fournir une mise à jour du plan de sauvegarde inclus dans le dossier de candidature ou dans le précédent rapport. En particulier, veuillez donner des informations détaillées comme suit :
- a. Quels sont les objectifs principaux visés et les résultats concrets attendus ?
- b. Quelles sont les activités principales à mener pour atteindre ces résultats attendus ? Veuillez décrire les activités en détail et dans l'ordre d'exécution, en démontrant leur faisabilité.
- c. Comment le ou les États parties concernés soutiennent-ils la mise en œuvre du plan de sauvegarde mis à jour ?
Updated safeguarding plan
Objectifs principaux visés et résultats concrets attendus
Tout en proposant des mesures nouvelles, le plan de sauvegarde actualisé veut s’inscrire, déli-bérément, dans les axes conçus dès 2009, l’association Cantu in paghjella, chargée de sa mise en œuvre, étant convaincue de la nécessité d’un développement dans la longue durée. Elle vise-ra donc encore la transmission, la recherche, la protection et la promotion/mise en valeur.
Les résultats concrets attendus doivent se mesurer au plan quantitatif, touchant tout à la fois les paghjellaghi, les élèves formés, les contributeurs et auditeurs des ateliers, performances et veil-lées, les intervenants et participants des activités proposées par le Conseil scientifique, les enre-gistrements sonores captés, archivés et restitués au public.
Activités principales à mener et calendrier prospectif
Transmission
L’association Cantu in paghjella va conforter les liens de convergence avec l’enseignement traditionnel afin d’offrir une visibilité plus grande. Il est important de réfléchir à la sensibilisation, voire à la formation, des professeurs des écoles ainsi qu’à une sensibilisation et une initiation des enfants dès le cours préparatoire. La conception et l’édition d’un éventail de supports pédagogiques adaptés aux tranches d’âges doit être mise en chantier en collaboration avec le réseau Canopé (ex-Centres régionaux de documentation pédagogique). Au niveau supérieur (lycée d’enseignement général ou enseignement technique), une réflexion avec le corps enseignant doit également être lancée.
En complément, l’association va entreprendre des actions d’immersion des élèves au cœur de la ruralité (une « journée au village »).
Elle va entreprendre des formations de chanteurs. La sensibilisation, la motivation et la formation de nouveaux chanteurs s’avèrent nécessaires pour élargir encore son action. Il conviendra d’investir d’abord les écoles bilingues, au nombre de quinze sur le territoire corse.
L’association se donne pour objectif immédiat la création de centres de transmission répartis dans les micro-régions traditionnellement les plus concernées (Orezza, Bozziu, Fiumorbu, Casinca, Nebbiu et Balagna).
Recherche
Dans le cadre des activités du nouveau Conseil scientifique international, il conviendra de mettre à profit les résultats de la collecte des versi et des études réalisées au cours de la convention 2015-2017 entre la DRAC de Corse et l’association Cantu in paghjella.
Le 1er symposium de juin 2017, très largement relayé par les médias locaux, a confirmé que la nouvelle dynamique instaurée demande à être soutenue avec constance pour répondre aux attentes des praticiens, du public, mais aussi des chercheurs. Il a invité le Conseil scientifique à engager des travaux, à l’avenir, dans plusieurs directions simultanées :
- situer le cantu in paghjella dans le cadre des nouvelles orientations prises par l’ethnomusicologie, notamment relativement aux concepts de multipart music et de patrimoine vivant (PCI) ;
- préciser l’apport du comparatisme et de l’interdisciplinarité dans la compréhension de pratiques structurellement complexes et en évolution constante, tant esthétiquement que sociologiquement ;
- repenser la fonction intellectuelle et sociale des traditions dites « populaires », en considérant à la fois les différentes manières dont elles contribuent à maintenir actifs les liens sociaux et intellectuels entre passé et présent, tout en prenant en compte leur fonction exemplaire en tant que modèles de transformation durable ;
- définir les exigences d’une recherche participative, dont la visée se veut plutôt archéologique que normative ;
- resserrer les liens entre recherche et création, pour permettre de nouveaux accords entre l’enseignement, la collecte et la conservation, les acteurs culturels et la société civile ;
- identifier les outils les plus pertinents pour l’analyse et l’interprétation du rapport entre texte et musique, afin de permettre une appropriation efficace par les nouveaux interprètes ;
- tirer le meilleur parti critique des innovations techniques et de leurs effets sur la pratique comme sur la réception des traditions polyphoniques, en Corse et ailleurs.
Protection
L’association Cantu in paghjella va créer une phonothèque, en lien avec le Musée de la Corse, qui mettra son fonds sonore à la disposition de l’association. En échange, cette dernière déposera tous ses nouveaux enregistrements afin d’enrichir le fonds du musée.
Un appel à contribution va être lancé dans les communautés villageoises pour recueillir des archives et témoignages détenus par les familles, afin d'enrichir le fonds patrimonial.
Promotion et mise en valeur
L’association Cantu in paghjella va utiliser davantage les moyens de diffusion (vidéos, enregistrements en ligne sur internet, page Facebook) et rechercher le partenariat avec les médias locaux pour la valorisation des fonds anciens.
Soutien de l’État partie à la mise en œuvre du plan de sauvegarde à jour
Le renouvellement, à compter de 2018, de la convention pluriannuelle entre l’État (ministère de la Culture) et l’association Cantu in paghjella est indispensable à la poursuite des activités engagées.
Il doit s’élargir à un conventionnement avec la Collectivité territoriale de Corse, pour accroître encore l’efficacité des activités de l’association et le rayonnement de la pratique à l’échelle insulaire, hexagonale et à internationale.
L’association doit pouvoir bénéficier d’une habilitation « Centre de formation », seule ou en partenariat, avec un centre de formation agréée, de manière à délivrer des formations et des habilitations, donc des formations diplômantes, tant aux intervenants paghjellaghi qu’aux enseignants en langue et culture corse, et, plus tard, aux élèves formés les plus motivés, afin qu’ils deviennent à leur tour des transmetteurs. Ce moyen est essentiel à la démarche de sauvegarde et de perpétuation du cantu in paghjella.
Besoins financiers liés au plan de sauvegarde
Les subventions annuelles de la direction régionale des Affaires culturelles de Corse et de la Collectivité territoriale de Corse doivent être maintenus à leur niveau actuel.
C.2.
Participation des communautés
Veuillez décrire comment les communautés, groupes et individus ainsi que les organisations non gouvernementales pertinentes ont été impliqués, y compris en termes de rôles du genre, dans la mise à jour du plan de sauvegarde et comment ils seront impliqués dans sa mise en œuvre.
00077
Community participation
Les praticiens. - Entrepris depuis 2016, l'élargissement des adhérents à l'association permettra dans de brefs délais de consolider l'implication des individus et des communautés de chanteurs actuellement dispersés.
À partir du Conseil scientifique récemment créé, les prémices de la mise en place d’un réseau euro-méditerranéen sur la thématique du chant polyphonique ont généré de grands espoirs dans la communauté des chanteurs, désireux de confronter leur pratique avec d’autres communautés.
Conformément aux termes du dossier d’inscription de l’élément à l’Unesco en 2009 (« la création d’un réseau de paghjellaghji, qui transmettrait les répertoires profane et liturgique à quinze jeunes tous les deux ans permettrait de doubler le nombre de praticiens en quatre ans »), l’association Cantu in paghjella s’est encore davantage appuyée sur la communauté de praticiens (paghjel-laghji), aptes à transmettre aux jeunes générations la pratique du cantu. Les paghjellaghji dési-gnés par l’association sont ceux qui exécutent régulièrement le cantu dans les conditions coutu-mières et bénéficient de la reconnaissance de leurs pairs.
Les associations culturelles. - L'association se fixe pour objectif de fédérer les associations cul-turelles œuvrant de près ou de loin dans le domaine du chant polyphonique, de structurer par mi-cro-régions les communautés de chanteurs et soutenir les initiatives locales de promotion. No-tamment un projet en cours de convention avec des associations de bergers actives sur le terri-toire dans la réappropriation et la transmission des chants et de la poésie pastorale.
Les médias locaux. - Un partenariat est en cours avec les médias locaux (RCFM et FR3 Via Stella) pour récupérer des documents audiovisuels existants et pour soutenir les actions d'éduca-tion populaire sous forme d'écoutes régulières et commentées, et encourager des initiatives nou-velles.
Les chercheurs spécialisés. - Une plate-forme multimédia en cours de réalisation à l’UMR CNRS LISA de l’université de Corse fera prochainement l’objet d’une convention de partenariat pour la consultation publique des fonds collectés par l’association.
C.3.
Contexte institutionnel
Veuillez indiquer quelles institutions sont en charge de la gestion locale et de la sauvegarde de l'élément inscrit sur la Liste de sauvegarde urgente, notamment :
- a. l'(les) organisme(s) compétent(s) impliqué(s) dans sa gestion et/ou sa sauvegarde ;
- b. l'(les) organisation(s) de la communauté ou du groupe concernée(s) par l'élément et sa sauvegarde.
2006-07-11
Institutional context
Organismes impliqués
L’association Cantu in paghjella, chargée du plan de sauvegarde, réunit praticiens, chercheurs et collecteurs.
La DRAC de Corse cosigne la convention sur la mise en œuvre du plan de sauvegarde et soutient l’association par délégation de crédits ministériels.
La Collectivité territoriale de Corse soutient transmission et collecte par ses subventions. Elle participe au schéma départemental des enseignements artistiques, qui inclut l’enseignement du cantu in paghjella. Le Chœur d’hommes de Sartène, membre du comité de suivi, relève de ses services.
Organisations concernées
Les deux directions ministérielles de la Création artistique (DGCA) et des Patrimoines (DGP), le Centre français du PCI et le rectorat d’académie de Corse sont membres du comité de suivi.
À l’université de Corse, où enseigne F. Graziani Giacobbi, présidente du Conseil scientifique de l’association Cantu in paghjella et bientôt directrice de la fédération Recherche Environnement et Société, l’UMR CNRS LISA développe une plate-forme pour la consultation publique des fonds collectés.
Le Musée de la Corse héberge la Médiathèque de Corse, détentrice des fonds polyphoniques (Quilicci, Römer et Laade...).
D
Isabelle
D. Participation des communautés à l'établissement du présent rapport
Décrivez les mesures qui ont été prises pour assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus ainsi que des organisations non gouvernementales pertinentes concernés pendant la préparation du présent rapport.
Participation of communities in preparing this report
Le présent rapport a été rédigé en concertation avec les membres du Bureau de l'association Cantu in paghjella qui ont consulté les principaux partenaires cités plus haut. Deux réunions ont été organisées au cours de l'année 2017, complétées par des contributions écrites et des échanges informels avec les praticiens. La communauté des chanteurs a été fière d’être associée aux réflexions sur la sauvegarde de leur expression. Au-delà des chanteurs, les anciens dans les villages et dans les cités, les jeunes formés dans les collèges et l’université de Corse ont été associés aux réflexions de l’association Cantu in paghella.
À l’occasion de dernière réunion, le comité de suivi de l’élément a également permis de compiler les éléments nécessaires et a contribué à la synthèse des activités. Il est composé de quatre paghjellaghji, membres de l’association Cantu in paghjella, de deux représentants de la direction régionale des Affaires culturelles de Corse, d’un représentant de la direction générale de la Création artistique, d’un représentant de la direction générale des Patrimoines et de quatre personnalités qualifiées, dont un représentant du Centre français du Patrimoine culturel immatériel, le directeur de la Culture et du Patrimoine de la Collectivité territoriale de Corse, un représentant du rectorat d’académie de Corse et du chef du chœur d’hommes de Sartène.
E. Signature au nom de l'État partie
Le rapport doit être signé par un responsable habilité à le signer pour le compte de l’État, avec la mention de son nom, de son titre et de la date de soumission.
Nom
Laurent STEFANINI
Titre
Ambassadeur de France, délégué général auprès de l’Unesco
Date
-
Signature
Chargement du rapport périodique signé