Décision du Comité intergouvernemental : 17.COM 7.a.1

Le Comité

  1. Prend note que le Chili a proposé la candidature de la poterie de Quinchamalí et Santa Cruz de Cuca (n01847) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :

La poterie de Quinchamalí et Santa Cruz de Cuca est représentative de la tradition culturelle métisse du centre du Chili. Elle se caractérise par les pièces noires fonctionnelles et décoratives portant des motifs blancs, fabriquées à l’aide de techniques qui perdurent depuis des siècles. Les pièces fonctionnelles incluent des pots, des fontaines et de la vaisselle. Les pièces décoratives sont des figurines évoquant le monde rural et des personnages locaux (parmi lesquels la guitarrera, la paysanne guitariste). Les potières vendent leurs créations chez elles, sur les étals locaux, sur le marché de Chillán et à l’occasion de foires artisanales, ou bien en passant par des intermédiaires. Les femmes détiennent les connaissances et les pratiques associées à la poterie, formant des lignées de femmes qui se distinguent par leurs styles respectifs. Source d’autonomie sociale et économique, cette pratique montre que les femmes n’occupent pas un rôle subordonné par rapport aux hommes. La viabilité de l’élément est toutefois menacée par des facteurs démographiques et environnementaux, ainsi que par la précarité des contextes sociaux. À mesure que les jeunes s’installent dans les zones urbaines, les occasions de transmission sont de plus en plus rares. L’accès aux matières premières est aussi de plus en plus difficile, en raison de l’appauvrissement de la biodiversité et de la dégradation de sols. Par ailleurs, l’absence de réglementation favorise l’appropriation des droits de propriété intellectuelle relatifs aux connaissances liées à la poterie, et l’utilisation à but lucratif de ces connaissances par des designers ou des artistes qui ne partagent pas leurs bénéfices avec les praticiennes.

  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente comme suit :

U.1 :  L’élément inclut les savoir-faire artisanaux utilisés lors de la création de pièces de poterie noires aux accents blancs. La production regroupe différentes étapes, de l’approvisionnement en matières premières (argile) à la finalisation des produits, en passant par leur production. Les femmes sont les détentrices des connaissances et des pratiques associées à l’élément. Elles transmettent les connaissances et savoir-faire à leurs filles et aux autres femmes de la famille et du quartier qui apprennent en observant et effectuant les tâches. Elles transmettent également l’élément lors d’ateliers organisés par l’école de Quinchamalí durant lesquels certaines potières collaborent et contribuent à la transmission des techniques et savoir-faire liés à la poterie aux enfants qui étudient dans cette école. Le processus de fabrication encourage la cohésion sociale dans la ville et favorise les relations sociales tout en mettant en avant le rôle important des femmes dans la culture populaire.

U.2 :  Le dossier fait mention des différentes menaces pesant sur l’élément et décrit, en particulier, trois facteurs de risque justifiant la sauvegarde urgente de l’élément : les risques démographiques, environnementaux et sociaux. Dans les deux villages où l’élément est pratiqué, l’âge moyen des potières est de 59 ans. Dans dix ans, il n’y aura plus que 12 potières actives âgées de moins de 60 ans. Les jeunes quittent la campagne pour la ville, ce qui a un impact sur la transmission de l’élément aux prochaines générations. La migration de la campagne vers la ville a eu également un impact négatif sur la fabrication de poteries qui n’est plus considérée comme un emploi viable pour les jeunes femmes. Du côté des menaces environnementales, la prolifération des forêts de pins et d’eucalyptus fournissant du bois de construction destiné à l’exportation a affecté l’agriculture et l’accès aux matières premières permettant de fabriquer les poteries. Par exemple, l’approvisionnement en pierres à polir dont les potières ont besoin pour créer leurs pièces a été affecté. Enfin, concernant la menace sociale, l’absence de réglementation relative à la propriété intellectuelle liée à la poterie pousse des designers ou des artistes à utiliser l’élément dans un but lucratif, sans en partager les bénéfices avec les praticiennes.

U.3 :  Le plan de sauvegarde proposé s’articule autour de deux grands axes : (a) sauvegarder l’élément à travers des mesures pertinentes au regard de la trajectoire culturelle de la communauté, visant à réduire les facteurs de risque qui menacent la continuité et la viabilité de l’élément ainsi qu’à garantir sa viabilité et sa promotion aux niveaux local et national ; et (b) coordonner les efforts de l’État avec ceux de la communauté des potières et d’autres acteurs locaux. Le plan présente sept objectifs principaux qui permettraient, entre autres, de garantir l’accès aux matières premières et la sauvegarde de l’écosystème. Les activités principales, ainsi que les détails du calendrier et du budget de la mise en œuvre, sont dans le dossier. Le plan de sauvegarde a été mis au point avec l’aide des communautés et intègre des engagements spécifiques des communautés et des institutions impliquées dans les mesures de sauvegarde.

U.4 :  Le dossier présente les différentes étapes de la préparation du dossier de candidature, dont les réunions et les ateliers avec les communautés concernées. Suite à l’accord du groupe d’artisanes de soumettre une candidature pour l’élément, des réunions communautaires ont été organisées en décembre 2017 et août 2018 afin d’élaborer le plan de sauvegarde et de réaliser une vidéo. En mars 2019, 54 membres de ces communautés se sont réunis dans le cadre d’un atelier de transfert des connaissances au sujet du processus de candidature et ont décidé de créer une équipe de suivi de la candidature, en coopération avec la communauté et l’école de Quinchamalí et avec le soutien de fonctionnaires locaux et ministériels. Plusieurs autres réunions ont été organisées afin de discuter du plan de sauvegarde et valider le dossier de candidature. Cinquante-neuf artisanes ont clairement donné leur consentement et leur approbation concernant cette candidature.

U.5 :  L’élément est inscrit à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel du Chili, qui est tenu et mis à jour par le Ministère de la culture, des arts et du patrimoine. L’élément a été inscrit à l’Inventaire le 21 décembre 2017. L’Inventaire est mis à jour tous les trois ans. Pour mettre à jour l’Inventaire, il faut mener une évaluation collaborative et établir un diagnostic. Ce diagnostic est effectué par une équipe de recherche interdisciplinaire en collaboration avec l’équipe de suivi, des membres des équipes nationales et régionales dédiées au patrimoine culturel immatériel et des représentants de la communauté elle-même.

  1. Décide d’inscrire la poterie de Quinchamalí et Santa Cruz de Cuca sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Encourage l’État partie à tenir compte des conséquences environnementales découlant de la pratique de l’élément et à mettre en place des mesures de sauvegarde ayant pour objectif de limiter les effets de la pollution et son impact sur la santé et le bien-être des communautés.

Top