Décision du Comité intergouvernemental : 16.COM 8.c.1

Le Comité

  1. Prend note que le Danemark et l’Allemagne ont proposé le modèle de la minorité danoise-allemande, un cadre de savoir-vivre ensemble en paix au sein d’une région abritant diverses cultures (n  01697) en vue de sa sélection et de sa promotion par le Comité en tant que programme, projet ou activité correspondant le mieux aux principes et aux objectifs de la Convention :

La région de Schleswig abrite trois cultures autochtones : danoise, allemande et frisonne. Ces trois cultures sont interconnectées mais se caractérisent par des langues et des pratiques culturelles et sociales sensiblement différentes. Après l’essor du nationalisme au début du XIXe siècle, l’accent mis sur les différences entre ces cultures a engendré des tensions, en particulier entre les Danois et les Allemands, culminant en deux guerres sanglantes : les guerres de Schleswig de 1848-1851 et de 1864. En 1920, un référendum avait eu pour conséquence la partition du Schleswig entre le Danemark et l’Allemagne. La nouvelle frontière séparait une large majorité de Danois dans la partie nord et une grande majorité d’Allemands dans la partie sud. En 1955, reconnaissant la liberté culturelle, les droits personnels et l’égalité formelle en tant que principes directeurs de la paix, les gouvernements danois et allemand ont présenté les Déclarations de Bonn-Copenhague. Ces deux déclarations d’intention unilatérales et non contraignantes sur le plan juridique ont été publiées le même jour par le chef du gouvernement de chacun des deux pays. Des améliorations supplémentaires ont permis aux deux communautés minoritaires de profiter d’une infrastructure bien établie, avec des écoles, des bibliothèques ou encore des clubs gérés par la communauté qui permettent de sauvegarder et de transmettre la langue et le patrimoine culturel de la communauté danoise ou allemande. Les Déclarations ont établi un cadre permettant au patrimoine culturel immatériel des deux minorités de s’épanouir et, en retour, contribuer à un vivre-ensemble pacifique.

  1. Considère que, sur la base des informations contenues dans le dossier, le programme répond comme suit aux critères de sélection, en tant que bonne pratique de sauvegarde, tels qu’énoncés au paragraphe 7 des Directives opérationnelles :

P.1 : La description du modèle est trop large pour déterminer dans quelle mesure il reflète exactement les principes et les objectifs de la Convention. Le dossier semble faire référence à une politique culturelle pour l’intégration générale des minorités sans relation spécifique avec le patrimoine culturel immatériel tel que défini par l’article 2 de la Convention. Le dossier décrit la mise en œuvre à relativement long terme de deux déclarations politiques, datant de 1955, qui reconnaissent les libertés et les droits des minorités danoises et allemandes à déterminer leur propre identité. Des mesures juridiques, la promotion des langues danoise et allemande et d’autres mesures délibérées visant à soutenir les cultures minoritaires de part et d’autre de la frontière danoise-allemande ont eu pour résultat le soutien général de la culture, des traditions et des modes de vie danois et allemands.

P.2 : Les mesures de coordination décrites font référence à un certain nombre de mécanismes juridiques et politiques qui facilitent l’accès des groupes minoritaires aux organes de gouvernance et de décision au Danemark et en Allemagne. Le dossier contient des références à une coopération régionale, à savoir : la création d’écoles pour les minorités via un financement public au Danemark, l’égalité d’accès aux fonds publics pour la scolarisation dans les écoles en Allemagne, le financement de représentations de théâtre et de lectures de poésie. Toutefois, ces références ne suffisent pas à déterminer comment ce modèle régional contribue à la sauvegarde d’un élément spécifique du patrimoine culturel immatériel ou du patrimoine culturel immatériel en général.

P.3 : Le dossier concerne principalement les Déclarations de Bonn-Copenhague et les mesures politiques prises pour garantir les droits des minorités et empêcher la discrimination. Même s’il s’agit de mesures importantes garantissant les droits des communautés minoritaires, le lien spécifique entre ces mesures avec les principes et les objectifs de la Convention n’apparaît pas clairement. Il est peut-être plus approprié de prendre en considération ces mesures dans d’autres cadres internationaux en lien avec les droits culturels et humains.

P.4 : Le dossier ne démontre pas comment le programme a contribué à la viabilité du patrimoine culturel immatériel concerné. Premièrement, il est difficile de distinguer clairement les éléments spécifiques du patrimoine culturel immatériel concernés par le dossier. Deuxièmement, le dossier ne décrit pas la viabilité d’aucun des éléments d’une façon substantielle.

P.5 : Le Sydslesvigsk Forening (SSF, Association du sud du Schleswig) et le Bund Deutscher Nordschleswiger (BDN, Union des allemands du nord du Schleswig) sont désignés comme les organes compétents responsables de la gestion locale du modèle de la minorité danoise-allemande. Plusieurs autres organismes non gouvernementaux sont également répertoriés. Ces acteurs sont la preuve du tissu dense des associations concernées, parmi lesquelles figurent des organisations s’occupant de la jeunesse, des écoles, de l’éducation tout au long de la vie, de la religion, des médias et de la politique, notamment la Bibliothèque royale danoise et la Commission allemande pour l’UNESCO, qui ont également pris part aux réunions et aux ateliers locaux en vue de la préparation du dossier. Le dossier fait également état d’un consentement libre, préalable et éclairé.

P.6 : Le dossier explique que le modèle de la minorité danoise-allemande ne peut pas être appliqué ou exporté dans sa totalité, mais qu’il doit plutôt être envisagé comme une boîte à outils nécessitant une adaptation. Le dossier suggère que les principaux composants du modèle peuvent être adoptés dans d’autres régions sous la forme d’une pratique démocratique considérant que les « minorités nationales doivent être en mesure de conserver leur culture et leurs pratiques, et notamment leur langue, sans être victimes d’une quelconque discrimination. » Toutefois, le dossier ne fournit pas d’informations suffisantes pour déterminer quels sont les composants du modèle concernés par la sauvegarde d’un élément spécifique du patrimoine culturel immatériel ou du patrimoine culturel immatériel en général.

P.7 : Le dossier explique qu’un certain nombre de communautés, d’administrations, d’universités, d’institutions et de parlements ont déjà accumulé plusieurs décennies d’expérience en termes de présentation du modèle de la minorité danoise-allemande et de coopération pour le partage d’expériences et de connaissances. En particulier, le dossier cite une liste de différentes institutions qui ont pu réaliser des travaux de recherche sur des questions concernant les groupes minoritaires et en présenter les conclusions. Toutefois, la capacité de ces institutions à diffuser l’information sur les bonnes pratiques est présentée implicitement et non explicitement dans le dossier.

P.8 : Le dossier décrit un Système de surveillance et d’évaluation de la politique menée par le Conseil de l’Europe concernant la politique des minorités danoise et allemande. Ce système fait également participer les minorités elles-mêmes à la collecte de diverses informations quantitatives et de statistiques, par exemple le nombre de membres des clubs et des associations, ou des participants aux événements, notamment culturels, organisés par les différents clubs et associations concernés. Le dossier fournit un lien à un site Web comprenant une section sur la culture, mais qui traite uniquement des activités en général, et non pas en termes d’éléments spécifiques du patrimoine culturel immatériel.

P.9 : Le modèle de minorité danois-allemand peut servir d’exemple positif d’une politique relative à la protection des droits et des pratiques des minorités. Toutefois, comme ce modèle semble sortir du champ d’application de la Convention, tel que décrit à l’article 2, il ne peut servir de modèle applicable aux efforts de sauvegarde répondant aux besoins particuliers des pays en développement.

  1. Décide de renvoyer le modèle de la minorité danoise-allemande, un cadre de savoir-vivre ensemble en paix au sein d’une région abritant diverses cultures aux États parties soumissionnaires ;
  2. Félicite les États parties d’avoir adopté des politiques d’intégration des minorités linguistiques et rappelle, toutefois, que seuls les programmes, projets ou activités dédiés à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel peuvent être proposés pour ce mécanisme.

Top