Décision du Comité intergouvernemental : 11.COM 10.c.5

Le Comité

  1. Prend note que les Fidji ont proposé la cartographie culturelle, méthodologie pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel iTaukei (no 01195) pour sélection et promotion par le Comité en tant que programme, projet ou activité reflétant le mieux les principes et les objectifs de la Convention :

En 2004, un programme visant à sauvegarder les systèmes de connaissances traditionnels et les expressions culturelles associées de la population iTaukei des Fidji a été lancé, suite aux inquiétudes soulevées par la communauté quant à la possible disparition de leurs pratiques culturelles. L’Institut iTaukei de la Langue et de la Culture a mis en place le programme de cartographie culturelle (PCC) afin d’identifier, de documenter et d’enregistrer le patrimoine culturel immatériel qui joue un rôle important pour l’identité et le maintien de la communauté, et dont la viabilité a été fragilisée par des facteurs économiques et climatiques, ainsi que par l’influence des médias. En collaboration avec les chefs iTaukei, les administrateurs, les anciens et les détenteurs des pratiques, le programme a commencé par des ateliers de sensibilisation à cette initiative destinés aux représentants de districts et aux chefs de villages. Des agents de terrain du PCC ont ensuite procédé à des séances de « talanoa » (méthode traditionnelle de dialogue et de narration des iTaukei) avec les chefs des communautés, les anciens et les gardiens des pratiques ; cela a permis d’identifier les éléments du patrimoine vivant à cartographier. Des informateurs ont été désignés pour enregistrer les pratiques à l’aide de matériel audiovisuel, les classer et les conserver dans une base de données numérique. À ce jour, la cartographie culturelle a été réalisée dans 11 des 14 provinces du pays. Dans le but de revitaliser les pratiques traditionnelles, comme la poterie, pour les générations futures, le Ministère des affaires iTaukei a organisé des ateliers à l’intention des jeunes, dirigés par des détenteurs de ces techniques.

  1. Décide que, d’après les informations contenues dans le dossier, le programme répond comme suit aux critères énoncés au paragraphe 7 des Directives opérationnelles concernant la sélection au titre de meilleure pratique de sauvegarde :

P.1 :  Le programme vise à fournir des conseils méthodologiques pour cartographier le patrimoine culturel immatériel de la communauté autochtone des Fidji (la population iTaukei), sauvegardant ainsi les connaissances traditionnelles et les expressions culturelles de tous les domaines de son patrimoine culturel immatériel (rituels et cérémonies, danses, connaissances des systèmes environnementaux et autres pratiques coutumières existants). Le dossier décrit une méthode participative qui comporte certaines innovations (par exemple, les données qui font l’objet d’une discussion ouverte avant d’être validées par les informateurs - selon la forme traditionnelle de la narration - puis enregistrées au format audio et vidéo ; l’information et l’encouragement du grand public à participer, par l’intermédiaire d’un centre public de ressources et de recherche ; la mise à disposition de plates-formes pour la revitalisation des éléments menacés ; et la mise en place de plans de sauvegarde afin d’améliorer la gestion durable des ressources par les communautés). Le programme est encore en cours mais il a déjà à son actif une longue expérience productive, puisqu’il repose sur des initiatives qui remontent à 2003 et s’intéresse à une variété d’éléments du patrimoine culturel immatériel des iTaukei.

P.2 :  Le dossier explique comment le programme de cartographie culturelle a coordonné ses actions avec d’autres gouvernements (Tonga, Papouasie-Nouvelle-Guinée et Vanuatu) et avec des organisations telles que le Centre international d’information et de travail en réseau sur le patrimoine culturel immatériel dans la région Asie-Pacifique sous les auspices de l’UNESCO (ICHCAP). Un partenariat a été établi entre l’ICHCAP et l’Institut iTaukei de la Langue et de la Culture du Ministère des affaires iTaukei. Le gouvernement des Fidji et l’ICHCAP ont co-organisé une conférence et ont débattu des moyens efficaces de sauvegarder le patrimoine culturel immatériel ainsi que du modèle de cartographie culturelle, notamment de la production d’un film documentaire.

P.3 :  Il ressort du dossier que cette initiative reflète les objectifs de la Convention à plusieurs titres. Elle rejoint l’intérêt de la Convention pour les inventaires en tant que mesures essentielles pour sauvegarder le patrimoine culturel immatériel. Elle applique d’autres mesures destinées à la sauvegarde, à l’éducation, à la sensibilisation et au renforcement des capacités, avec, par exemple, la publication d’un livre sur les herbes médicinales traditionnelles iTaukei dans la langue iTaukei et un bulletin d’information trimestriel qui est distribué aux établissements d’enseignement primaire et secondaire. Ce programme contribue à la sensibilisation par la production d’un dessin animé sur les légendes traditionnelles qui ont été recueillies dans les provinces des Fidji. Sa mise en œuvre encourage la collaboration avec différents organismes publics, partenaires internationaux et autres organisations.

P.4 :  À ce jour, il apparaît que le programme a essentiellement débouché sur l’adoption de stratégies nationales officielles, importantes et efficaces, axées sur la réforme des programmes scolaires afin d’y intégrer la culture et sur l’organisation de festivals iTaukei. L’efficacité de ces mesures pour contribuer à la viabilité du patrimoine culturel immatériel n’est pas clairement démontrée. Il faudrait fournir des informations complémentaires quant aux effets concrets du programme sur les communautés, groupes et individus concernés et à l’efficacité des activités d’inventaire (l’objectif premier du programme). Il conviendrait d’éviter l’emploi des termes tels que « unique » ou « propre à une province » et de veiller à atténuer les éventuels effets négatifs d’une commercialisation excessive du patrimoine culturel immatériel (avec des festivals, par exemple).

P.5 :  Le dossier indique que le programme de cartographie culturelle et ses résultats ne pourraient exister sans la forte implication des communautés et des individus concernés. Il décrit la collecte d’informations sur le patrimoine culturel immatériel, qui passe par la recherche de collaboration, de consentement, par la narration (talanoa) et d’autres méthodes traditionnelles. Il apparaît cependant que le programme est géré par le gouvernement et le dossier n’explique pas clairement quelle est la participation de la communauté à toutes les étapes de sa planification et de sa mise en œuvre. La proposition est accompagnée de lettres qui expriment le consentement libre, préalable et éclairé au programme (mais non à la proposition au Registre des meilleures pratiques de sauvegarde) des représentants des bureaux provinciaux (RokoTui), responsables du bien-être des populations autochtones.

P.6 :  Le dossier décrit les principales caractéristiques du programme de cartographie culturelle, qui pourrait faire partie d’un modèle international ou régional : participation des communautés et démarche ascendante lors de l’identification du patrimoine culturel immatériel et des activités de sauvegarde ; inventaire passant par l’enregistrement de toutes les formes de patrimoine culturel immatériel ; et suivi de protocoles ayant une origine culturelle. Cette méthode a déjà été utilisée à l’échelle régionale (Papouasie-Nouvelle-Guinée, Îles Cook, Nauru, Tuvalu, Tonga et Polynésie française) et une trousse à outils a été élaborée.

P.7 :  Les 14 provinces des Fidji participent à cette initiative et les chefs de chaque village, les autorités provinciales et les équipes du programme de cartographie culturelle ont fait part de leur volonté de diffuser leurs connaissances et leur expérience. Les exemples fournis renvoient cependant au soutien des autorités provinciales pour la mise en œuvre des activités de cartographie et l’organisation de festivals. Il serait utile de disposer d’informations complémentaires attestant pleinement de la volonté des communautés concernées de diffuser le programme au titre de meilleure pratique de sauvegarde.

P.8 :  Le dossier décrit plusieurs processus d’évaluation permettant de mesurer les résultats du programme de cartographie culturelle (vérification des données sur le patrimoine culturel immatériel recueillies avec la participation des chefs des communautés et des informateurs ; rapports d’avancement et contrôle qualité effectués par l’Institut iTaukei de la Langue et de la Culture ; et instigation du processus de revitalisation par la communauté elle-même). L’Institut iTaukei a mis en place une Unité de revitalisation destinée à organiser des ateliers de revitalisation du patrimoine culturel immatériel menacé qui a été identifié au cours du processus de cartographie ; six initiatives de revitalisation ont permis à la communauté d’en évaluer les résultats.

P.9 :  La méthodologie du programme de cartographie culturelle répond aux besoins des pays en développement, notamment des États insulaires qui sont confrontés aux mêmes problèmes (comme la disparition des systèmes de connaissances traditionnels pour faire face aux catastrophes naturelles, la surexploitation des ressources naturelles, les menaces posées par les espèces envahissantes, le changement climatique et l’influence négative des médias sur la viabilité du patrimoine culturel immatériel). Le dossier indique que le programme est applicable aux pays en développement en raison de son faible coût, de l’accent mis sur l’adaptation et la résilience grâce aux connaissances traditionnelles, ainsi qu’au respect des valeurs culturelles et de protocoles de recueil de données acceptables par la communauté. Le programme de cartographie culturelle favorise également la coopération entre professionnels et communautés locales pour sauvegarder le patrimoine culturel immatériel. Les communautés aux structures sociales similaires de pays en développement pourraient également tirer parti de leur système administratif traditionnel pour améliorer l’inventaire de leur patrimoine culturel immatériel en adaptant cette méthodologie à leur propre situation.

  1. Décide de renvoyer la cartographie culturelle, méthodologie pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel iTaukei à l’État soumissionnaire et l’invite à resoumettre sa proposition au Comité pour examen au cours d’un prochain cycle.

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