Décision du Comité intergouvernemental : 11.COM 10.a.6

Le Comité

  1. Prend note que le Cambodge a proposé la candidature du chapei Dang Veng (no 01165) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :

Le chapei Dang Veng est une tradition musicale cambodgienne étroitement liée à la vie, aux coutumes et aux croyances de la population cambodgienne. Elle est pratiquée avec un chapei (sorte de luth souvent utilisé à l’occasion des festivals culturels) accompagné par le chant. Les paroles des chansons peuvent être éducatives avec une dimension sociale mais aussi satiriques, tout en intégrant des poèmes traditionnels, des contes populaires ou des histoires inspirées du bouddhisme. Cette tradition a plusieurs fonctions dans les communautés cambodgiennes : préservation des rituels traditionnels, transmission des connaissances et des valeurs sociales, culturelles et religieuses, exposition à la langue khmère ancienne, création d’un espace d’expression sur les questions sociales et politiques, divertissement, rapprochement des générations et renforcement de la cohésion sociale. La tradition nécessite un talent musical, de l’esprit, des qualités d’improvisation et de conteur. Si les praticiens sont souvent des hommes, aucune restriction de genre ne régit la pratique du chapei. Transmise oralement au sein des familles et dans le cadre d’une relation informelle maître-apprenti, cette forme artistique est pratiquée par un nombre de plus en plus restreint d’artistes. Peu de maîtres sont encore en vie. Le régime khmer rouge a décimé la population de détenteurs et brisé la transmission de la pratique avec des conséquences à long terme, la tradition pouvant potentiellement disparaitre.

  1. Décide que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants :

U.1 :  Le chapei Dang Veng est décrit comme un élément du patrimoine culturel immatériel de plusieurs communautés cambodgiennes. Cette tradition musicale populaire repose sur l’utilisation d’un luth (le chapei). La candidature montre que l’élément est essentiel à la vie, aux coutumes et aux croyances traditionnelles des communautés locales. Il a plusieurs fonctions sociales comme le divertissement, le renforcement de la cohésion des communautés et la transmission des connaissances et des valeurs sociales, culturelles et religieuses. Le chapei est transmis oralement au sein du cercle familial et dans le cadre d’une relation maître-apprenti ;

U.2 :  Le dossier démontre la nécessité d’une sauvegarde urgente malgré les efforts accomplis par les détenteurs et praticiens. L’élément est menacé par la réduction du nombre de maîtres, aggravée par la concentration des artistes dans les zones urbaines, le désintérêt des jeunes, la difficulté à gagner sa vie en pratiquant le chapei et le manque de recherche et de documentation, ce qui compromet la transmission de l’élément aux jeunes générations ;

U.3 :  Complétant les efforts passés, les activités proposées sont diverses. Elles incluent le recensement et la documentation, la couverture médiatique, l’éducation et la formation, l’octroi de bourses aux étudiants talentueux et l’organisation d’un festival. Les objectifs du plan de sauvegarde répondent aux menaces. Le dossier propose un délai pour chaque activité et le budget est généralement bien expliqué. Le dossier de candidature précise que les communautés concernées participeront au suivi, au rapport et à l’évaluation du projet. Leurs capacités seront développées par l’ethnomusicologie et le renforcement des compétences en matière de sauvegarde et des collaborations avec les différentes parties impliquées dans la mise en œuvre du projet. Les résultats du projet seront pérennisés au-delà de son cycle de vie par des programmes et un appui nationaux, le développement et la délivrance d’un programme d’enseignement du chapei et d’autres activités de renforcement des capacités ;

U.4 :  La candidature et le plan de projet ont été élaborés par le Ministère de la culture et des beaux-arts avec la participation des communautés locales et plusieurs institutions concernées. Le dossier a été préparé en plusieurs phases, de la conceptualisation initiale à la planification, avec des commentaires réguliers des communautés concernées. Le dossier indique qu’elles sont au cœur de la mise en œuvre et de la transmission des connaissances et de l’expertise culturelles, en fournissant des conseils, en participant à la formation, en évaluant les résultats et en prenant la tête de certaines activités ;

U.5 :  L’élément a été inscrit, en 2004, à l’Inventaire cambodgien du patrimoine culturel immatériel, géré et tenu par la Direction des Affaires culturelles et techniques du Ministère de la culture et des beaux-arts. L’inventaire est régulièrement mis à jour et actualisé tous les deux ans environ. Les communautés ont participé à la constitution de l’inventaire au moyen de questionnaires distribués aux artistes, praticiens et organisations non gouvernementales pour collecter des données.

  1. Inscrit le chapei Dang Veng sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Note également que le Cambodge a demandé une aide de 238 970 dollars des États-Unis du Fonds du patrimoine culturel immatériel pour mettre en œuvre le plan de sauvegarde du chapei Dang Veng ;
  3. Décide, en outre, sur la base des informations contenues dans le dossier, que la demande répond comme suit aux critères d’octroi de l’assistance internationale énoncés aux paragraphes 10 et 12 des Directives opérationnelles :

A.1 : Le dossier décrit comment les détenteurs de l’élément et les organisations artistiques et éducatives concernées ont participé à la préparation du plan proposé et participeront à la mise en œuvre des activités. La demande pourrait, toutefois, mieux décrire les mécanismes d’implication des communautés rurales, des maîtres et praticiens traditionnels ainsi que des organisations non gouvernementales locales à toutes les étapes d’exécution et de suivi du projet ;

A.2 : Un ensemble d’activités dont le coût semble raisonnable ont été justifiées de manière cohérente et détaillée. Le Fonds du patrimoine culturel immatériel devrait couvrir environ les deux tiers des coûts totaux, laissant à l’État le soin d’apporter une contribution importante. Un calendrier détaillé est également fourni. Généralement clair, détaillé et conforme aux activités prévues et aux résultats escomptés, le budget comporte toutefois des incohérences et certaines sommes, qui semblent excessives, doivent être ventilées. Les provisions budgétaires doivent être suffisantes pour renforcer les capacités de sauvegarde des communautés concernées pour les placer au cœur des efforts à fournir ;

A.3 :  Les activités proposées sont bien conçues, réalisables et présentées dans un flux logique. Elles visent principalement à (i) contrebalancer les risques identifiés, notamment le problème de transmission des connaissances et savoir-faire traditionnels entre les générations, et (ii) mettre en avant l’analyse et la documentation, la formation et l’éducation, reflétant la participation des organisations non gouvernementales et des représentants de certaines communautés concernées à leur élaboration. La Direction des Affaires culturelles et techniques du Ministère de la culture et des beaux-arts sera chargée de la gestion et de la mise en œuvre du projet. Un groupe de travail sera mis en place avec des membres des communautés, des organisations non gouvernementales et des représentants des ministères pour le suivi et l’évaluation en plus des évaluations périodiques externes. Il convient de veiller, toutefois, à ce que les activités ne soient pas conçues exclusivement autour des communautés urbaines et organisations artistiques mais à ce qu’elles impliquent les communautés locales, au sens large, les détenteurs traditionnels et praticiens afin de prévenir tout risque de décontextualisation de l’élément ;

A.4 : Il est prévu que la communauté concernée assure la pérennité du projet. Le volet central de la transmission (formation de professeurs) devrait produire des résultats durables. Le projet est également soutenu par le cadre législatif de l’État. Des collaborations entre les différents partenaires impliqués devraient également avoir un impact positif. Certaines activités devront toutefois être soutenues au-delà du calendrier du projet (bourses et festival). Ce projet devra également impliquer activement les communautés locales, les maîtres encore en vie et les autres détenteurs traditionnels dans la mise en œuvre des activités proposées pour en assurer la durabilité maximale ;

A.5 : L’État soumissionnaire s’est engagé à verser jusqu’à 31 % du budget du projet, les autres partenaires participant à hauteur de 7 %. La contribution de l’État couvre le temps de travail du personnel, le matériel d’enregistrement, des conseils d’experts, la préparation, la mise en page et l’impression, la traduction et la distribution des publications, les cachets des artistes, le marketing et la promotion, les coûts de diffusion, etc. ;

A.6 : L’initiative proposée implique un partage des connaissances et un renforcement des capacités des communautés concernées et des jeunes (modélisation des recherches, renforcement des réseaux, consultation d’experts, implication de partenaires). Le dossier souligne la nature collaborative du projet entre le gouvernement et les communautés concernées et précise que les mécanismes de collaboration prévus dans le projet serviront de base aux futures initiatives de sauvegarde ;

A.7 : Le Cambodge n’a encore reçu aucune assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel ;

Considération 10(a) : Le projet proposé est national et implique des partenaires locaux et nationaux ;

Considération 10(b) : Le dossier décrit plusieurs mécanismes de levier (création de modèles facilitant l’accès à l’enseignement artistique dans les écoles publiques ; renforcement des mécanismes de transmission dans les communautés, accès renforcé aux sources internationales d’appui) au niveau des partenariats proposés et du renforcement de la visibilité de l’élément.

  1. Décide d’approuver la demande d’assistance internationale du Cambodge pour mettre en œuvre le plan de sauvegarde du chapei Dang Veng et d’accorder à l’État soumissionnaire une somme de 238 970 dollars des États-Unis à cet effet ;
  2. Demande à l’État soumissionnaire de travailler avec le Secrétariat, dans les meilleurs délais, afin de clarifier la ventilation du budget et de veiller à ce qu’il corresponde exactement et convienne aux activités prévues ;
  3. Invite également l’État soumissionnaire à rendre compte de l’utilisation de l’assistance accordée au moyen du formulaire ICH-04-Rapport.

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