Décision du Comité intergouvernemental : 14.COM 10.a.5

Le Comité,

  1. Prend note que le Bélarus a proposé la candidature du rite du printemps de Juraǔski Karahod (n  01458) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :

Le rite du printemps de Juraǔski Karahod est pratiqué par les habitants du village de Pahost le jour de la Saint-Georges, saint patron du bétail et de l’agriculture pour les Bélarusses. À Pahost, cette fête donne lieu à un rite spécifique associé à diverses activités cérémonielles, chants, jeux, présages et croyances. Traditionnellement, le rituel comporte deux phases. La première phase se déroule dans la cour : les animaux sont conduits hors de l’étable pour la première fois après l’hiver, et plusieurs rituels sont accomplis afin de les protéger. La seconde phase est associée à la tradition agricole. Elle commence la veille de la fête, avec la fabrication du pain cérémoniel appelé « Karahod » et du pain noir (sacrificiel). Le lendemain, les villageois se rendent dans un champ, emportant avec eux une nappe cérémonielle, le pain et une étoile à huit branches. Les femmes qui interprètent des chants cérémoniels et les hommes qui portent le « karahod » forment une ronde et continuent à chanter. Puis un morceau de pain noir est enterré au son d’une prière adressée à Dieu pour obtenir de bonnes récoltes. Les participants rentrent ensuite au village et distribuent des morceaux du pain du rituel à tous les habitants. Les festivités se poursuivent jusqu’au soir. Malgré les efforts concertés de la communauté pour sauvegarder l’élément, sa viabilité est aujourd’hui menacée par plusieurs facteurs, parmi lesquels le vieillissement de la population de Pahost, le manque d’opportunités professionnelles dans le village, la mondialisation, la folklorisation de l’élément et la situation socio-économique de la région.

  1. Estime que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente comme suit :

U.1 : Le rite du printemps de Juraǔski Karahod a des fonctions et des significations importantes liées aux croyances religieuses de la communauté, qui forment le cœur de la vie culturelle du village de Pahost. Il apprend aux jeunes à respecter les coutumes de leurs ancêtres, et procure aux praticiens l’espoir d’un avenir prospère, un sentiment de cohésion sociale et de bénédiction religieuse. Sa pratique renforce les liens entre les individus et leur environnement, mais aussi entre les jeunes et les membres plus âgés de la communauté. La transmission se fait dans le cadre familial et par des apprentissages informels au sein même de la communauté : tout au long de l’année, les femmes âgées aident les jeunes à découvrir des rituels et à acquérir les savoir-faire créatifs associés.

U.2 : La viabilité rite du printemps de Juraǔski Karahod repose sur un seul village dont la population vieillit progressivement. Les jeunes partent s’installer en ville et perdent peu à peu leur intérêt pour les traditions en étant confrontés à la mondialisation et à la standardisation du quotidien. Ces difficultés sont directement liées à la pénurie d’emplois et d’opportunités à Pahost, mais aussi à la folklorisation croissante de l’élément, qui représente aujourd’hui l’un des principaux obstacles à sa pratique.

U.4 : Le processus de candidature et l’élaboration du plan de sauvegarde ont été menés avec la participation active de membres de la communauté de Pahost, de représentants d’organisations non gouvernementales, d’experts et de membres des institutions éducatives et culturelles, dans le cadre de réunions de consultation et d’ateliers organisés depuis 2014.

U.5 : Le rite du printemps de Juraǔski Karahod figure dans le Registre d’État des valeurs historiques et culturelles de la République du Bélarus depuis 2007. Il est également inscrit à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel, appelé Patrimoine vivant du Bélarus, depuis la création de celui-ci en 2014. Cet inventaire est régulièrement mis à jour et les processus d’inscription et de suivi sont menés à bien avec la participation des communautés.

  1. Estime en outre que, sur la base des informations fournies par l’État partie au Comité au cours de sa présente session, concernant le plan de sauvegarde, le critère d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente suivant est satisfait :

U.3 : Les mesures de sauvegardes proposées ont été élaborées en interaction étroite avec les représentants des communautés et visent à réduire au minimum les risques pour la vie de l’élément. Elles contribuent à la consolidation de la communauté locale, créent les conditions pour l’implication des jeunes dans les processus de documentation, d’inventaire et de sauvegarde de l’élément, et contribuent à la protection des droits humains et intellectuels des détenteurs du patrimoine culturel immatériel. L’inclusion dans le plan de sauvegarde de l’élément dans la stratégie régionale de développement durable devrait garantir sa pratique continue ainsi que l’efficacité et la durabilité des mesures prises.  

  1. Décide d’inscrire le rite du printemps de Juraǔski Karahod sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Prie l’État partie de soumettre, pour les quatre années suivant l’inscription, des rapports biennaux sur les résultats des mesures prises pour garantir la sauvegarde de l’élément et invite l’État partie à porter une attention particulière sur les impacts du tourisme sur la sauvegarde de l’élément afin d’empêcher sa décontextualisation et sa folklorisation et l’encourage à atténuer tout impact négatif lié au tourisme ;
  3. Prend note en outre que le Bélarus a demandé une assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel, d’un montant de 87 761 dollars des États-Unis, pour mettre en œuvre le plan de sauvegarde du rite du printemps de Juraǔski Karahod :

Mis en œuvre par le Centre du patrimoine culturel immatériel de l’Université bélarusse de la culture et des arts, ce projet proposé sur 24 mois poursuit trois principaux objectifs. Le premier est d’entreprendre des recherches dans la zone de diffusion historique du rite de Juraǔski Karahod et d’élaborer une stratégie efficace pour sa revitalisation, sa pratique et sa transmission. Le deuxième objectif consiste à renforcer la visibilité de l’élément et à diffuser des informations le concernant dans les médias, dans des publications et sur un site Internet, ainsi qu’à l’occasion d’un festival du patrimoine culturel immatériel organisé tous les deux ans à Pahost. Enfin, le projet vise à consolider la communauté et les détenteurs en créant un centre des traditions locales et en organisant une série d’ateliers de renforcement des capacités pour les habitants du village. Ce projet sera mis en œuvre avec la collaboration d’experts nationaux et locaux et de membres de la communauté locale. Il entend sensibiliser la population à l’élément et soutenir les initiatives locales en contribuant à la consolidation de la communauté autour de leur patrimoine vivant et en encourageant les jeunes à le respecter.

  1. Estime également que, d’après les informations contenues dans le dossier, la demande satisfait aux critères d’octroi de l’assistance internationale énoncés aux paragraphes 10 et 12 des Directives opérationnelles comme suit :

A.1 : Le projet a été élaboré par la communauté et reflète les besoins et les attentes qu’elle a identifiés. Plus précisément, les membres de la communauté ont activement participé à l’identification et à l’inventaire des éléments du patrimoine culturel immatériel au cours d’ateliers et de réunions. Des partenaires représentant des organisations non gouvernementales, des institutions éducatives et culturelles locales et des centres d’expertise ont également participé au projet.

A.2 : Le montant de l’assistance internationale demandée est adapté. L’État partie contribue au budget à hauteur de 4 %, et 10 % proviennent d’autres sources nationales. Suffisamment détaillés et clairement présentés, le budget et le calendrier rendent bien compte des activités proposées.

A.3 : Les activités proposées sont générales et ne portent pas uniquement sur le rite du printemps de Juraǔski Karahod. Les mesures de sauvegarde ne répondent pas à des menaces précises et risquent même d’altérer les fonctions sociales et culturelles de l’élément. En effet, la création de festivals et le développement des activités touristiques pourraient aggraver les phénomènes de décontextualisation et de folklorisation. Cet enjeu est d’autant plus problématique qu’il n’existe pas d’outil de suivi permettant d’évaluer les impacts du projet.

A.4 : L’absence de mesures spécifiques et la nature générale du projet ne permettent pas de déterminer s’il aura des résultats durables. Le manque d’implication des jeunes et la participation envisagée des touristes pourraient même avoir des répercussions négatives à moyen et long terme. En outre, le dossier ne donne pas d’informations claires sur la manière dont l’État partie poursuivra un grand nombre des activités proposées une fois le projet terminé.

A.5 : L’État partie participe au financement du projet, comme cela est clairement indiqué dans le budget. Si l’on ajoute la contribution des autorités locales et d’autres partenaires, la part couverte par les acteurs nationaux représente 14 % du budget. L’État partie fournira également une contribution en nature : la coordination et le soutien logistique seront assurés par le Centre des traditions locales et le Département de la culture, des affaires publiques et de la jeunesse du district de Žytkaviči.

A.6 : Le projet impliquera des experts des institutions éducatives et culturelles pertinentes, ainsi que des partenaires d’organisations non gouvernementales actives dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel qui participeront à l’élaboration et à la mise en œuvre des programmes de renforcement des capacités. Cinq ateliers sont prévus pour encourager les jeunes à identifier les éléments de leur patrimoine et à en dresser l’inventaire. Des ressources électroniques pertinentes sur la culture locale seront mises à disposition, et des mesures seront prises pour créer et entretenir un réseau de partenaires participant à la sauvegarde du patrimoine de Pahost. Le projet mettra également en place une série de formations et d’ateliers à l’intention des habitants de la région et des jeunes sur les thèmes suivants : sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, gestion collective du droit d’auteur dans le domaine du patrimoine culturel immatériel, développement de petites entreprises, gestion de projet et levée de fonds.

A.7 : L’État partie a bénéficié d’une assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel, pour un projet intitulé « Établissement de l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel au Belarus » (2011–2013, 133 600 dollars des États-Unis). Ce projet a été mené avec succès et conformément aux réglementations de l’UNESCO.

10(a) : Le projet a une portée locale et implique des partenaires de mise en œuvre locaux et nationaux.

10(b) : L’intérêt de la communauté scientifique et des médias de la région de Turaŭ, ainsi que les projets destinés aux jeunes, pourraient apporter plus de soutien financier et technique pour le développement de la culture et des activités régionales. La réussite du projet pourrait susciter l’intérêt du public pour le patrimoine culturel immatériel de toute la Polésie, et encourager des contributions supplémentaires.

  1. Décide en outre d’approuver la demande d’assistance internationale de l’État partie ;
  2. Rappelle à l’État partie de porter une attention particulière aux impacts du tourisme non durable sur la sauvegarde de l’élément du patrimoine culturel immatériel afin d’empêcher sa décontextualisation et sa folklorisation. À cet égard, encourage l’État partie à élaborer avec la communauté locale, un code éthique pour établir des règles d’accès à l’élément du patrimoine culturel immatériel et s’assurer du respect des restrictions d’accès adoptées par la communauté. Il permet également de réduire au minimum les risques associés aux activités de sensibilisation et de tourisme, ainsi que de protéger les porteurs du patrimoine culturel immatériel du détournement de leurs connaissances et compétences et de l’exploitation du paysage culturel et naturel environnant.

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