Décision du Comité intergouvernemental : 14.COM 10.a.3

Le Comité,

  1. Prend note que Maurice a proposé la candidature du séga tambour des Chagos (n  01490) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :

Originaire de l’archipel des Chagos, le séga tambour des Chagos est l’un des types de musique séga de l’île Maurice. Comme les autres formes de musique séga, il est né de l’esclavage et chanté en créole chagossien, le dialecte propre à l’archipel. Il s’agit d’un mélange de musiques, de danses et de chants doux, énergiques et rythmés. L’élément central est le tambour, grand instrument rond chauffé puis frappé pour produire des battements lancinants qui forment la base rythmique. Les paroles, souvent écrites de manière spontanée, relatent des expériences quotidiennes. Les chansons parlent notamment de tristesse, de bonheur et de rébellion. Le séga tambour des Chagos est également accompagné de plats et de boissons traditionnels. Les morceaux composés aujourd’hui évoquent la nostalgie du passé et le mal du pays, ils s’appuient sur l’expérience douloureuse de l’exil, pour que les jeunes n’oublient pas leurs racines et restent fiers. Toutefois, malgré les efforts de sauvegarde, plusieurs facteurs menacent la viabilité de cet élément. Par exemple, si les anciennes générations pratiquent encore l’élément sous sa forme traditionnelle, les jeunes se tournent peu à peu vers d’autres types de musique. L’une des principales menaces est la disparition des aînés qui connaissent les paysages associés à la pratique de l’élément. Par ailleurs, en raison de leur exil vers de nouveaux territoires, les individus concernés sont confrontés à des défis, parmi lesquels la pauvreté et l’absence de cohésion communautaire. Cela a entraîné une perte de mémoire et un désintérêt vis-à-vis de la pratique de l’élément.

  1. Estime que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente comme suit :

U.1 : Le séga tambour des Chagos joue un rôle crucial dans la vie des Chagossiens : il contribue à la cohésion sociale du groupe, préserve l’identité, suscite la confiance en soi et la fierté. Il procure également un sentiment de solidarité sociale, d’unité et d’appartenance à un même peuple, et est associé à une patrie imaginaire d’une diaspora qui ne cesse de s’amplifier. La pratique est un outil puissant de mémorisation servant de marqueur de l’unité nationale, des communautés et des groupes. C’est aussi un moyen de communication au sein des communautés, y compris entre les communautés des différentes îles. Il contribue au développement d’un sentiment d’identité et de continuité, et constitue un moyen d’expression pour tous les Chagossiens. L’élément mêle des musiques et des danses créatives, imaginatives, dynamiques et entraînantes qui s’inspirent des expériences de la communauté et de son mode de vie.

U.2 : Les Chagossiens étant de plus en plus nombreux à devoir quitter leurs îles d’origine, la viabilité de l’élément a été menacée à maintes reprises. En dehors de leur environnement familier, les Chagossiens sont confrontés à la pauvreté, à la marginalisation et à l’absence de cohésion de leur communauté. Cela a donné lieu à un abandon progressif de la pratique de l’élément – en particulier au sein des jeunes générations nées en exil, qui connaissent mal leur terre d’origine – mais aussi au détournement des paroles par des non-Chagossiens. La plupart des praticiens compétents et capables de comprendre le sens profond et les valeurs de l’élément – y compris son contexte social et géographique originels – sont aujourd’hui âgés et diminués physiquement. La transmission d’une génération à l’autre est donc encore plus difficile. À l’heure actuelle, l’élément est uniquement pratiqué lors d’événements tels que le Festival International Kreol et la Journée des Chagos, et seul un groupe se produit régulièrement dans l’archipel.

U.4 : La communauté, les détenteurs, les organisations non gouvernementales, et les chercheurs ont participé au processus de candidature. Celui-ci a démarré en 2010, avec l’inscription de l’élément à l’inventaire national, et s’est poursuivi en 2015 par une réflexion majeure sur l’état de la sauvegarde du séga tambour des Chagos. En 2017 plusieurs ateliers ont été organisés avec la communauté, et, face aux préoccupations exprimées quant à l’état de l’élément, il a été décidé de déposer une candidature en vue de son inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente.

U.5 : Le séga tambour des Chagos a été inscrit à l’Inventaire national de la République de Maurice en 2012, à l’issue d’un processus de deux ans auquel des représentants de tous âges, hommes et femmes, ont activement participé. Cet inventaire national est régulièrement mis à jour, à chaque fois que la situation l’exige et au moins une fois par an. La dernière mise à jour concernant le séga tambour des Chagos date de janvier 2018.

  1. Estime en outre, d’après les informations fournies par l’État partie au Comité à cette présente session, concernant le plan de sauvegarde, que le critère suivant d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente est satisfait :

U.3 :  Initialement, l’État partie a mis l’accent sur la promotion de l’élément, en particulier par le biais de spectacles, car l’élément n’est pratiqué que par la communauté chagossienne. Cependant, l’État partie a atteint, entre autre, les objectifs suivants du plan de sauvegarde pour en assurer la viabilité : la création d’un plus grand nombre de groupes chagossiens pour interpréter le séga tambour des Chagos ; un plus grand nombre de membres de la communauté chagossienne qui rejoignent le groupe existant ; d’autres individus et groupes qui pratiquent l’élément, une fois que l’élément est sauvegardé au sein de la communauté chagossienne ; la mise en avant de l’élément par la communauté chagossienne pour une meilleure visibilité aux niveaux national et international ; et l’autonomisation des ainés pour la transmission de l’élément aux jeunes générations pour la postérité. Malgré de grands défis identifiés, les familles chagossiennes ont jusqu’à présent assuré la transmission à leurs enfants de leurs techniques, connaissances, et de la pratique. La communauté chagossienne n’a pas seulement été l’initiatrice du processus de candidature, mais a été aussi activement impliquée dans la préparation du dossier, et est clairement engagée dans la mise en œuvre des mesures de sauvegarde.

  1. Décide d’inscrire le séga tambour des Chagos sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Demande à l’État partie de soumettre, lors des quatre années suivant l’inscription, des rapports biennaux sur les résultats des mesures prises pour assurer la sauvegarde de l’élément et invite l’État partie à s’assurer que la participation de la communauté est soulignée et clairement décrite dans les rapports biennaux.

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