Décision du Comité intergouvernemental : 4.COM 14.05

Le Comité,

  1. Prend note du fait que la France a proposé le Cantu in paghjella profane et liturgique de Corse de tradition orale pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente, décrit ainsi :

La paghjella est une tradition de chants corses interprétés par les hommes. Elle associe trois registres vocaux qui interviennent toujours dans le même ordre : l’a segonda, qui commence, donne le ton et chante la mélodie principale ; l’u bassu, qui suit, l’accompagne et le soutient ; et enfin l’a terza, qui a la voix la plus haute, enrichit le chant. La paghjella fait un large usage de l’écho et se chante a capella dans diverses langues parmi lesquelles le corse, le sarde, le latin et le grec. Tradition orale à la fois profane et liturgique, elle est chantée en différentes occasions festives, sociales et religieuses : au bar ou sur la place du village, lors des messes ou des processions et lors des foires agricoles. Le principal mode de transmission est oral, principalement par l’observation et l’écoute, l’imitation et l’immersion, d’abord lors des offices liturgiques quotidiens auxquels assistent les jeunes garçons, puis à l’adolescence au sein de la chorale paroissiale locale. Malgré les efforts des praticiens pour réactiver le répertoire, la paghjella a progressivement perdu de sa vitalité du fait du déclin brutal de la transmission intergénérationnelle due à l’émigration des jeunes et de l’appauvrissement du répertoire qui en a résulté. Si aucune mesure n’est prise, la paghjella cessera d’exister sous sa forme actuelle, survivant uniquement comme produit touristique dépourvu des liens avec la communauté qui lui donnent son sens véritable.

  1. Décide que, d’après les informations fournies dans le dossier de candidature 00315, le Cantu in paghjella profane et liturgique de Corse de tradition orale satisfait aux critères d’inscription sur la Liste de sauvegarde urgente, comme il est indiqué ci-après :

U.1 : Emblème de l’identité corse profondément enraciné dans la culture agropastorale, le Cantu in paghjella est essentiel à la transmission des connaissances culturelles locales et fait partie intégrante du tissu social des communautés ;

U.2 : Tout en conservant son caractère de tradition orale et de pratique musicale, et en dépit de la persistance des modes traditionnels de transmission, le Cantu in paghjella est menacé par les modifications du contexte de son exécution et de sa transmission orale, par la standardisation musicale et l’appauvrissement de son répertoire consécutif à sa commercialisation et à sa popularisation, ainsi que par la demande constante de nouveauté de l’industrie du tourisme ;

U.3 : Un plan de sauvegarde urgente a été élaboré ; il insiste sur la priorité de la transmission, ainsi que sur les activités de recherche, protection, promotion et sensibilisation, témoignant d’une volonté d’une intervention intégrée dans l’intérêt de la viabilité du Cantu in paghjella ;

U.4 : L’élément a été proposé pour inscription grâce à la mobilisation active et à la large participation de la communauté des praticiens, de fonctionnaires locaux et de la société civile à l’élaboration du dossier de candidature, en se fondant sur les connaissances de plusieurs familles de chanteurs et en sensibilisant les médias locaux ; de nombreux praticiens ont fourni la preuve de leur consentement libre, préalable et éclairé ;

U.5 : Le Cantu in paghjella est inscrit à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel présent sur le territoire de la France, tenu et mis à jour par la Direction de l’architecture et du patrimoine du ministère de la Culture.

  1. Inscrit le Cantu in paghjella profane et liturgique de Corse de tradition orale sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Prend également note du grand attachement de la population corse au Cantu in paghjella et de l’importance qu’elle accorde à ses pratiques coutumières telles que l’apprentissage par imitation et absorption, ainsi qu’au rôle de l’improvisation ;
  3. Rappelle le rôle du public, ainsi que celui des chanteurs, en tant que caractéristique fondamentale de l’espace musical de communication du Cantu in paghjella qui est également menacé de disparition ;
  4. Recommande à l’État partie d’élaborer des mesures de sauvegarde sur place, dans les communes et parmi les chanteurs et les groupes, en accordant une attention particulière, dans la mesure du possible, à la revitalisation des contextes traditionnels de pratique et en évitant les processus susceptibles de dénaturer la signification sociale et la fonction du Cantu in paghjella ou de recréer artificiellement des situations vivantes qui ont maintenant disparu ;
  5. Encourage l’État partie à poursuivre la collaboration entre chercheurs, chanteurs et amateurs du chant qui cherchent à revitaliser les occasions traditionnelles de le pratiquer, comme les foires, les rites religieux et les réunions locales, afin de garantir un accès plus large à l’élément.

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