Décision du Comité intergouvernemental : 16.COM 8.a.6

Le Comité

  1. Prend note que le Timor-Leste a proposé la candidature du tais, tissu traditionnel (n  01688) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente : Le tais, tissu traditionnel tissé à la main au Timor-Leste, joue un rôle important dans la vie des Timorais. Il est utilisé non seulement comme élément de décoration, mais aussi pour confectionner des vêtements traditionnels masculins et féminins aux styles spécifiques. Le tais sert aussi à souhaiter la bienvenue aux nouveau-nés ainsi qu’à accompagner les cérémonies et festivals traditionnels. Le tais est également un moyen d’afficher son identité culturelle et sa classe sociale, car les couleurs et les motifs utilisés varient d’un groupe à l’autre. Enfin, il est utilisé comme objet de valeur, par exemple pour les dots ou pour renforcer les liens entre les familles. Fabriqué en coton teint naturellement à partir de plantes, le tais est traditionnellement tissé à la main à l’aide d’outils simples. Toutefois, la fabrication est un processus relativement long et complexe, qui comprend la préparation et la teinture du coton ainsi que le tissage du tissu. Bien que les hommes participent au processus en cueillant les plantes servant à teindre le coton et en construisant le matériel, le tais est majoritairement produit par les femmes, qui sont également chargées de transmettre leurs savoirs et leur savoir-faire aux générations suivantes. Cette pratique est menacée par plusieurs facteurs, notamment l’attirance des jeunes générations pour les vêtements modernes, le remplacement des matériaux locaux et artisanaux par des alternatives industrielles, l’insuffisance des revenus et la diminution constante du nombre de tisserandes.
  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :
U.1 : Ce tissu traditionnel est fabriqué à partir de coton et de teintures végétales. Sa production demande beaucoup de temps et nécessite l’utilisation d’outils simples. Cette pratique est principalement réservée aux femmes, bien que les hommes participent à la cueillette des plantes tinctoriales et à la fabrication du matériel. Les connaissances et le savoir-faire sont principalement transmis de mère en fille, les enfants imitant leur mère. La transmission se fait également au sein de groupes de tisserandes. L’élément revêt des fonctions socioculturelles importantes lors des cérémonies traditionnelles, comme le mariage et les funérailles, et il est utilisé comme dot ou comme amende lorsqu’une personne enfreint les règles de la communauté. Il permet également de distinguer les différentes classes sociales et les groupes ethniques au sein des communautés. L’élément est compatible avec le développement durable et n’est pas contraire aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme.
U.2 : Le dossier explique de manière détaillée que l’élément nécessite une sauvegarde urgente pour les raisons suivantes : (a) la diminution du nombre de tisserandes ; (b) l’attirance des jeunes générations pour les habits modernes ; (c) source de revenus relativement basse pour les tisserandes ; (d) le remplacement du coton local par du coton industriel et des colorants naturels par des colorants chimiques ; (e) l’absence de système formel de reconnaissance des motifs traditionnels de groupes ethniques ou de familles spécifiques ; et (f) un manque de communication collective entre les femmes pratiquant l’élément.
U.3 : Le plan de sauvegarde élaboré répond aux menaces qui pèsent sur l’élément et permettra d’assurer la pérennité de sa pratique et de sa transmission. Six objectifs de sauvegarde ont été identifiés, notamment la promotion, la sensibilisation, la recherche, la commercialisation, la formation et la documentation. Les activités proposées sont cohérentes par rapport aux objectifs et seront mises en œuvre par le Comité national du patrimoine culturel immatériel, ainsi que par d’autres institutions gouvernementales, des organisations non gouvernementales nationales et des agences internationales.
U.4 : Les communautés ont collaboré avec l’État et d’autres entités dans les consultations autour du dossier et sa préparation. Elles seront également impliquées dans la mise en œuvre du plan de sauvegarde, où elles seront notamment responsables des tâches de sensibilisation et de renforcement des capacités. Le dossier justifie également du consentement libre, préalable et éclairé. Peu de tais sont associés à des pratiques coutumières qui en limitent l’accès. Ceux dont l’accès est limité sont les tais sacrés. Ils sont conservés dans des lieux sacrés et utilisés pour des rituels et des cérémonies. Ces pratiques coutumières seront respectées tout au long de l’inscription et de la mise en œuvre du plan de sauvegarde.
U.5 : L’élément est inscrit dans l’inventaire du patrimoine culturel immatériel depuis 2013 qui est géré par le Secrétariat d’État pour les arts et la culture. Le tais a été identifié et inclus dans l’inventaire des municipalités avec la participation des tisserandes, des chefs des communautés et des bureaux municipaux comme points focaux. L’inventaire est mis à jour annuellement après réalisation d’une enquête.
  1. Décide d’inscrire le tais, tissu traditionnel sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Félicite l’État partie pour sa première inscription ;
  3. Rappelle à l’État partie de surveiller et d’atténuer toute conséquence involontaire découlant du tourisme et de la commercialisation excessives ;
  4. Prend note en outre que le Timor-Leste a demandé une assistance internationale au Fonds du patrimoine culturel immatériel d’un montant de 265 895 dollars des États-Unis pour la mise en œuvre du plan de sauvegarde du tais, tissu traditionnel : Ce projet de trois ans sera mis en œuvre par la Commission nationale du Timor-Leste pour l’UNESCO. Les activités comprennent la promotion de ce tissu traditionnel tissé à la main dans des foires, la création d’un programme télévisé et l’intégration d’éléments culturels du Timor-Leste, dont le tais, aux programmes scolaires. En termes de recherche, le projet prévoit de recruter un expert pour mener des recherches sur le terrain, documenter et photographier les matières premières utilisées et les produits en tais dans les communautés et sur les marchés locaux. Les résultats de cette recherche seront publiés en trois langues et utilisés pour mettre en place une exposition permanente, qui comprendra également des démonstrations en direct par des tisserandes. Les enseignants recevront ensuite une formation sur le contenu de l’exposition et seront encouragés à la visiter avec leurs élèves dans le cadre des activités extrascolaires de leur école. Le projet prévoit aussi la création d’un concours de tissage de tais pour les jeunes, des formations à la création du coton et à la teinture naturelle, et une aide à la gestion et à la subsistance des tisserandes par le renforcement de leurs capacités et un système officiel de certification. Le projet devrait donc sensibiliser le grand public au tais, motiver les jeunes à s’y intéresser et à apprendre les techniques de tissage, augmenter les opportunités de revenus pour les tisserandes, susciter l’intérêt des touristes pour le tais comme élément faisant partie de la culture du Timor-Leste, et renforcer les réseaux de tisserandes.
  1. Considère en outre que, d’après les informations contenues dans le dossier, la demande satisfait comme suit aux critères d’octroi de l’assistance internationale énoncés aux paragraphes 10 et 12 des Directives opérationnelles :
A.1 : Le dossier de candidature présente la façon dont les chefs des communautés et les tisserandes ont participé à la préparation de la demande ainsi que les modes d’implication des communautés, groupes et individus concernés à la mise en œuvre des activités proposées. Les tisserandes participeront également à la mise en œuvre des activités, telles que la sensibilisation, la transmission, la commercialisation et la mise en réseau. Les communautés suivront la mise en œuvre en assistant aux réunions pour fournir des mises à jour et des suggestions sur les activités et leurs effets.
A.2 : Le montant demandé est jugé approprié pour la mise en œuvre des activités proposées, puisque le projet se déroule sur une période de trente-six mois. Les activités et les allocations budgétaires correspondantes sont clairement énoncées et précisent le montant demandé par activité. Les activités proposées sont complémentaires les unes des autres.
A.3 : Les activités proposées sont complètes et comprennent des initiatives de sensibilisation, des programmes éducatifs, des missions de recherche, des mesures de transmission, des concours de tissage pour les jeunes et des formations pour les tisserandes sur le commerce et la diversification des produits connexes. Les activités sont réalisables et font explicitement partie d’un plan intégré. Certaines activités visent également le secteur du tourisme, comme l’exposition de tais à l’aéroport et l’élaboration de brochures.
A.4 : Les résultats à long terme du projet passent par le renforcement des capacités du réseau de tisserandes, la formation des tisserandes sur la façon de fabriquer divers produits dérivés de l’élément et l’intégration du tais dans les programmes scolaires. Parmi les activités proposées, le système de certification des tais pourrait également avoir un impact significatif et constituer un système durable pour garantir la qualité de la production et un revenu équitable pour les tisserands.
A.5 : L’État a alloué de manière satisfaisante des fonds provenant de ses propres ressources et a collaboré avec d’autres entités pour obtenir des financements pour certaines composantes du projet proposé. L’État contribuera à hauteur de 139 790 dollars des États-Unis, soit près d’un tiers du budget total du projet. Il convient de souligner particulièrement la proposition de financement par l’État d’une foire du tais pour un coût total de 68 190 dollars des États-Unis. Les autres donateurs contribueront à hauteur de 46 896 dollars des États-Unis, soit environ 10 pour cent du budget total du projet.
A.6 : Le projet renforcera la capacité des réseaux de tisserandes et des bénéficiaires de la formation à fabriquer divers produits à partir de l’élément. Certaines des activités contribueront également à améliorer leurs compétences commerciales afin de maintenir leurs modes de subsistance et d’accroître leur compréhension des produits chimiques. La diversification peut permettre d’élargir la production de l’élément en lui-même, tandis que l’exposition peut contribuer à la sensibilisation générale. Les compétences en matière de gestion de projet des membres du Comité national du patrimoine culturel immatériel seront améliorées, y compris leurs capacités de planification, de mise en œuvre et de suivi du projet.
A.7 : Le Timor-Leste n’a pas encore reçu d’aide financière de l’UNESCO au titre du Fonds du patrimoine culturel immatériel de la Convention de 2003 pour mettre en œuvre des activités similaires ou connexes dans le domaine du patrimoine culturel immatériel.

Paragraphe 10(a) : Le projet proposé a une portée nationale et sa mise en œuvre implique un Comité national du patrimoine culturel immatériel ainsi que d’autres agences gouvernementales, organisations non gouvernementales nationales et agences internationales. Les organisations non gouvernementales apporteront un soutien financier et en nature au projet. Le dossier mentionne également le recrutement d’un chercheur pour collecter des données et mener des enquêtes pendant la phase de recherche.

Paragraphe 10(b) : L’État propose d’investir dans la mise en œuvre de ce plan et semble impliquer plusieurs agences gouvernementales, dont le Ministère du tourisme, des arts et de la culture, ainsi qu’un financement provenant d’une autre source non nommée. Les tisserandes et les détaillants potentiels de l’élément peuvent également recevoir une contribution financière. Leurs capacités seront renforcées par le projet, qui devrait offrir d’autres opportunités au cours de sa mise en œuvre. La reconnaissance internationale du tais peut également déboucher sur d’éventuelles contributions techniques et financières supplémentaires. 
  1. Décide d’approuver la demande d’assistance internationale du Timor-Leste pour la mise en œuvre du plan de sauvegarde du tais, tissu traditionnel et accorde à l’État partie un montant de 265 895 dollars des États-Unis à cette fin ;
  2. Encourage l’État partie à prendre des mesures pour réduire tout risque de commercialisation excessive ;
  3. Invite l’État partie à utiliser le formulaire ICH-04-Rapport pour rendre compte de l’utilisation de l’assistance accordée.

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