Le Ministère estonien de la Culture a désigné le Centre de culture populaire (CCP) principal organe en charge de la mise en œuvre de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Au sein du CCP, un Département du patrimoine culturel immatériel (doté de deux postes) est responsable, entre autres, de l’élaboration et de la mise en œuvre de la politique culturelle avec l’organisation de cours de formation et l’administration de douze programmes de soutien au patrimoine culturel immatériel, dont sept programmes destinés à des régions culturelles spécifiques. En 2009, le Conseil estonien du patrimoine culturel immatériel, composé de 20 experts, a été établi en tant que conseil consultatif auprès du Ministère. Le CCP dispose d’un réseau de 15 spécialistes de la culture populaire (un dans chaque comté du pays). En février 2014, les « Principes directeurs de la politique culturelle estonienne jusqu’en 2020 » ont été adoptés par le Parlement national. Ces principes rassemblent des idées générales et des orientations basées sur des débats organisés sur le terrain qui ont permis de définir pour chaque domaine de la culture, y compris le patrimoine culturel immatériel, des objectifs et des priorités spécifiques.
Comme évoqué ci-dessus, le CCP organise des cours de formation à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. En outre, divers cours de niveau universitaire sont également dispensés (dans des matières telles que l’anthropologie, la gestion culturelle, l’ethnologie et le folklore, le patrimoine culturel et la conservation, les sciences de l’agronomie, la gestion forestière et la musique traditionnelle). Des cours d’enseignement supérieur dans les domaines de la technologie et de la conception artisanale, de la musique traditionnelle, de l’art de la danse, des études théâtrales, de la gestion culturelle, des textiles traditionnels, de la construction traditionnelle et de la ferronnerie traditionnelle sont également dispensés à l’Académie culturelle de Viljandi et à l’Université de Tallinn.
La documentation du patrimoine culturel immatériel est conservée par le Musée national estonien (la principale institution ethnographique du pays). D’autres organes nationaux abritent la documentation consacrée au patrimoine culturel immatériel, tels que le Musée littéraire estonien, le Musée estonien en plein air, la Radiotélévision publique estonienne et la Bibliothèque nationale d’Estonie. Toutes les institutions de recherche et de conservation financées par l’état ainsi que leurs collections et archives sont accessibles au public. La numérisation des collections est bien avancée et elle permet de rendre les documents consultables par Internet. Les instituts locaux des différentes régions partagent les résultats des études avec les communautés concernées dans des publications et sur des sites web ainsi que par interaction directe avec les responsables des communautés et d’autres personnes intéressées.
L’Inventaire estonien du patrimoine culturel immatériel est administré par le Centre de culture populaire (CCP) d’Estonie. Le travail a débuté en 2007 en étroite collaboration avec des chercheurs de l’Université de Tartu, du Musée national estonien et du Musée littéraire estonien. En 2010, la version en ligne de l’inventaire (www.rahvakultuur.ee/vkpnimistu) a été mise à disposition du public. Il s’agit d’un nouvel inventaire dont les ressources ne sont pas les bases de données existantes, et ce, afin d’être certain que cet inventaire se consacre bien au patrimoine culturel immatériel en tant que patrimoine vivant et est ainsi conforme à la Convention de 2003. La structure de l’inventaire est double. D’une part, on y accède par quatre types d’entrée : les éléments du patrimoine culturel immatériel ; les praticiens individuels ; les organisations associées à l’élément ; et les lieux ou régions qui sont importants pour cet élément. D’autre part, les entrées sont également organisées selon les domaines du patrimoine culturel immatériel.
Le principal critère d’inclusion est la volonté de la communauté d’inclure un élément particulier. Les autres critères sont que l’élément réponde à la définition du patrimoine culturel immatériel ; qu’il soit un élément du patrimoine vivant important aujourd’hui pour sa communauté ; et qu’il soit transmis de génération en génération. En ce qui concerne la viabilité, chaque entrée doit présenter des informations sur la durabilité de l’élément, y compris ses modes de transmission, les menaces auxquelles il est confronté (le cas échéant), les mesures de sauvegarde et leur impact. Les communautés peuvent partager leurs bonnes pratiques de sauvegarde. La réalisation de l’inventaire est une procédure ascendante et ce sont les communautés elles-mêmes qui compilent les données pour les entrées de l’inventaire et qui décident de l’inclusion de leur patrimoine culturel immatériel, de quels éléments et de la façon dont elles souhaitent les présenter. Cela garantit le respect des pratiques coutumières régissant l’accès aux éléments du patrimoine culturel immatériel. Les organisations non gouvernementales communautaires concernées participent également à l’identification et la définition du patrimoine culturel immatériel. Toutes les entrées seront mises à jour tous les cinq ans par ceux qui les ont incluses.
Le patrimoine culturel immatériel est une des composantes de plusieurs programmes de planification, tant au niveau national que local, et des « Principes directeurs de la politique culturelle jusqu’en 2020 ». Le document exige de l’État un soutien aux initiatives des communautés, des organisations communautaires et des organismes qui les chapeautent, et aux événements qui participent de la transmission et de la promotion du patrimoine culturel immatériel. Le patrimoine culturel immatériel et la culture régionale sont également envisagés comme les fondements des industries culturelles associées. S’agissant du développement, certains programmes de planification au niveau national intègre la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel comme par exemple le Plan de développement rural de l’Estonie et la Stratégie nationale de développement durable (« Estonie durable 21 »). Le Plan de développement du Ministère de la Culture souligne la nécessité de sauvegarder le patrimoine culturel immatériel et, plus précisément, d’assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel des différentes régions culturelles. Il existe un Plan de développement distinct pour la langue estonienne et ses variations régionales considérées comme des vecteurs du patrimoine culturel immatériel. Ce plan est destiné à assurer l’utilisation permanente du PCI dans tous les aspects de la vie, sa sauvegarde et la recherche. Plusieurs organisations non gouvernementales fédératrices opérant au niveau national dans les différents domaines du patrimoine culturel immatériel ont leur propre programme de développement du patrimoine culturel immatériel. Il en va de même pour plusieurs autorités locales et communautés villageoises.
Les prix et récompenses sont un outil important pour accroitre la reconnaissance et le respect pour le patrimoine culturel immatériel (p. ex. le Prix annuel des gardiens du patrimoine décerné par l’Union des arts et de l’artisanat populaires d’Estonie et le CCP). Le CCP accorde également tous les ans des bourses à des personnes ou des organisations qui jouent un rôle majeur dans l’enseignement, la transmission ou la promotion de la culture traditionnelle. Des représentants d’environ 180 groupes ethniques vivent en Estonie, ils forment fréquemment des sociétés et des associations culturelles nationales qui présentent leur patrimoine culturel immatériel dans le cadre de festivals et d’événements.
L’identité culturelle est considérée comme un sujet à aborder à tous les niveaux de l’éducation, permettant ainsi aux élèves d’en savoir plus sur le patrimoine culturel immatériel. Les élèves sont encouragés à se représenter comme les détenteurs et les transmetteurs de la culture. L’accent est souvent mis sur l’environnement culturel local, en apprenant et en participant, par exemple, aux coutumes et pratiques locales (p. ex. des recettes régionales sont utilisées pour des cours de cuisine) en coopération avec les détenteurs. Dans de nombreuses communautés, les membres les plus actifs ont créé des organisations non gouvernementales qui dispensent des cours afin de transmettre et d’élargir les connaissances et de sauvegarder leur patrimoine culturel immatériel (p. ex. les compétences liées à la fabrication traditionnelle de bateaux, l’artisanat, l’apiculture, la musique, etc.).
La coopération bilatérale, sous-régionale, régionale et internationale se concrétise par une étroite coopération régionale avec les pays voisins de l’Estonie, à savoir la Lettonie et la Lituanie, fondée sur des caractéristiques historiques et culturelles communes. En 2010, l’Estonie a accueilli un atelier UNESCO de renforcement des capacités consacré à la Convention et destiné aux organisations non gouvernementales et à leurs homologues gouvernementaux. L’Estonie a également participé à plusieurs rencontres d’experts organisées afin d’échanger des informations et des expériences pratiques sur la mise en œuvre nationale de la Convention, et elle a partagé son expérience dans différentes régions du monde (p. ex. en Érythrée, Afrique du Sud, République de Corée, aux Émirats arabes unis, en Hongrie, Allemagne, aux Pays-Bas, en Croatie, Belgique, Roumanie, République tchèque, Lettonie et Lituanie).
L’Estonie a trois éléments inscrits sur la Liste représentative : l’espace culturel de Kihnu (incorporé en 2008 après avoir été proclamé chef d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité en 2003) ; les célébrations des chants et danses baltes (incorporées en 2008 sur une base multinationale avec la Lettonie et la Lituanie, après avoir également été proclamées chef d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité en 2003) ; et le Leelo seto, tradition chorale polyphonique seto (inscrit en 2009). Les actions de sauvegarde entreprises en faveur de l’espace culturel de Kinhu servent de modèle pour les autres communautés et la communauté de Kinhu coopère également avec d’autres communautés d’Estonie (p. ex. les Seto) afin de partager les meilleures pratiques et d’aider les jeunes à connaître leurs cultures réciproques. L’accent a été mis sur l’enseignement de la langue de Kinhu avec plusieurs séminaires destinés aux professeurs et consacrés à l’enseignement de la langue et de la culture traditionnelle. Les formes de culture traditionnelle constituent une partie importante du programme scolaire et des camps sont organisés pour que les enfants apprennent leur culture et leur musique traditionnelles. En ce qui concerne les chants et danses baltes, un programme de tutorat propose une formation continue aux professeurs et moniteurs. Il existe également un programme de soutien aux chœurs, aux groupes de musique et de danse et aux orchestres traditionnels participant aux Célébrations. Le Programme culturel Setomaa, administré par le CCP, vise à sauvegarder les caractéristiques culturelles et linguistiques des Seto et à impliquer les enfants de la communauté dans leur patrimoine culturel et linguistique (par des expositions et des événements en faveur de la culture seto, un livre d’introduction à la langue seto, des CD et des pages internet sur divers sujets tels que l’artisanat, les coutumes, le chant et la cuisine).
Pour la rédaction du présent rapport, les associations communautaires, qui ont soumis des commentaires et des contributions, ont été consultées quant à son contenu. L’Union des municipalités rurales du Setomaa et l’Assemblée des maîtres du Leelo Seto ont réalisé une petite enquête parmi les membres de la communauté, enquête qui a fait l’objet d’un débat et a été améliorée et approuvée lors d’une table ronde communautaire.