Décision du Bureau : 12.COM 2.BUR 4.6

Le Bureau,

  1. Rappelant le chapitre V de la Convention et le chapitre I des Directives opérationnelles,
  2. Ayant examiné le document ITH/17/12.COM 2.BUR/4, ainsi que la demande d’assistance internationale n  00977,
  3. Prend note que le Nigéria a demandé une assistance internationale pour le projet intitulé La sauvegarde des traditions immatérielles du kwagh-hir (théâtre de marionnettes tiv) au Nigéria par une documentation approfondie:

Le kwagh-hir est une forme de théâtre de marionnettes traditionnellement joué dans les communautés tiv de l’État de Benue, dans la ceinture médiane du pays. Il constitue une forme profane de divertissement, d’éducation et de socialisation en représentant des événements passés et présents au moyen de marionnettes et de masques. Toutefois, à l’heure actuelle, seuls les orateurs âgés connaissent les principaux récits historiques et légendes. L’objectif du projet, qui sera mis en œuvre par le ministère fédéral de l’Information et de la Culture, est donc de sauvegarder et de revitaliser le kwagh-hir et, ainsi, de renforcer l’identité culturelle du peuple tiv et de redynamiser la transmission intergénérationnelle de ses arts populaires, y compris l’artisanat, les enseignements moraux, les croyances, les coutumes et les comportements des Tiv. À cet effet, le projet organiserait des réunions avec les chefs de clan des diverses troupes théâtrales de la communauté afin de créer de nouvelles opportunités de spectacles de kwagh-hir. Cela nécessiterait l’organisation de répétitions pour l’orchestre et les artistes ainsi que la fabrication d’accessoires, de costumes et d’autres objets culturels. Le projet produirait également du matériel audiovisuel pour documenter les narrations historiques et anthropologiques du kwagh-hir et organiserait un atelier de sensibilisation qui réunirait les jeunes générations tiv et leurs aînés autour de discussions sur l’importance de la sauvegarde et la transmission du kwagh-hir.

  1. Prend note en outre que cette assistance concerne l’appui à un projet mis en œuvre au niveau local afin de sauvegarder le patrimoine culturel immatériel conformément à l’article 20(c) de la Convention, et qu’elle prend la forme de l’octroi d’un don conformément à l’article 21(g) de la Convention ;
  2. Prend également note que le Nigéria a demandé une allocation d’un montant de 95 000 dollars des États-Unis du Fonds du patrimoine culturel immatériel pour la mise en œuvre de ce projet ;
  3. Décide que, d’après les informations contenues dans le dossier nº 00977, la demande satisfait aux critères d’octroi de l’assistance internationale énoncés aux paragraphes 10 et 12 des Directives opérationnelles comme suit :
Critère A.1 : La participation de tous les praticiens du kwag-hir (artisans hommes et femmes, historiens culturels, poètes, arrangeurs, scénaristes et chorégraphes) est décrite en termes très généraux sans description claire de leurs rôles respectifs dans la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation du projet ; leur implication réelle semble plus déclarative et semble relever d’une approche descendante avec des professionnels engagés pour les superviser ; la demande ne fournit pas d’informations sur la participation des communautés dans la préparation de la demande ; au contraire, leur participation ferait partie de la première activité du projet, alors que la demande devrait déjà démontrer l’existence d’un processus de consultation préalable au cours duquel les mécanismes permettant d’impliquer pleinement les communautés à toutes les étapes du projet auraient été discutés ;

Critère A.2 : Bien que la présentation du budget soit généralement claire, il est difficile de déterminer le bien-fondé du montant demandé en l’absence de description détaillée des activités prévues. En outre, le nombre d’incohérences dans le budget concernant les activités et leur calendrier, l’absence d’affectations budgétaires pour certaines composantes majeures comme la production des spectacles de kwagh-hir, la disproportion de certains coûts comme les frais récurrents de représentation et de fournitures de bureau et le manque de détails dans le calcul de certaines sommes forfaitaires empêchent de conclure au bien-fondé du montant demandé ;

Critère A.3 : Les objectifs du projet et les activités proposées n’étant pas clairement définis et articulés, la faisabilité du projet ne peut pas être justifiée ; les activités ne sont pas clairement définies ou suffisamment détaillées pour démontrer leur capacité à atteindre les résultats ambitieux souhaités ; il est également difficile de déterminer la faisabilité des activités proposées en l’absence d’informations sur les modalités et les mécanismes de mise en œuvre et sur les responsabilités respectives du ministère fédéral de l’Information et de la Culture et ses partenaires ; enfin, en raison du faible niveau d’implication des communautés dans la conception des activités proposées et de leur rôle passif dans la mise en œuvre du projet, il est difficile de déterminer comment les activités peuvent contribuer de manière efficace à créer un environnement permettant aux communautés tiv de continuer à pratiquer et transmettre le kwag-hir ;

Critère A.4 : Le potentiel du projet concernant la durabilité semble reposer sur l’accessibilité des informations documentées principalement à des fins de recherche et d’enseignement ; même si le projet implique que la documentation numérique pourrait permettre l’intégration de la pratique du kwagh-hir dans les programmes d’enseignement et améliorer son accessibilité pour un large public, le futur usage de la documentation proposée n’est pas expliqué de manière précise ni la façon dont cette dernière va réellement contribuer à la revitalisation souhaitée de la pratique ;

Critère A.5 : L’État contribuera à hauteur de 43 pour cent du budget total du projet pour lequel l’assistance internationale est demandée ;

Critère A.6 : La demande ne montre pas suffisamment comment, d’ici la fin du projet, les capacités des divers acteurs impliqués dans les spectacles de kwag-hir vont être renforcées de manière à poursuivre leur pratique ; l’accès à la documentation sur le kwag-hir et son histoire ou aux documents nécessaires pour les productions théâtrales, certes bienvenu, n’est toutefois pas suffisant pour démontrer un renforcement des capacités en matière de viabilité des pratiques et des traditions qui y sont liées ;

Critère A.7 : Même si le Nigéria n’a jamais bénéficié de l’assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel, le pays bénéficie depuis 2014 d’une aide financière dans le cadre du Fonds-en-dépôt UNESCO/Japon pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel pour un projet intitulé « Appui à la mise en œuvre effective de la Convention de 2003 au Nigéria » ; le travail défini par les contrats établis en ce sens avec le ministère fédéral de l’Information et de la Culture a été réalisé en conformité avec les règlements de l’UNESCO ;

Paragraphe 10(a) : Le projet a une portée locale et implique des partenaires de mise en œuvre locaux et nationaux.

Paragraphe 10(b) : Même si le Conseil des arts de l’État de Benue s’est dit prêt à parrainer le kwag-hir dans son budget annuel, toute future aide éventuelle n’est que vaguement évoquée ; la demande indique également la possibilité d’obtenir des fonds d’investisseurs privés pour une rentabilité commerciale, ce qui soulève des questions quant au risque de commercialisation excessive du kwagh-hir et de déformation de la signification et de l’objectif du kwag-hir pour ses praticiens ;

  1. Décide de ne pas approuver la demande d’assistance internationale du Nigéria pour La sauvegarde des traditions immatérielles du kwagh-hir (théâtre de marionnettes tiv) au Nigéria par une documentation approfondie ;
  2. Rappelle que l’objectif de l’assistance fournie aux États parties par le Fonds du patrimoine culturel immatériel est d’appuyer ces derniers dans leurs efforts de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel telle que définie aux Articles 3 et 2 de la Convention, respectivement, et que par conséquent, la pratique et la transmission continues de ce patrimoine ne doivent pas être éclipsées par d’autres objectifs, aussi légitimes qu'ils puissent être ;
  3. Reconnaît que les mesures de sauvegarde proposées devraient viser à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel concerné et, tout en notant l’absence d’une plus grande implication de la part des communautés et praticiens dans la préparation, la mise en œuvre et le suivi de la demande, rappelle en outre que ces mesures de sauvegarde doivent refléter pleinement les aspirations et les souhaits des communautés et des praticiens en tant que participants actifs et doivent mettre l’accent sur le renforcement des capacités des communautés concernées en vue de continuer leurs efforts de sauvegarde dans le futur ;
  4. Fait écho à la décision 7.COM 10.6 en rappelant que les demandes d’assistance internationale doivent montrer une correspondance claire et rigoureuse entre les objectifs globaux et les activités, le budget et le calendrier proposés pour le projet et présenter de façon claire et transparente un budget précis et cohérent.

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