L’organe compétent pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel présent en France est le Centre français du patrimoine culturel immatériel (CFPCI), une antenne de l’organisation non gouvernementale, la Maison des cultures du monde (MCM). Le CFPCI se consacre à l’enrichissement des connaissances sur le patrimoine culturel immatériel en France, sa diffusion et sa promotion et l’organisation et l’animation de réseaux actifs dans ce domaine (p. ex. en organisant la première réunion des représentants d’éléments inscrits sur les listes en France, et en recueillant des informations pour les rapports périodiques de l’UNESCO). Il participe à des travaux de recherche scientifique et à des réflexions collectives (séminaires), et il devrait bientôt bénéficier de la publication d’ouvrages destinés à diffuser auprès du plus grand nombre les résultats de ce travail.
Au sein du Ministère de la Culture et de la Communication, la Direction générale des patrimoines (DGP), et, au sein de cette dernière, le Département du pilotage de la recherche et de la politique scientifique sont responsables de la mise en œuvre par le Gouvernement français de la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Le Département est responsable de la définition et de l’exécution de la politique de recherche de la Direction générale. Il est tout particulièrement en charge de diriger les activités dans le domaine du patrimoine ethnologique et il pilote la mise en œuvre de la Convention de 2003. Cette mise en œuvre s’articule autour de quatre axes : conduite des opérations d’inventaire au niveau national ; suivi et évaluation des candidatures à l’UNESCO (ainsi que participation aux forums internationaux sur le sujet) ; diffusion des informations et sensibilisation à la Convention auprès des groupes, communautés et organisations non gouvernementales concernés ainsi que des autorités, universités ou centres de recherche concernés par la Convention ; et développement de la recherche anthropologique sur le patrimoine culturel immatériel en tant qu’objet d’étude ethnologique. Un décret du 5 mars 2010 a établi, au sein de la Direction générale, le Comité du patrimoine ethnologique et immatériel qui est actuellement en cours de création et dont la mission sera tout particulièrement de mettre en œuvre la Convention de 2003.
La formation à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est dispensée dans le cadre de plusieurs cours d’ethnologie et d’anthropologie des universités, grandes écoles et autres grands établissements d’éducation supérieure et de recherche en France. Une liste de tous ces cours est disponible à l’adresse suivante : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Patrimoine-ethnologique/Formations/Formations-en-France. Des cursus spécialisés dans le patrimoine culturel immatériel existent dans deux universités : l’Université François Rabelais (Tours) et l’Université de Strasbourg, tandis que l’Université Jules Verne de Picardie, l’Université de Rennes et l’Université de Paris I (Panthéon) proposent des cours sur la sauvegarde et/ou la présentation du patrimoine culturel immatériel. En outre, une formation à certains aspects de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et à la Convention sont dispensés par l’Institut national du patrimoine (INP), l’École nationale des chartes (ENC – école nationale de paléographie et d’études archivistiques) et, depuis 2012, par l’École nationale d’administration (ENA). L’INP propose également des cours de formation continue aux fonctionnaires ministériels.
Aucun organe en charge de centraliser la documentation n’a été établi et la documentation du patrimoine culturel immatériel est conservée par plusieurs institutions culturelles (publiques et privées) et organisations non gouvernementales, dont le centre de documentation de la MCM susmentionnée. En outre, les « ethnopôles » (des réseaux œuvrant dans le domaine de l’ethnologie) abritent également de la documentation sur le patrimoine culturel immatériel. L’accès à la documentation est assuré par un programme de numérisation qui a été lancé par le Ministère en 2007, un des deux critères d’éligibilité pour ce programme est la mise à disposition de données en ligne sans restriction d’accès et une diffusion auprès d’un public le plus vaste possible.
À partir de 2007, la réalisation d’un inventaire du patrimoine culturel immatériel a marqué l’avènement d’une nouvelle ère en France, après plusieurs actions d’envergure restreinte dans le domaine de la recherche et de la documentation ethnographique. La DGP a mis en place un répertoire qui établit la liste de 40 inventaires spécialisés préexistants et les liens qui permettent d’y accéder. Ce répertoire peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Patrimoine-culturel-immateriel/Inventaire-en-France/Le-repertoire-des-inventaires/Les-inventaires. Toutefois, le principal inventaire français dans ce domaine est l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France qui a été établi en 2008 en application de l’article 12 de la Convention. Il s’agit d’un registre de tous les patrimoines culturels immatériels présents en France, conformes à la définition de l’article 2, ainsi que des objets matériels associés. Aujourd’hui, en suivant la méthodologie décrite ci-dessous, 150 éléments sont inscrits à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel et l’objectif initial est de 2 millions d’entrées, bien que cet objectif soit susceptible d’évoluer au fil du temps. L’inventaire peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Patrimoine-culturel-immateriel/Inventaire-en-France/Inventaire.
L’inventaire étant simplement une enquête sur le patrimoine culturel immatériel présent en France, les seuls critères d’inclusion sont : la conformité avec la définition de l’article 2 de la Convention et le consentement de la communauté à l’inscription. L’inventaire ne prend pas directement en considération la viabilité des éléments mais les mesures de sauvegarde prévues sont incluses dans une section distincte. Il convient également de noter que l’inclusion dans l’Inventaire n’implique ni statut légal, ni protection et qu’aucun plan de sauvegarde ne doit être élaboré (hormis les éléments qui font l’objet de dossiers de candidature pour la Liste représentative/Liste de sauvegarde urgente).
L’inventaire du patrimoine culturel immatériel en France requiert la participation des détenteurs d’éléments du patrimoine culturel immatériel et fait appel aux compétences de personnes disposant d’une expertise en ethnologie. Le consentement des personnes rencontrées lors des étapes de l’inventaire est nécessaire pour inclure l’élément. Par ailleurs, les communautés, groupes et administrations territoriales peuvent faire une demande directe auprès de la DGP afin qu’un élément soit inscrit à l’inventaire. Un grand nombre d’organisations non gouvernementales, riches de compétences reconnues dans le domaine du patrimoine culturel immatériel, collaborent à la procédure d’inventaire. Parmi ces ONG on citera : l’Institut occitan ; le Centre régional de culture ethnologique et technique de Basse Normandie (CRéCET) ; le Centre de musique et de danse traditionnelle de Bretagne (Dastum) ; et la MCM. S’agissant de l’accessibilité, l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel sera consultable sous la forme de dossiers au format pdf, illustrés de documentation photographique et d’extraits vidéo.
Dans le cadre de la mise en œuvre d’une nouvelle loi sur le patrimoine, un siècle après la Loi sur les monuments historiques et dix ans après la mise en vigueur du Code du patrimoine, le Ministère de la Culture envisage l’adoption par la législation française de la notion de « patrimoine culturel » et la mise en œuvre des principes de la Convention dans la loi nationale. Le texte de loi devrait être étudié par l’Assemblée nationale et le Sénat en 2014.
Les mesures destinées à assurer la reconnaissance, le respect et la mise en valeur du patrimoine culturel immatériel sont principalement du ressort des associations et des administrations territoriales. Depuis 2006, le Ministère a mené plus de 100 interventions avec des associations, des groupes et des réseaux de recherche afin de mettre en œuvre la Convention. Il convient de noter que la situation n’est pas identique dans tout le pays, tant en ce qui concerne les régions que les secteurs, avec des administrations territoriales (p. ex. la Bretagne et le Limousin) et certains groupes professionnels et associations (p. ex. la musique et la danse traditionnelle, les arts et l’artisanat) fortement impliqués alors que d’autres le sont beaucoup moins. Avant même la ratification par la France de la Convention (2006), la MCM jouait un rôle important dans la diffusion du concept de patrimoine culturel immatériel, notamment grâce à son Festival de l’imaginaire. Ce rôle s’est confirmé après la ratification. Un certain nombre d’autres centres de musique et de danse traditionnelle, ainsi que des parcs naturels régionaux, organisent régulièrement des activités visant à promouvoir le patrimoine culturel immatériel.
Le Ministère de la Culture a concentré ses efforts sur les grands réseaux concernés par le patrimoine culturel immatériel. En coopération avec ces derniers, il a organisé des réunions, principalement publiques, afin de transmettre les principes de la Convention et que ceux-ci puissent être adaptés dans différents domaines. Le Ministère joue un rôle actif dans la sensibilisation et la publication de livres, de documentation et d’informations sur le patrimoine culturel immatériel, il encourage également la créativité audiovisuelle dans le domaine du patrimoine culturel immatériel. Cette volonté se concrétise par un soutien accordé à la réalisation de documentaires ou par des prix et récompenses décernés à des travaux en lien avec le patrimoine culturel immatériel lors de festivals de films et de documentaires.
Des formes préexistantes de coopération bilatérale, sous-régionale, régionale et internationale ont permis le développement rapide de contacts tant au niveau européen qu’international, la Convention étant un parfait facilitateur pour la création d’un tel réseau. Parmi les actions mises en œuvre, on peut citer la coopération dans le domaine de l’inventaire (en particulier avec la province canadienne du Québec), des échanges internationaux avec la MCM et des séminaires européens, organisés par le CFPCI, sur des questions techniques en lien avec la mise en œuvre de politiques européennes dans le domaine du patrimoine culturel immatériel.
La France fait rapport sur les neufs éléments suivants inscrits sur la Liste représentative entre 2008 et 2011 : géants et dragons processionnels de Belgique et de France (2008) ; la tradition du tracé dans la charpente française (2009) ; la tapisserie d’Aubusson (2009) ; le Maloya (2009) ; le savoir-faire de la dentelle au point d’Alençon (2010) ; le repas gastronomique des Français (2010) ; le compagnonnage, réseau de transmission des savoirs et identités par le métier (2010) ; la fauconnerie, un patrimoine humain vivant (2010 et 2012) ; et l’équitation de tradition française (2011). En général, l’inscription sur la Liste représentative suscite un réel sentiment de fierté, en particulier parce qu’elle apparait pour de nombreux acteurs de terrain comme un outil d’un nouveau genre en faveur de la reconnaissance, la valorisation et la sauvegarde de l’élément. Le nombre de spectateurs de la procession des géants et des dragons est désormais beaucoup plus élevé qu’auparavant, la tradition du tracé est mieux connue, la tradition du Maloya s’est beaucoup développée sur la scène internationale et les praticiens de l’équitation ont le sentiment que leur approche inhabituelle de ce sport est désormais légitimée. Toutefois, les fauconniers sont toujours préoccupés par les dangers liés à des spectacles présentant des oiseaux de chasse qui pervertissent l’élément à des fins commerciales.
Comme on pourrait s’y attendre avec des éléments aussi divers du patrimoine culturel immatériel, les efforts entrepris depuis leur inscription pour les promouvoir et/ou les renforcer sont multiples et variés. De même, les contextes institutionnels dans lesquels ces efforts sont déployés sont riches d’une grande variété d’acteurs et de parties prenantes, travaillant souvent en partenariat. Parmi ceux-ci, on citera les municipalités, les praticiens et/ou associations professionnelles, les ministères du gouvernement, les syndicats, les instituts éducatifs et de recherche, les musées ainsi que d’autres institutions similaires. La participation des communautés à ces efforts est généralement élevée, avec certaines communautés et associations très actives sur le terrain, collaborant souvent avec les acteurs susmentionnés. Les détenteurs et praticiens eux-mêmes ont joué un rôle direct dans la préparation des rapports sur les différents éléments (comme ils l’ont fait dans la préparation des dossiers de candidature).