Le Comité
- Prend note que l’Égypte a proposé la candidature du tissage à la main en Haute-Égypte (Sa’eed) (n 01605) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :
La tradition artisanale du tissage à la main en Haute-Égypte (Sa’eed) est un processus complexe qui demande du temps, des efforts, de la patience et de la pratique. De la fabrication du métier à l’obtention du produit fini, en passant par l’enfilage et le tissage, de nombreuses étapes et techniques sont nécessaires. C’est un travail de précision à l’exécution complexe. Depuis des siècles, les hommes et les femmes utilisent les connaissances et les talents artistiques transmis par les générations précédentes pour créer des textiles brodés, éléments de l’héritage familial, et en font leur métier. Les grands principes du passé sont encore utilisés aujourd’hui, aussi bien pour le lin et le coton que pour la laine ou la soie. Toutefois, les usines de tissage qui utilisaient du fil de soie coûteux l’ont peu à peu remplacé par le coton afin d’améliorer leur rentabilité, et les petits métiers à tisser étroits ont cédé la place à des modèles plus larges. Le tissage à la main est une source d’identité et de fierté pour les communautés concernées, et la persistance de la terminologie du métier à tisser manuel témoigne de sa grande importance pour elles. Cependant, plusieurs menaces pèsent sur cette pratique. Elle n’est plus lucrative, il faut beaucoup d’espace pour installer le métier et le matériel est coûteux. Le tissage est donc négligé et n’est plus transmis comme par le passé. On estime que la formation d’une nouvelle génération de jeunes tisserands pourrait être une solution au problème croissant que représente le chômage dans les communautés concernées.
- Estime que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente comme suit :
U.1 : Le tissage à la main en Haute-Égypte (Sa’eed) est un savoir-faire lié à plusieurs formes d’artisanat traditionnel, dont la pratique a favorisé le développement d’expressions orales relatives à la vie quotidienne des communautés de détenteurs. Ces communautés reconnaissent la pratique comme un élément de leur patrimoine traditionnel. Pour ses praticiens, le tissage à la main est une source d’identité et de fierté. Le tissage à la main est transmis principalement par la simulation : les apprentis acquièrent des connaissances oralement, en reproduisant les techniques des anciens. L’artisanat est toutefois de moins en moins transmis au sein des familles, tant comme héritage familial que comme profession, essentiellement pour des raisons économiques, ce qui influe sur le taux de transmission du savoir-faire et de l’artisanat dans la communauté.
U.2 : Le tissage à la main est reconnu comme un artisanat traditionnel dans toute l’Égypte mais il est concentré dans les communautés de Haute-Égypte. Aujourd’hui, diverses circonstances économiques et techniques expliquent pourquoi la viabilité de cet artisanat a été sévèrement affecté. Les menaces pesant sur la transmission et la réalisation de l’élément sont : une perte d’intérêt pour l’artisanat qui se traduit par une forte diminution de la transmission des connaissances et des savoir-faire associés, dans un contexte marqué par les progrès technologiques ; l’insuffisance des revenus générés au regard du travail fourni ; l’importation de textile moins coûteux ; la rareté des exploitations agricoles permettant de s’approvisionner en matières premières adéquates et l’absence de lieux de vente appropriés pour les tissus et les broderies fabriqués à la main. En outre, la sensibilisation du grand public, la documentation et l’apprentissage méthodologique ne sont pas suffisants ; la chaîne de production et de consommation de l’élément doit être développée.
U.4 : Les membres des communautés ont été les premiers soutiens et les premiers acteurs des efforts de sauvegarde visant à éviter la disparition de l’élément. Ils ont participé à toutes les étapes des activités et approuvé toutes les stratégies élaborées. Les femmes ont été particulièrement impliquées dans la préparation de la candidature. Les responsables des communautés sont les détenteurs les plus expérimentés de la tradition et des connaissances associées. Ces personnes continuent à pratiquer l’élément et à transmettre leurs connaissances aux tisserands. Les membres des communautés se sont adressés à la Société égyptienne pour les traditions populaires (ESFT) pour obtenir de l’aide afin de mettre en place la sauvegarde urgente de l’élément. Des documents témoignant du consentement des communautés et attestant de leur participation sont joints au dossier.
- Décide que, sur la base des informations fournies par l’État partie au Comité au cours de sa présente session, les critères d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente suivants sont satisfaits :
U.3 : Le plan de sauvegarde proposé comprend un large éventail d’objectifs, notamment la sensibilisation, la formation, la documentation et autres. Quant aux activités connexes, la candidature propose de mener trois domaines d’activités : une enquête pour déterminer la portée de l’élément et identifier les activités liées à sa viabilité ; un atelier de renforcement des capacités liés à l’élaboration des plans de sauvegarde pour les responsables/formateurs de la communauté ainsi que pour les fonctionnaires ; et un programme de formation pour les jeunes stagiaires.
U.5 : L’élément a été officiellement enregistré pour la première fois par les Archives égyptiennes de la vie et des traditions populaires et par l’ESFT (enregistré dans l’État partie depuis 2000 et accrédité par l’UNESCO en 2012) en 2013 ; la dernière mise à jour a eu lieu en 2019, tout comme pour les éléments précédemment inscrits par l’Égypte sur les listes du patrimoine immatériel. L’inventaire a été préparé et mis à jour avec la participation de la communauté.
- Décide d’inscrire le tissage à la main en Haute-Égypte (Sa’eed) sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
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Demande à l’État partie de soumettre, pour les quatre années suivant l’inscription, des rapports biennaux sur les résultats des mesures prises pour assurer la sauvegarde de l’élément ;
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Rappelle à l’État partie d’éviter une approche axée sur le marketing et la commercialisation et de se concentrer sur la sauvegarde des significations culturelles et des fonctions sociales du tissage à la main en Haute-Égypte (Sa’eed) ;
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Invite l’État partie à accorder une attention particulière au renforcement et à la consolidation des capacités des tisserands chargés de dispenser des formations ;
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Rappelle en outre qu’il est important d’utiliser un vocabulaire conforme à l’esprit de la Convention et d’éviter des termes comme « authenticité » ;
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Prend note en outre que l’Égypte a demandé une assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel, d’un montant de 262 400 dollars des États-Unis, pour mettre en œuvre le plan de sauvegarde du tissage à la main en Haute-Égypte (Sa’eed) (n 01638) :
Mis en œuvre par la Société égyptienne pour les traditions populaires (ESFT), ce projet s’étendant sur deux ans vise à sauvegarder le tissage à la main en Haute-Égypte (Sa’eed). Considérée comme un élément essentiel du patrimoine culturel et artistique égyptien, cette pratique artisanale ancienne est exposée à de nombreuses menaces. Pour y faire face, des praticiens locaux se sont adressés à l’ESFT afin de lancer un projet pour aider à remédier à l’état de détérioration de l’élément. Les femmes se sont particulièrement impliquées dans cette démarche. Dans le cadre de ce projet, une enquête sera menée pour déterminer la portée de l’élément et identifier les activités liées à sa viabilité. Les résultats aideront à identifier les obstacles à la viabilité de l’élément et à évaluer la faisabilité des efforts de sauvegarde. Un atelier de renforcement des capacités sera organisé pour les responsables et formateurs dans les communautés, ainsi que les pouvoirs publics, afin de faciliter l’élaboration de plans de sauvegarde. À l’issue des séances de l’atelier, les participants devraient être en mesure d’identifier les principales dimensions de l’élément, y compris les différences de perceptions entre les communautés et les autorités officielles, les difficultés associées à l’élément et des facteurs tels que la demande et l’approvisionnement, qui nuisent à sa viabilité. Un programme de formation sera proposé aux jeunes. Ce projet a notamment pour objectifs de sensibiliser à l’élément et son importance, de faire émerger une nouvelle génération de tisserands professionnels, de documenter les techniques et les motifs du tissage traditionnel, d’élargir la portée géographique de cette pratique et de stimuler l’innovation et la créativité.
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Estime également que, d’après les informations contenues dans le dossier, la demande satisfait aux critères d’octroi de l’assistance internationale énoncés aux paragraphes 10 et 12 des Directives opérationnelles comme suit :
Critère A.1 : Les membres des communautés ont participé à toutes les étapes des activités et approuvé toutes les stratégies élaborées. Ils ont contribué à plusieurs des activités proposées aux responsables au sein des communautés, notamment aux formations relatives à l’élaboration des plans de sauvegarde. Ils ont également participé à l’enquête et à la formation organisées au niveau national. Toutefois, les critères d’identification des bénéficiaires potentiels de cette formation ne sont pas explicites. Le dossier indique qu’elle sera proposée à des jeunes femmes de trois régions de la Haute Égypte. Cependant, la description de cette population est insuffisante, tout comme les informations concernant les femmes qui assureront cette formation, leur lieu d’origine, et leurs relations avec les communautés.
Critère A.2 : Le budget et le calendrier sont présentés en fonction des objectifs, des activités proposées et de la répartition des fonds. La plus grande partie est consacrée au développement de formations sur les techniques de tissage, à l’achat de matériel, à la location de la salle où aura lieu l’atelier et aux dépenses des participantes. La répartition du budget reflète seulement partiellement les objectifs, les activités proposées et les dépenses. En outre, l’approvisionnement en matériel semble problématique et ne peut pas être garanti. La ventilation du budget proposé est trop générale, et ne précise pas les coûts associés à chaque élément. Le budget ventilé n’identifie pas les activités en détail (calendrier, lieu et autres activités de sauvegarde).
Critère A.3 : Les activités de sauvegarde proposées entrent dans trois grandes catégories : 1) une enquête pour déterminer la portée de l’élément et identifier les activités liées à sa viabilité ; 2) un atelier de renforcement des capacités pour les responsables/formateurs au sein des communautés, et les pouvoirs publics afin de faciliter l’élaboration de plans de sauvegarde ; et 3) un programme de formation pour les jeunes. Elles s’articulent de manière logique et pourraient contribuer effectivement à la sauvegarde de l’élément. Toutefois, dans la description des objectifs et des activités, plusieurs informations sont mélangées et perdent en clarté. À plusieurs reprises, la demande entremêle ce qui doit être fait, la situation actuelle et la situation idéale à atteindre. Le cadre du plan de sauvegarde doit donc être soigneusement retravaillé pour établir clairement et aussi succinctement que possible la relation entre les objectifs et les actions à mener pour les atteindre.
Critère A.4 : Le principal résultat attendu du projet est la formation de jeunes femmes à l’art du tissage. La demande indique par ailleurs que cela permettra d’augmenter le nombre de tisserandes et de répondre ainsi à la demande du marché. Les informations fournies ne sont pas suffisantes pour déterminer précisément si l’objectif ultime du programme est la sauvegarde du savoir-faire des tisserands afin de garantir la continuité du patrimoine culturel immatériel, ou bien s’il a pour but d’offrir une formation professionnelle aux jeunes femmes de certaines communautés de Haute-Égypte. Si ces deux objectifs sont tout aussi importants l’un que l’autre pour les communautés concernées, dans le contexte de la Convention de 2003 l’objectif principal du programme devrait être la sauvegarde des savoir-faire et des pratiques. La demande indique en outre que la mise en lumière de l’élément aux niveaux national et international est un moyen de sensibiliser le grand public et d’accroître la demande de tissus artisanaux. Grâce à une viabilité et une visibilité accrues de l’élément, de nouveaux canaux verront le jour. Toutefois, les informations fournies ne permettent pas de déterminer quels seront les effets de cette partie du plan de sauvegarde sur l’avenir de l’élément.
Critère A.5 : Dans chaque section du budget, l’État partie distingue clairement le montant demandé au Fonds du patrimoine culturel immatériel de celui qui sera versé par l’État partie lui-même ou par d’autres sources. Selon ce budget, l’État partie prendra en charge une partie du coût des activités, à hauteur de quatre pour cent du budget total.
Critère A.6 : La demande affirme que ce programme renforcera l’efficacité des membres de la société civile impliqués dans la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. Elle précise également que les tisserands n’ayant pas été dûment formés par les détenteurs les plus expérimentés ne seront pas négligés. Non seulement ils acquerront des connaissances relatives au patrimoine culturel immatériel pendant l’atelier, mais une attention particulière leur sera aussi accordée pour qu’ils découvrent les fondements de l’élément et ses techniques. La demande n’explique pas de manière convaincante comment ces détenteurs expérimentés continueront à contribuer activement à la pratique de l’élément.
Critère A.7 : L’Égypte bénéficie actuellement d’une assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel, pour le projet intitulé « Inventaire du patrimoine culturel immatériel relatif à l’artisanat pratiqué au cœur du Caire historique » (dossier n 01633, 2020-2022, 86 950 dollars des États-Unis).
Paragraphe 10(a) : La demande ne précise pas quels seront les partenaires contribuant au projet à l’échelle bilatérale, régionale ou internationale. Créée en 2000, l’organisation non gouvernementale « Société égyptienne pour les traditions populaires (ESFT) » compte huit praticiennes du Sa’eed. Elle sera la principale organisation responsable de la mise en œuvre du plan de sauvegarde.
Paragraphe 10(b) : D’après la demande, le projet devrait renforcer la viabilité de l’élément grâce à l’implication d’entités telles que le Ministère de l’industrie et des entrepreneurs. Ces entités ont pour tâche de promouvoir la production de matières premières au niveau local. Toutefois, la pérennité et les effets multiplicateurs du projet ne sont pas décrits de manière convaincante dans le dossier. Cela s’explique peut-être par le fait que le plan de sauvegarde général, tel qu’il est présenté dans sa forme et stratégie actuelles, n’est pas suffisamment développé.
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Décide de renvoyer à l’État soumissionnaire la demande d’assistance internationale et l’invite en outre à soumettre une demande révisée au Comité pour examen au cours d’un cycle ultérieur.