Objectif
- Consigner les proverbes des peuples nkhonde, tumbuka et chewa en vue de contribuer à la sauvegarde des expressions orales de ces groupes.
- Améliorer la compréhension interculturelle.
- Élaborer des ressources associées pour les activités éducatives.
Description
Contexte
En 2012, le chef suprême Chikulamayembe (Tumbuka), le chef suprême Kyungu (Nkhonde) et l’autorité traditionnelle Chadza (Chewa) ont sollicité l’aide de la Commission nationale du Malawi pour l’UNESCO par l’intermédiaire de l’Association des traditions orales du Malawi pour consigner leurs proverbes et leurs contes populaires. Les chefs ont noté que les parents ne partagent plus ces traditions orales avec leurs enfants et que le manque de ressources pédagogiques dans les écoles et les bibliothèques entravait encore plus leur transmission. Ils ont observé que ce déclin était lié à la disparition perçue de certaines valeurs culturelles et coutumes positives. Si l’État avait bien listé les proverbes et les contes populaires dans son inventaire national du patrimoine culturel immatériel (PCI), leur consignation détaillée restait hors du champ de l’inventaire et exigeait donc des travaux complémentaires. La demande des chefs offrait l’opportunité non seulement de consigner un élément important du PCI du Malawi, mais aussi de renforcer les capacités d’inventaire des expressions orales parmi les membres de l’Association des traditions orales du Malawi.
Objectifs et activités
Le projet a été bâti autour de trois objectifs principaux : augmenter le nombre de chercheurs capables de consigner le PCI, sauvegarder les proverbes et les contes populaires grâce à cette consignation et transmettre les éléments du PCI aux jeunes.
Finalement, quatre chercheurs et six assistants ont été formés aux méthodes d’inventaire du PCI impliquant les communautés. De plus, trois experts ont été guidés dans la rédaction de dictionnaires en langue kyangonde, chitumbuka et chichewa destinés à enrichir les inventaires et les activités de sauvegarde ultérieures.
Cinquante-neuf informateurs ont été interviewés et enregistrés dans le cadre de l’inventaire, ce qui a débouché sur la consignation de 156 proverbes et 153 contes populaires. Des enregistrements audiovisuels ont été transcrits et traduits par trois spécialistes des langues du Centre des études linguistiques de l’université Mzuzu. L’équipe projet a ensuite compilé les éléments consignés dans une série de trois livres sur les proverbes et les contes populaires des Nkhonde, Tumbuka, et Chewa qui incluent leur transcription, leur signification, leur usage et leur traduction en anglais.
Cinq cents exemplaires de chaque livre et du dictionnaire accompagnant chacun des ouvrages ont été produits et distribués dans les librairies partout au Malawi. L’équipe projet a ensuite travaillé avec le siège de la Bibliothèque nationale pour introduire un programme de narration en vue de transmettre les proverbes et les contes populaires aux enfants. À l’origine, le projet avait prévu de toucher 90 enfants, mais ce programme de deux mois a rencontré un tel succès que 210 enfants ont finalement assisté aux représentations en direct pour écouter les narrateurs.
Impacts durables
Le succès du programme de narration de la Bibliothèque nationale a perduré après la fin du projet grâce à un partenariat avec la fondation Rei Foundation Limited et à l’intégration, par la Bibliothèque, de ce programme dans son budget annuel. La Bibliothèque a aussi fait état d’une conséquence positive inattendue du programme : davantage d’enfants regardent les livres de la bibliothèque pendant qu’ils attendent le début des séances de narration, ce qui contribue à encourager la culture de la lecture parmi la jeunesse locale. En 2019, la Bibliothèque nationale a annoncé son intention d’élargir son programme de narration à des bibliothèques des régions du sud et du nord.
Désormais, toutes les librairies des communautés détiennent des exemplaires des livres et des dictionnaires, ce qui expose davantage d’habitants aux proverbes et aux contes populaires. Pour les membres des communautés nkhonde, tumbuka et chewa, cela veut dire bénéficier d’un accès direct à des ressources pédagogiques pouvant contribuer à redynamiser leur transmission locale. Quant aux Malawiens détenteurs d’autres patrimoines, les dictionnaires et les traductions peuvent contribuer à la compréhension interculturelle des traditions orales et des systèmes de valeurs traditionnels des peuples nkhonde, tumbuka et chewa.
Enfin, les chercheurs qui ont été formés sont maintenant capables d’en former d’autres à leur tour. Cette démarche devrait aider à renforcer les capacités de l’Association des traditions orales du Malawi en lui permettant de consigner d’autres expressions orales à travers le pays et de contribuer davantage aux efforts de sauvegarde du PCI du pays.
Réalisations
- 10 chercheurs formés aux méthodes d’inventaire impliquant les communautés
- 3 experts formés à la rédaction d’un dictionnaire en langue autochtone
- Consignation de 156 proverbes et 153 contes populaires grâce au média audiovisuel
- 3 livres renfermant les textes des proverbes et des contes populaires dans leur langue d’origine accompagnés de leurs traductions en anglais, publiés et diffusés dans les librairies
- Des dictionnaires dans les trois langues locales publiés et distribués dans les librairies
- La mise au point d’un programme de narration à la Bibliothèque nationale de Lilongwe
Témoignages
Mme Chimwemwe Sumani
Rôle dans le projet
Mme Sumani est spécialiste des technologies de l’information et chef des départements des TIC, de l’audiovisuel et de la culture du Service national des bibliothèques du Malawi depuis septembre 2009. Elle a participé en tant que spécialiste aux activités du projet de l’UNESCO au Malawi. Outre ses responsabilités informatiques, elle s’est engagée à collecter, numériser, documenter et diffuser le précieux et riche patrimoine culturel matériel et immatériel du Malawi.
Pourquoi le programme de contes du Service national des bibliothèques du Malawi ?
« Les contes populaires sont au cœur des coutumes et des croyances des habitants du Malawi. Quand j’avais 6 ans, ma famille et moi nous asseyions autour du feu pour écouter les contes de ma mère. Cette tradition orale a pratiquement disparu ces dernières années avec l’avènement de la technologie - la télévision dans mon cas - mais aussi en raison du vieillissement des personnes qui connaissent ces contes et de l’évolution des modes de vie. C’est ce qui nous a incités à commencer des séances de contes à la bibliothèque, dans le but de les faire revivre. »
« Fondamentalement, les séances de contes englobent un ensemble d’activités qui permettent d’améliorer les connaissances des enfants en matière de contes traditionnels africains. Les enfants répondent aux questions de base qui, quoi, quand et comment pour analyser la structure narrative. Le conteur raconte 3 histoires par séance. »
Comment le programme s’est-il développé ?
« Au début, nous allions chercher les enfants dans différents lieux de la ville. Aujourd’hui, ils viennent à la bibliothèque par leurs propres moyens et le nombre d’enfants par séance est progressivement passé de 20 à 250. Nous documentons chaque séance de contes pour que la prochaine génération puisse en profiter. »
Pour lire le témoignage complet de Mme Chimwemwe Sumani, téléchargez le document de témoignage du projet:
M. Ephraim L Gwazanga Nkhoma
Rôle dans le projet
M. Nkhoma est conteur au siège du Service national des bibliothèques à Lilongwe, au Malawi.
Comment avez-vous intégré le programme de contes du Service national des bibliothèques ?
« C’est en 2015 que le Service national des bibliothèques du Malawi a commencé à rechercher des conteurs. J’ai postulé, j’ai été présélectionné, j’ai été convoqué en entretien, j’ai passé l’entretien et j’ai eu la chance d’être retenu. Par la suite, on m’a proposé de raconter des histoires à des enfants de différents âges au siège du Service national des bibliothèques du Malawi à Lilongwe, la capitale du Malawi, du 1er août 2015 à ce jour. Depuis ce jour, je propose trois contes par séance aux enfants. »
Comment êtes-vous devenu conteur ?
« Je viens d’une famille chrétienne, et j’ai passé la plus grande partie de mon enfance avec mes grands-parents maternels qui étaient des chrétiens convaincus et pratiquants. Bien qu’ils soient tous deux des agriculteurs instruits et progressistes, chaque soir après notre dernier repas, mes grands-parents, à tour de rôle, nous racontaient différentes histoires sur la nature humaine, le comportement et le langage des animaux, la nature, etc. »
«Ils avaient aussi des troupeaux de bovins et de chèvres, des poulets, des chiens et un verger. Souvent, ils s’en servaient pour nous raconter différentes histoires afin que nous, les petits-enfants, puissions facilement comprendre leurs contes. Dans chaque conte, ils faisaient en sorte de rendre les histoires captivantes pour que nous puissions participer ou prendre part au récit. Ainsi, nous étions tous ravis d’écouter les contes de nos grands-parents et de tous ceux qui pouvaient nous raconter des histoires. »
Mais ils nous demandaient aussi de leur dire avec combien de personnes nous avions partagé les histoires qu’ils nous avaient apprises. Parfois, ils nous demandaient aussi de méditer sur les histoires qu’ils nous racontaient, juste pour vérifier notre bonne mémoir. À la fin de chaque conte, ils nous posaient des questions et nous expliquaient quels étaient les enseignements à en tirer. Grâce à cela, nous retenions les histoires et pouvions les raconter à notre tour. Et pour moi, c’est comme cela que je suis devenu conteur. C’est ancré dans ma famille. »
Pouvez-vous décrire le déroulement d’une séance de conte type à la bibliothèque ?
« Oui. En mars 2017, j’ai raconté une histoire avec trois personnages qui ont permis à la fille du roi de guérir d’une très longue maladie alors que personne ne pensait qu’elle se rétablirait. Les personnages étaient :
« PITA » qui signifie « VA »
« BWERERA » qui signifie « REVIENS »
et
« BWEREZANSO » qui signifie « RÉPÉTE »
« Les enfants ont beaucoup aimé cette histoire et m’ont demandé de la raconter à nouveau lors de la séance de contes suivante. Et depuis lors, les enfants qui ont écouté cette histoire ont choisi de m’appeler ou de me surnommer « AGOGO BWEREZANSO », ce qui signifie « PAPI RÉPÈTE . Dans cette histoire, ils ont appris qu’un sourire honnête peut guérir une personne, comme pour la fille du roi. »
Pour lire le témoignage complet de M. Ephraim L. Gwazanga Nkhoma, téléchargez le document de témoignage du projet:
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