Décision du Comité intergouvernemental : 19.COM 7.b.13

Le Comité

  1. Prend note que la Tunisie a proposé la candidature des arts du spectacle chez les ṭwāyef de Ghbonten (n 01875) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

En Tunisie, les ṭwāyef sont des troupes de poètes-chanteurs affiliées à la tribu des Ghbonten. Les troupes interprètent des cantiques ou des chansons, revêtues de robes blanches et de chéchias (couvre-chef) écarlates. Elles sont accompagnées par le son du chenna, un tambour traditionnel. Composée d’un chef et d’un groupe d’interprètes masculins, chaque troupe s’enorgueillit d’un répertoire unique de chants allant du sacré au profane, mêlant humour et solennité et favorisant une atmosphère de camaraderie et de spontanéité. Cette pratique remonte à la moitié du XIXème siècle et à l’abolition de l’esclavage en Tunisie en 1846. Dans ce contexte de libération, la communauté a créé cette forme d’expression qui combine des influences africaines, berbères et arabes. De plus en plus populaires auprès du public, les spectacles ont dépassé le cadre traditionnel et sont désormais souvent présentés dans le cadre de festivals et d’autres événements. Les femmes aident à préparer les vêtements et à brûler de l’encens avant le spectacle. Les artisans fabriquent les costumes, y compris les robes, les pantalons, les chaussures et les chéchias. La pratique est transmise de manière informelle au sein des familles et des communautés, oralement et par l’observation. Il s’agit d’une pratique festive et intergénérationnelle qui attire et fait participer les enfants grâce à son atmosphère ludique et légère. Pour les communautés pratiquantes, il s’agit d’un facteur d’identification et d’unification, et d’un moyen de transmission des normes sociales.

  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité comme suit :

R.1 :  M’élément est pratiqué par des poètes-chanteurs vivant dans et autour du village El-Gosba et à Béni Khedache dans la région médenine. Les femmes aident à préparer les vêtements et à brûler de l’encens avant le spectacle. Les artisans fabriquent des costumes, tandis que l’entière communauté tribale des Ghbonten – hommes, femmes et jeunes – soutenus par plusieurs associations culturelles, travaille pour promouvoir et diffuser l’élément parmi ses membres. La pratique est transmise oralement et par l’observation, au sein des familles et des communautés ainsi que de maîtres à disciples. Aujourd’hui, les documents écrits et visuels documentés et archivés par les ONG sont également utilisés pour soutenir la transmission de l’élément. L’élément est associé aux grands moments du cycle de la vie humaine. Pour les communautés concernées, il réaffirme un sentiment d’identité et met en évidence des normes sociales communes. L’élément reflète la dimension africaine de la culture des communautés concernées et de la société tunisienne en général. L’élément est valorisé en tant que source de création artistique et symbole de la culture vivante et de la mémoire.

R.2 :  Cet élément contribue à l’égalité des genres, au développement économique inclusif, à la paix et à la cohésion sociale, tout en promouvant un sentiment d’appartenance culturelle. Les praticiens gagnent des revenus grâce aux spectacles. Les femmes orchestrent les rituels qui ponctuent le spectacle. Cet élément met en évidence la diversité du patrimoine culturel immatériel et souligne son rôle essentiel dans la promotion de la cohésion sociale. La vidéo complémentaire fournie par l’État partie soumissionnaire met en lumière diverses voix de la communauté, décrivant le lien entre l’élément et divers aspects du développement durable.

R.3 :  Les ṭwāyef participent régulièrement aux célébrations organisées par les autorités régionales afin de promouvoir leur viabilité. Le ministère des Affaires culturelles, en collaboration avec les chefs de troupe, délivre des cartes professionnelles aux membres du ṭwāyef afin de leur faciliter l’accès aux événements culturels, aux prêts et aux subventions. D’autres mesures de sauvegarde comprennent la recherche et la documentation, ainsi que le financement par le gouvernement de la création d’une plateforme numérique pour les troupes. Au cours des réunions de consultation, les communautés ont identifié les mesures clés suivantes : (a) fournir une couverture sociale, telle que des pensions et des soins médicaux, aux détenteurs ; (b) établir un collectif pour unir les ṭwāyef dans la défense des intérêts des praticiens de l’élément et coordonner les programmes des représentations commandées par les organismes officiels ; (c) l’établissement de contrats renouvelables, dans le cadre desquels le Ministère de la culture subventionne le ṭwāyef pour lui assurer un revenu continu, y compris pendant les périodes d’inactivité ; et (d) l’inclusion de spectacles de ṭwāyef dans les programmes de tourisme culturel et la récompense des projets qui contribuent de manière exceptionnelle à la promotion des valeurs de l’élément.

R.4 :  En 2017, cinq troupes ṭwāyef travaillant en collaboration avec plusieurs associations culturelles ont lancé une campagne de sensibilisation sur les valeurs véhiculées par cette pratique et à envisager de demander une reconnaissance internationale auprès de l’UNESCO. Diverses réunions et ateliers de formation ont été organisés avec la participation des troupes ṭwāyef, des médias et d’autres parties prenantes. Un comité de pilotage composé de quinze membres, dont onze détenteurs et praticiens et sept femmes, a ainsi été mis en place. Diverses associations et praticiens ont fourni des lettres indiquant leur consentement libre, préalable et éclairé à la candidature.

R.5 :  L’élément a été inscrit à l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel en novembre 2019. L’inventaire est tenu par l’Institut national du patrimoine, Département de l’inventaire et de l’étude des biens ethnographiques et des arts contemporains. Des informations sur le processus d’inventaire sont incluses dans le rapport périodique soumis en décembre 2022.

  1. Décide d’inscrire les arts du spectacle chez les ṭwāyef de Ghbonten sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.

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