Décision du Comité intergouvernemental : 14.COM 10.c.3

Le Comité,

  1. Prend note que la République bolivarienne du Venezuela a proposé le programme bioculturel pour la sauvegarde de la tradition du palmier béni au Venezuela (n  01464) pour sélection et promotion par le Comité comme programme, projet ou activité reflétant le mieux les principes et objectifs de la Convention :

Les activités associées au programme bioculturel pour la sauvegarde de la tradition du palmier béni au Venezuela portent notamment sur la collecte de feuilles de plusieurs espèces de palmiers dans un secteur montagneux bien défini. Après avoir été bénis lors d’une cérémonie religieuse, les « palmeros » gravissent la montagne où ils vont passer plusieurs nuits et pratiquent différentes activités. Ils racontent des histoires, s’arrêtent à des endroits précis comme s’ils faisaient un Chemin de croix, entretiennent les sentiers, plantent des palmiers et les taillent. Les palmes ainsi obtenues sont bénies pendant la Semaine sainte et distribuées aux différentes communautés. Il y a trois décennies, cette tradition était en voie de disparition car les palmeros ne disposaient d’aucun plan de reforestation, et les responsables des parcs nationaux commençaient à les considérer comme une menace pour l’environnement. Conscients de la nécessité de modifier le mode de collecte des palmes, les palmeros ont donc décidé d’élaguer les arbres plutôt que de les couper. Plusieurs mesures innovantes ont été élaborées dans le cadre du programme bioculturel, notamment des projets éducatifs à l’intention des jeunes et des activités culturelles proposées à l’ensemble de la communauté. Le programme bioculturel a encouragé des centaines d’enfants et de jeunes à s’impliquer, et ses aspects éducatifs en font un modèle à suivre pour les autres communautés qui récoltent du palmier béni pendant la Semaine sainte, ou qui se livrent à tout autre pratique du patrimoine vivant mettant en jeu les liens entre la culture et la nature.

  1. Estime que, d’après les informations contenues dans le dossier, la demande répond aux critères de sélection en tant que bonne pratique de sauvegarde, énoncés au paragraphe 7 des Directives opérationnelles comme suit :

P.1 : Le programme a appliqué plusieurs types de mesures de sauvegarde, portant principalement sur l’éducation et la formation. Citons par exemple un programme éducatif sur l’environnement, un programme de formation dans le secteur du tourisme, un plan de gestion des pépinières et de nombreuses autres activités culturelles. Toutes ces mesures impliquent des enfants, des jeunes, des enseignants et des professeurs d’université. En outre, le programme établit un lien innovant entre la sauvegarde et la conservation de la nature en mettant en avant le concept de patrimoine bioculturel.

P.2 : Bien qu’il n’y ait pas de preuve que la coordination des efforts de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ait été favorisée au niveau régional ou international, ce programme est un bon exemple de collaboration entre les communautés, plusieurs institutions publiques dans le pays (la Garde nationale, l’Instituto Nacional de Parques (Inparques), la Protection civile et d’autres institutions), des universités et des organisations non gouvernementales.

P.3 : Ce programme participe à la sauvegarde des traditions locales, contribue au renforcement de la cohésion communautaire et du sentiment d’appartenance des détenteurs et favorise de manière créative des liens entre la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et la protection de la diversité naturelle. En outre, la vitalité de la tradition repose non seulement sur le dialogue et la coopération mais aussi et surtout sur la participation communautaire, ce qui reflète les principes et objectifs de la Convention.

P.4 : Ce programme s’est révélé efficace pour contribuer à la viabilité du patrimoine culturel immatériel. En témoignent le changement d’état d’esprit des détenteurs de la tradition, et le fait que les enfants et les jeunes soient incités à prendre part aux diverses activités. Ils sont désormais sensibilisés et s’engagent pour la reforestation des palmiers, en prenant de plus en plus de responsabilités. Le programme a également rappelé aux individus concernés l’importance du palmier béni pour leur vie culturelle et les a aidés à prendre conscience de la nécessité de protéger les arbres pour assurer la viabilité des traditions associées. Sans ce programme, ces traditions auraient probablement disparu en raison de l’approche stricte adoptée en matière de conservation de la nature et de l’extinction de certaines espèces ; mais aussi faute d’un intérêt suffisant de la part des jeunes générations.

P.5 : La communauté a participé à la mise en œuvre du programme par l’intermédiaire des associations de palmeros. Ce programme a rassemblé des maîtres de la tradition, appelés « palmeros mayores », des hommes et des femmes chargés des aspects logistiques, mais aussi des enfants, des jeunes et d’autres membres de la communauté. Les palmeros mayores prennent part à la pratique depuis de nombreuses années, mais ne sont plus physiquement capables de gravir la montagne, ou ne peuvent le faire que jusqu’à une certaine altitude. En revanche, ils participent pleinement aux activités éducatives qui s’adressent aux palmeritos, ainsi qu’à la gestion des pépinières à visée pédagogique. Ils jouent un rôle fondamental dans le programme, car ce sont les piliers de la transmission orale des connaissances associées. Le dossier contient des lettres exprimant le consentement libre, préalable et éclairé de représentants des associations mais aussi de représentants des municipalités, écoles et autres institutions culturelles.

P.6 : Le programme pourrait servir de modèle, en particulier pour la récolte de rameaux sans réduire la population des palmiers, la gestion des pépinières où sont cultivés des spécimens et l’important volet éducatif. Il peut également être un modèle pour les communautés où la collecte de ressources naturelles constitue un élément fondamental des traditions culturelles et dans lesquelles le patrimoine culturel immatériel est étroitement lié aux pratiques de conservation de la nature. L’approche pourrait être reproduite non seulement à l’échelle régionale et sous-régionale, mais aussi dans le monde entier.

P.7 : Les communautés et les individus concernés sont clairement engagés en faveur de la diffusion du programme. Cette volonté est démontrée à la fois par les membres de l’Association des palmeros qui ont exprimé leur volonté de transmettre les expériences acquises au cours du développement du programme bioculturel et par les déclarations des enseignants, des biologistes et des journalistes impliqués dans le programme. La diffusion se fera grâce à la coopération de tous ces acteurs, en s’appuyant sur les nombreuses initiatives déjà prises en la matière.

P.8 : Le programme inclut des exemples concrets et formels de mesure et d’évaluation de ses progrès, reposant sur des normes et des procédures détaillées. Les évaluations ont été menées à partir de rapports externes préparés par Inparques et de bilans internes basés sur des critères formels objectifs. Le dossier donne également un certain nombre d’exemples de la manière dont le programme pourrait être évalué par d’autres agences à l’avenir. En outre, le plan de sauvegarde proposé pour la tradition du panier béni sera un outil important pour le suivi et l’évaluation des activités du programme bioculturel en tant que bonne pratique.

P.9 :  Le programme pourrait répondre aux besoins des pays en développement. Précisément, il pourrait servir de modèle à d’autres communautés confrontées à des difficultés similaires liées à l’utilisation de palmier ou d’autres ressources naturelles dans le cadre des traditions culturelles. Il pourrait contribuer au rétablissement des espèces menacées, en encourageant des comportements appropriés dans les zones naturelles protégées et en soutenant les programmes relatifs aux droits de l’homme et à la préservation de la biosphère. Le principal objectif du programme était de convertir les citoyens en acteurs de la transformation. Cette idée pourrait être appliquée dans les pays en développement comme dans les pays développés.

  1. Décide de sélectionner le programme bioculturel pour la sauvegarde de la tradition du palmier béni au Venezuela comme programme, projet ou activité reflétant le mieux les principes et objectifs de la Convention ;
  2. Félicite l’État partie pour sa première sélection et pour avoir soumis un dossier exemplaire qui met en lumière le rôle fondamental du patrimoine culturel immatériel pour le développement durable et la protection de l’environnement, programme ayant un impact sur l’ensemble de la communauté dont les citoyens sont devenus des acteurs de la transformation ;
  3. Encourage l’État partie à partager ses expériences et ses savoir-faire relatifs à la sauvegarde de la tradition du palmier béni, notamment en ce qui concerne la sensibilisation aux questions bioculturelles.

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