Décision du Comité intergouvernemental : 18.COM 8.b.17

Le Comité

  1. Prend note que l’Autriche, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse ont proposé la candidature de l’irrigation traditionnelle : connaissance, technique et organisation (n  01979) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

L’irrigation traditionnelle utilise la gravité et des constructions artisanales telles que des canaux et des fossés pour acheminer l’eau des points de captage naturels (tels que les sources, les cours d’eau et les glaciers) vers les champs. Les praticiens choisissent des jours et des périodes spécifiques pour détourner manuellement l’eau, et le début ou la fin de la saison d’arrosage s’accompagne souvent de rassemblements sociaux et de fêtes. L’irrigation traditionnelle nécessite une connaissance approfondie du paysage naturel, de l’écoulement de l’eau et des conditions météorologiques, et une coopération étroite entre les responsables de la distribution de l’eau (généralement des agriculteurs et des propriétaires fonciers) et les autres intervenants dans l’entretien des structures physiques (coopératives d’eau et autorités locales, entre autres). Si la pratique est généralement transmise aux jeunes générations de manière informelle, par l’observation et la formation par des membres expérimentés, des coopératives, des associations, des universitaires et des institutions jouent également un rôle important dans la transmission des connaissances. Pour les praticiens, l’irrigation traditionnelle et les systèmes séculaires de canaux liés à cette pratique sont des marqueurs identitaires importants. La pratique est liée à un vocabulaire spécifique et les connaissances nécessaires (telles que la compréhension de l’impact du cycle lunaire sur l’écoulement de l’eau et les savoir-faire dans le domaine du travail du bois) peuvent être utilisées dans d’autres aspects de la vie des détenteurs et des communautés environnantes.

  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

R.1 :  L’irrigation traditionnelle vise à optimiser la croissance des cultures en distribuant l’eau à partir de points de captage naturels vers les champs, améliorant ainsi l’humidité du sol, la fertilité et le rendement des cultures. L’efficacité de l’irrigation traditionnelle repose sur une coopération étroite et un échange de connaissances entre les parties prenantes à tous les niveaux. Le large éventail de parties prenantes et de praticiens englobe les agriculteurs, leurs familles, les propriétaires fonciers, les coopératives de l’eau, les associations, les autorités locales et les universitaires. Les rôles spécifiques des principales parties prenantes et les approches locales de la transmission des connaissances sont classés et décrits. Les fonctions sociales et les significations culturelles associées à l’irrigation traditionnelle sont bien présentées. L’élément est lié à de nombreuses expressions culturelles, y compris un riche vocabulaire spécifique. Le lien profond entre les praticiens et leurs paysages est mis en avant et s’aligne sur l’Objectif de Développement Durable 6 (eau propre et assainissement) de l’Agenda 2030.

R.2 :  Au niveau local, l’inscription mettrait en évidence le lien entre le patrimoine culturel immatériel et l’environnement local, conduisant à la création d’activités éducatives au sein de la communauté. Au niveau national, elle encouragerait la collaboration entre les acteurs publics et privés travaillant sur le développement durable, en facilitant la diffusion des connaissances et des techniques traditionnelles. Au niveau international, l’inscription renforcerait la coopération entre les parties prenantes et favoriserait de nouvelles collaborations sur le patrimoine vivant, notamment pour relever les défis écologiques. Le dossier indique que de nombreux aspects de l’élément influenceraient positivement les débats internationaux sur plusieurs Objectifs de Développement Durable.

R.3 :  Le Centre international de l’irrigation traditionnelle en Suisse (IZTB), créé en 2021, est devenu l’organisation faîtière et recueille la documentation sur l’irrigation traditionnelle dans toute l’Europe. Les États soumissionnaires protègent l’élément par des réglementations légales, et certains États fournissent un soutien financier. Les mesures de sauvegarde nationales et internationales pour la transmission et l’éducation consistent à coordonner des ateliers et des événements pour rendre la pratique accessible tout au long de l’année, faciliter la coopération avec les musées, développer de nouvelles initiatives transnationales et renforcer la coopération avec les écoles techniques agricoles. Les détenteurs et les praticiens ont été impliqués dans l’identification des facteurs de risque et la préparation des mesures de sauvegarde. Le dossier décrit le rôle des États dans le soutien à la mise en œuvre des mesures de sauvegarde proposées. Les mesures de promotion et d’amélioration seront mises en œuvre par le biais d’une plateforme internationale en ligne, qui sera complétée par des sites Internet gérés au niveau national. Un ensemble de mesures de sauvegarde est proposé pour atténuer tout effet involontaire de l’inscription qui pourrait avoir un impact négatif sur la viabilité de l’élément.

R.4 :  Le dossier démontre que l’inscription de l’élément a été initiée par les groupes internationaux de détenteurs. Le processus a débuté en 2005 par l’intermédiaire d’un organe de coordination. Les communautés ont été impliquées dans toutes les étapes de la préparation de la candidature. Les activités conjointes et séparées des États concernés sont clairement décrites. Le groupe éditorial qui a constitué le dossier de candidature rassemblait l’Etat coordinateur et une délégation de praticiens. Les approches de chaque pays pour impliquer les communautés afin d’inclure leurs visions, commentaires et suggestions varient en fonction des conditions locales. Les détenteurs et les praticiens de tous les pays participants ont donné leur consentement libre, préalable et éclairé à la candidature conjointe. Les lettres de consentement ont été principalement signées par des représentants masculins, ce qui reflète l’état actuel de la pratique de l’élément. Néanmoins, le dossier indique que l’implication des femmes dans la pratique traditionnelle de l’irrigation a tendance à augmenter. L’accès et la formation à l’irrigation traditionnelle ne sont limités par aucune pratique coutumière. Cependant, la pratique elle-même est liée aux systèmes réglementaires (Rods), au cadre juridique de l’utilisation de l’eau dans chaque pays, ainsi qu’à l’accessibilité des zones.

R.5 :  Chaque État a fourni des informations complètes sur les inventaires nationaux, en indiquant leurs noms, leurs dates d’inclusion, les organisations responsables et la fréquence des mises à jour. Le premier ajout a eu lieu en 2012 et le plus récent en 2021. L’administration des inventaires est assurée par des services gouvernementaux, des autorités locales, des commissions nationales ou une combinaison de ces entités. Tous les États soumissionnaires insistent sur la participation active des membres de la communauté à l’identification des éléments et à la préparation des candidatures aux inventaires nationaux. La fréquence de mise à jour des inventaires varie de deux fois par an à tous les cinq ans afin de s’aligner sur les exigences portant sur les rapports périodiques.

  1. Décide d’inscrire l’irrigation traditionnelle : connaissance, technique et organisation sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
  2. Félicite les États parties pour leur collaboration dans la préparation d’un dossier qui peut servir de bon exemple de candidature multinationale d’un élément du patrimoine vivant, étroitement lié à l’environnement et qui démontre l’utilisation durable des ressources naturelles.

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