Décision du Comité intergouvernemental : 17.COM 7.a.4

Le Comité

  1. Prend note que l’Albanie a proposé la candidature de la xhubleta, savoir-faire, artisanat et formes d’utilisation (n  01880) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente :

Portée par les femmes et les filles qui vivent dans les régions montagneuses du nord de l’Albanie, la xhubleta est un vêtement fait à la main qui se caractérise par sa forme de cloche ondulée. Elle est majoritairement noire avec des motifs brodés colorés. Sa confection comprend plusieurs étapes, dont la préparation du shajak (feutre tissé), la découpe, la couture et la broderie de motifs symboliques. La xhubleta était autrefois utilisée au quotidien à partir de la puberté et était un indicateur du statut social et économique. On assiste toutefois depuis plusieurs décennies au déclin de son utilisation et de sa production, pour différentes raisons socio-politiques et économiques. Les nouvelles politiques mises en place par le système socialiste dans les années 1960 ont modifié les schémas culturels traditionnels et la vie quotidienne des communautés montagnardes, et donc l’utilisation et la production de la xhubleta. Puisque les femmes devaient travailler dans les coopératives agricoles socialistes, la xhubleta n’était plus pratique pour la vie quotidienne. En outre, la collectivisation par l’État a entraîné une pénurie des matières premières nécessaires à sa production. Aujourd’hui, peu de femmes connaissent l’ensemble du processus de confection et la transmission traditionnelle au sein des familles est rare. Toutefois, ce vêtement a gardé sa dimension spirituelle et sociale et fait toujours partie intégrante de l’identité des communautés montagnardes.

  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente comme suit :

U.1 :  La xhubleta est perçue comme un élément de l’identité des montagnardes du nord de l’Albanie. L’élément inclut des savoir-faire spécifiques à la création de la xhubleta. Les détentrices et praticiennes de l’élément sont principalement des femmes âgées des zones rurales des Alpes du Nord de l’Albanie. Parmi les autres détentrices figurent les artisanes et tailleuses professionnelles issues d’associations et/ou de centres, ainsi que les apprenties praticiennes. Les femmes réservent ces robes pour les fêtes de famille et transmettent à leurs filles des connaissances sur leur entretien et leur réparation. Certaines gardent même la xhubleta en vue de la porter dans l’au-delà. En outre, la transmission s’effectue par le biais des artisanes et des associations d’artisanes, des départements d’ingénierie textile de l’Université de Tirana et à l’atelier de design et de mode de l’Université des arts. La fonction sociale de la xhubleta se reflète avant tout dans son usage cérémoniel et festif. Elle aide aussi à renforcer le sentiment d’appartenance à la communauté. L’élément a un sens culturel et spirituel fort, associé aux communautés montagnardes.

U.2 : Le dossier explique que la viabilité de l’élément est en déclin depuis les années 1960. À cette époque, pour différentes raisons socio-politiques et économiques, les femmes ont arrêté de porter la xhubleta au quotidien. Même si l’élément a suscité un intérêt grandissant après la chute du régime socialiste, la transmission aux jeunes générations n’a pas été efficace en raison du manque d’outils, de matières naturelles et de la faible sensibilisation des jeunes. Sa transmission est également fortement menacée, puisque seules quelques femmes âgées possèdent les connaissances liées à l’élément. Le dossier présente aussi d’autres menaces dont : le manque de laine naturelle pour la fabrication du vêtement, la diminution de la production de shajak (feutre tissé), la pénurie d’artisans produisant les outils nécessaires aux processus artisanaux de confection de la xhubleta et le manque de partenariats intersectoriels.

U.3 :  Le plan de sauvegarde proposé a été élaboré en collaboration avec les membres de la communauté qui ont évalué les menaces pesant sur l’élément et identifié les trois objectifs du plan de sauvegarde. Le plan vise à fournir l’infrastructure nécessaire à la revitalisation de l’élément, à renforcer les capacités de confection de la xhubleta et à améliorer la visibilité de la xhubleta parmi les membres de la communauté. Les activités proposées incluent l’analyse du contexte actuel, la production d’une brochure sur l’élément et sa fabrication ainsi que la création du Centre de formation de la xhubleta. En outre, des activités de formation seront organisées pour les formateurs. Le plan prévoit aussi des activités de promotion telles que la création de brochures, de plaquettes et de documents, la réalisation de programmes radiophoniques et télévisuels et l’organisation de festivals afin d’améliorer la visibilité de l’élément. Le Ministère de la culture, à travers la Direction pour la conception et la faisabilité des projets culturels, assurera le suivi des activités et des organisations partenaires.

U.4 : Ce dossier démontre la profonde implication des communautés dans le processus de candidature. Les femmes, les jeunes filles, les artisanes, les collectionneurs et les universitaires ont participé à la proposition de la candidature de l’élément pour une inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente. La communauté a fourni des matériaux, des informations, des déclarations et des preuves des savoirs et savoir-faire liés à la confection de la xhubleta. De plus, la communauté a activement pris part au processus de candidature en fournissant des déclarations, des entretiens et des preuves audiovisuelles. Des réunions individuelles et communautaires ont été organisées avec différents groupes d’intérêt afin de collecter des informations et de contribuer au formulaire de candidature. Les ONG et les membres de la communauté travailleront ensemble pour répondre aux objectifs à long terme : créer des outils, fournir des matières premières, former des groupes cibles et créer un centre pour la sauvegarde de l’élément. Le dossier de candidature contient plusieurs lettres et vidéos de consentement provenant des communautés.

U.5 :  L’élément est inscrit à trois inventaires qui sont tenus par l’Institut national de l’enregistrement du patrimoine culturel, sous l’égide du Ministère de la culture d’Albanie. Les éléments de ces inventaires sont mis à jour en fonction des besoins de la communauté, des changements identifiés ou des nouvelles procédures légales. Les demandes de mise à jour des inventaires sont proposées par les détentrices, les ONG ou les institutions professionnelles et adressées au Comité national du patrimoine culturel immatériel, qui se réunit une ou deux fois par an.

  1. Décide d’inscrire la xhubleta, savoir-faire, artisanat et formes d’utilisation sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Prend note en outre que l’Albanie a demandé une assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel, d’un montant de 91 092 dollars des États-Unis, pour mettre en œuvre le plan de sauvegarde de la xhubleta, savoir-faire, artisanat et formes d’utilisation (no01948) :

Ce programme de sauvegarde, d’une durée de deux ans, vise à soutenir les efforts déployés pour renforcer la pratique et la transmission de l’artisanat de la xhubleta dans le nord de l’Albanie. Ce programme a trois objectifs principaux : fournir l’infrastructure nécessaire à la revitalisation de l’élément, renforcer les capacités de confection des détentrices et améliorer la visibilité de la xhubleta et des valeurs du patrimoine culturel immatériel parmi les membres de la communauté. Les activités proposées consistent, entre autres, à : identifier et créer un réseau de détentrices, créer un centre de formation, acheter les métiers à tisser et le matériel nécessaire et produire de la documentation audiovisuelle sur les activités afin de soutenir les futurs efforts de sauvegarde ainsi que l’évaluation et la durabilité du projet. Afin de renforcer les capacités des parties prenantes principales, le programme organisera quatre ateliers sur le patrimoine culturel immatériel destinés aux détentrices, aux membres de la communauté et aux étudiants universitaires de la filière textile. Pour améliorer la visibilité de l’élément, une brochure, une plate-forme en ligne reprenant des entretiens avec les participants et des supports pédagogiques seront créés. Un événement local sera également organisé, événement durant lequel les détentrices pourront partager leurs connaissances, présenter l’art de la confection de la xhubleta aux communautés et sensibiliser à l’échelle nationale et internationale. Le programme sera mené à bien par le Ministère de la culture, en collaboration avec la municipalité de Malësi e Madhe, l’association « Jehona e Kelmendit », l’association « Gruaja tek Gruaja » et la fondation ARTE.

  1. Considère en outre que, d’après les informations contenues dans le dossier, la demande satisfait aux critères d’octroi de l’assistance internationale énoncés aux paragraphes 10 et 12 des Directives opérationnelles comme suit :

Critère A.1 : Les communautés, groupes et individus concernés ont pleinement participé à la préparation de cette demande. Les membres de la communauté se sont montrés actifs dès le début de la procédure : ils ont collecté des données essentielles, proposé des activités spécifiques et approuvé le plan de sauvegarde. Ils participeront aussi à la mise en œuvre de toutes les activités proposées. Les détentrices âgées participeront également aux ateliers et aideront à former, à partager et à transmettre les connaissances et savoir-faire liés à la confection de la xhubleta.

Critère A.2 : Vu les activités proposées qui devront être menées, le budget proposé est approprié. Le dossier mentionne clairement les détails, descriptions et calculs spécifiques liés au coût du projet proposé.

Critère A.3 : Les activités proposées visent à sauvegarder l’élément grâce au renforcement des capacités, à l’amélioration de la sensibilisation et de la viabilité de l’élément et à la création d’une infrastructure nécessaire à la revitalisation de l’artisanat de la xhubleta. La demande est cohérente avec les activités principales du plan de sauvegarde proposé, dont l’objectif est de faire face aux menaces identifiées qui pèsent sur l’élément. Le dossier explique également que le Ministère de la culture sera en charge de la mise en œuvre du plan avec des organisations partenaires ainsi que du suivi des activités et des rapports de ces organisations partenaires.

Critère A.4 : Le dossier explique que les résultats et les bénéfices du projet seront pérennisés grâce à l’augmentation du nombre de praticiennes. En outre, le réseau établi de personnes possédant ces savoirs et savoir-faire assurera la durabilité du plan de sauvegarde proposé. Une fois le projet terminé, le Centre de formation de la xhubleta sera accessible au grand public et géré par la municipalité de Malësi e Madhe. Les étudiants pourront participer à différents ateliers au sein du Centre de formation de la xhubleta et ainsi soutenir la transmission continue de l’élément.

Critère A.5 : L’État partie prendra en charge 9,3 % du coût total du projet, d’autres sources permettront également la prise en charge de 9,3 % du coût total. En d’autres termes, l’État partie demande une prise en charge du Fonds du patrimoine culturel immatériel à hauteur de 81,4 % du coût total du projet. La contribution de l’État partie devrait couvrir l’organisation des ateliers de renforcement des capacités et la coordination du projet ainsi que d’autres petites dépenses.

Critère A.6 : Le plan proposé contribuera à renforcer les capacités des communautés par le biais d’ateliers qui se concentreront sur les mesures de sauvegarde et le développement de politiques. De plus, le Centre de formation de la xhubleta organisera des activités et programmes de formation afin de promouvoir la transmission de l’élément. La stratégie de formation s’appuiera sur les ressources existantes et les détentrices possédant les connaissances liées à la confection de la xhubleta afin de former de nouvelles praticiennes. Les nouvelles praticiennes seront, à leur tour, capables de sauvegarder les savoirs et d’assurer la transmission de l’élément aux générations futures.

Critère A.7 : L’État partie a bénéficié de l’assistance internationale du Fonds du patrimoine culturel immatériel pour deux projets aujourd’hui terminés : (a) « Inventaire de l’isopolyphonie populaire albanaise » (24 500 dollars des États-Unis, mars 2011 – mars 2012) ; (b) assistance préparatoire (Registre de bonnes pratiques de sauvegarde) pour le projet « Le Festival folklorique national de Gjirokastra (NFFoGj), 50 ans de meilleures pratiques de sauvegarde du patrimoine immatériel albanais » (9 800 dollars des États-Unis, novembre 2018 – avril 2019) ; ainsi que pour un projet en cours : (c) « La réalisation, avec la participation des communautés, d’un inventaire du PCI en Albanie en vue de sauvegarder et le transmettre aux générations futures » (213 260 dollars des États-Unis, février 2020 – octobre 2022). Le travail décrit dans les contrats relatifs à ces projets a jusqu’à présent été effectué conformément aux réglementations de l’UNESCO.

Paragraphe 10(a) : Le projet proposé est d’ampleur nationale et implique la participation des communautés, sous l’égide du Ministère de la culture. La municipalité de Malësi e Madhe a prévu de collaborer avec plusieurs associations, une fondation et des ONG. Chacun de ces partenaires aura des responsabilités définies.

Paragraphe 10(b) : Le projet améliorera la visibilité de la xhubleta, formera de nouvelles praticiennes et fournira des outils pour cette formation et pour la confection du vêtement. Les nouvelles praticiennes pourront proposer leurs services à la communauté, en raccommodant les anciennes xhubleta et en en fabriquant de nouvelles. Des ONG et des entreprises citoyennes pourraient souhaiter investir dans la production et soutenir des projets de start-ups. Ces efforts pourraient encourager plus de membres de la communauté à participer à des formations, ce qui augmenterait le nombre de praticiennes. En outre, le Centre de formation de la xhubleta pourrait inspirer d’autres régions du pays à reproduire ce modèle.

  1. Décide d’approuver la demande d’assistance internationale de l’Albanie pour la mise en œuvre du plan de sauvegarde pour la xhubleta, savoir-faire, artisanat et formes d’utilisation et accorde à cette fin le montant de 91 092 dollars des États-Unis à l’État partie ;
  2. Invite l’État partie à utiliser le formulaire ICH-04-Rapport pour rendre compte de l’utilisation de l’assistance accordée ;
  3. Félicite l’État partie pour ce dossier bien préparé qui peut servir d’exemple de plan de sauvegarde complet visant à améliorer la viabilité d’un élément menacé et nécessitant une sauvegarde urgente ;
  4. Félicite en outre l’État partie d’avoir pris en compte la possibilité de réutilisation des matériaux et la durabilité environnementale dans le cadre de la sauvegarde de l’élément.

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