Décision du Comité intergouvernemental : 16.COM 8.b.23

Le Comité

  1. Prend note que Malte a proposé la candidature du L-Għana, une tradition du chant populaire maltais (n  01681) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

Le Għana (prononcé « ana ») est utilisé pour identifier trois types apparentés de chants populaires maltais en rimes. De nos jours, la forme de Għana la plus populaire est celle dite de « l’esprit vif », un duel improvisé entre 2 ou 4 chanteurs, où l’importance tient aux rimes, à une argumentation convaincante et à la drôlerie de la répartie. Le Għana basé sur des faits est un long poème narratif chanté par un soliste, généralement de mémoire, afin d’inscrire des événements locaux importants dans la mémoire collective. Le style Bormla du Għana est composé de paroles simples chantées dans une tessiture large et un style vocal particulier, où une seule syllabe est chantée dans une succession de notes différentes. Historiquement, ce style était souvent chanté par des femmes, mais il a perdu en popularité aujourd’hui au profit du style de l’esprit vif, plutôt pratiqué par des hommes. Des sessions de Għana sont organisées tout au long de l’année dans divers sites publics ou privés, ainsi que dans des festivals et des célébrations de plein air. Une forte complicité s’instaure entre les interprètes et le public par des échanges amicaux, car la pratique consistant à échanger des blagues et à se remémorer des expériences en commun nourrit le sentiment d’appartenance à une histoire, une communauté et une identité partagées. Faisant partie intégrante de la culture maltaise, le Għana est considéré comme essentiel à la transmission et au développement de cette langue sémitique unique qui reflète les influences arabes, italiennes et anglaises sur l’île.

  1. Considère que, sur la base des informations fournies dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

R.1 :  Jadis pratiqué principalement par des paysans, des pêcheurs et des travailleurs manuels marginalisés, le Għana est désormais adopté au niveau national et joue le rôle d’élément de cohésion des voisins et des familles. L’élément est pratiqué principalement par les hommes, mais il existe des interprètes féminines réputées. Les détenteurs sont des chanteurs, des guitaristes, des mécènes, des impresarios et des passionnés. Les compétences et les connaissances musicales sont transmises de façon informelle par le biais de l’observation et de la mémorisation dans des cadres familiers. L’élément favorise la transmission de la langue maltaise, tout en faisant appel à la sagesse populaire et en jouant le rôle de véhicule d’une critique sociale par le biais de la satire. Les chanteurs se font les porte-voix de la classe ouvrière, et l’élément fournit une plate-forme à un débat socio-politique informel et à une réflexion sur une histoire commune. Le dossier reconnaît la nécessité d’améliorer la participation des femmes.

R.2 :  Au niveau local et national, l’inscription renforcerait la sensibilisation amorcée lors du processus de consultation et de candidature. Elle sensibiliserait également davantage à la valeur des arts oraux pour pérenniser le maltais et ses dialectes locaux et pour protéger les espaces permettant une interaction intergénérationnelle. De plus, l’inscription consoliderait la collaboration entre les membres de la communauté, les agences gouvernementales et l’Université de Malte concernant la sauvegarde de l’élément et l’identification d’autres éléments à Malte. Au niveau international, la visibilité des valeurs socio-culturelles associées aux performances orales sera accrue, et permettra de les promouvoir comme des moyens pacifiques de résolution des différends, ainsi que comme outils de promotion de la démocratie participative et de la tolérance. L’élément lui-même est une pratique créative qui implique un dialogue entre les pratiquants et leurs publics.

R.3 :  Les projets de sauvegarde antérieurs et actuels englobent des actions de la communauté et de passionnés, avec l’organisation d’événements publics de sensibilisation, ainsi que la documentation et le partage d’interprétations enregistrées. L’État partie soutient actuellement diverses initiatives de sauvegarde, telles que des festivals nationaux de chants populaires et la remise d’un prix national à une interprète féminine. Les Archives nationales de Malte et l’Université de Malte ont réalisé des travaux de documentation et de diffusion en rapport avec l’élément et ont fait appel à des ghanejja, les interprètes du Għana, afin de leur faire enseigner les notions de base du Għana aux étudiants. Les mesures proposées tiennent compte des apports de la communauté, et représentent les jeunes ainsi que les femmes. Les autres mesures identifiées sont des campagnes continues dans les médias, visant à promouvoir l’accès à des lieux de représentations adaptés et l’intégration de l’élément au cursus scolaire. Différentes entités gouvernementales participeront à la mise en œuvre des mesures en collaboration avec les communautés tout en allouant des fonds accompagnant cette mise en œuvre.

R.4 :  Le dossier démontre la participation et le consentement les plus larges possibles des communautés, des groupes et des individus. L’État partie a mis au point un mécanisme et un processus de collecte d’information et de consultation. Un nombre relativement important de personnes a participé aux sessions et a pu communiquer un retour d’information sur le développement du dossier. Le dossier et la vidéo font état d’un consentement libre, préalable et éclairé. Bien qu’il n’existe pas de restrictions concernant l’apprentissage de l’élément, l’État reconnaît la valeur du consentement de la communauté et de l’éthique relative à la promotion, le partage de connaissance et la recherche.

R.5 :  L’élément est inscrit à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel, qui est administré par la Direction pour la culture du Ministère du patrimoine national, des arts et du gouvernement local. La liste est révisée tous les quatre ans, en accord avec le processus de rapport périodique. La révision commence par une demande de la Direction pour la culture adressée à la communauté à laquelle elle demande d’établir un rapport sur les éléments répertoriés.

  1. Décide d’inscrire le L-Għana, une tradition du chant populaire maltais sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
  2. Félicite l’État partie d’avoir soumis un dossier exemplaire spécifiquement en ayant proposé un moyen formel d’intégration de l’élément au cursus scolaire, et d’avoir pris des initiatives pour impliquer davantage les jeunes.

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