Décision du Comité intergouvernemental : 18.COM 8.b.22

Le Comité

  1. Prend note que les Bahamas ont proposé la candidature du Junkanoo (n  01988) en vue de son inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

Le Junkanoo est le festival culturel national des Bahamas. Datant du début du XIXème siècle, elle a été introduite aux Bahamas par des Africains réduits en esclavage, qui profitaient de ces trois jours de vacances pour recréer les festivals de leur pays d’origine. Exutoire de l’expression créative, le Junkanoo est aujourd’hui principalement célébré lors de défilés qui conservent de nombreux éléments africains et composent un grand spectacle fait de musique, de performances, de contes et d’artisanat autochtones. Le Junkanoo est une célébration de l’unité, qui rassemble des milliers de personnes de tous âges et de toutes origines dans la création d’immenses costumes colorés en carton et en papier crépon. Les costumes sont préparés dans des « shacks » (cabanes), où les praticiens exposent leur art et transmettent leur savoir aux jeunes générations. Les connaissances et les compétences liées au spectacle et à la création de costumes se transmettent également au sein des familles. L’ensemble de la communauté joue un rôle dans la préparation des jeunes à leur rite de passage dans le Junkanoo. Le Junkanoo est intégré à tous les grands événements nationaux en tant que célébration, divertissement et expression culturelle traditionnelle. Il favorise un sentiment de fierté communautaire, d’identité, de camaraderie, de spiritualité et d’unité. Le Junkanoo est une célébration de la créativité qui donne ses lettres de noblesses à l’art de faire du beau avec du bric-à-brac.

  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants pour une inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

R.1 :  L’élément est l’une des principales célébrations culturelles nationales des Bahamas et permet à la communauté de s’exprimer de manière créative sous la forme d’un défilé. Célébration de la résilience et de la créativité, l’élément inclut de la musique, des spectacles, des contes, de l’art et de l’artisanat autochtones. Sa préparation se déroule tout au long de l’année et fait intervenir des costumiers, des artisans, des artistes, des officiers, des administrateurs, des chronométreurs, des juges, des superviseurs, des surveillants et des commissions des finances. La transmission se fait dans des espaces appelés « shacks », où les membres les plus âgés de la communauté transmettent leurs compétences aux jeunes générations par le biais de rites de passage. Les familles jouent également un rôle important dans la transmission de l’élément, de même que les écoles, notamment par le biais du programme Junior Junkanoo.

R.2 :  L’inscription mettrait en avant la diversité régionale du Junkanoo. Des bureaux culturels seront ouverts, ce qui permettra de mieux faire connaître le Junkanoo et le patrimoine culturel immatériel en général. Le patrimoine vivant sera promu comme un moyen de développer l’économie culturelle locale. L’inscription encouragerait le gouvernement national à promouvoir la visibilité et la sensibilisation au patrimoine culturel immatériel et aux ateliers, séminaires, réunions et autres événements culturels qui s’y rapportent. Au niveau international, l’inscription permettrait également de promouvoir le patrimoine vivant en général et de mieux faire connaître le Junkanoo dans le monde entier. Elle entraînerait également la création d’emplois. Le Junkanoo faisant partie intégrante du tissu social et religieux des Bahamas, l’inscription favoriserait également le dialogue tout en suscitant la fierté et en encourageant les efforts de sauvegarde. L’inscription permettrait de mettre en évidence les différentes expressions régionales du Junkanoo tout en reconnaissant et en valorisant les traits communs. En outre, l’inscription du Junkanoo mettrait en évidence cette expression culturelle post-esclavagiste, donnant ainsi plus de poids à la diaspora africaine. Il peut également soutenir le développement durable dans le contexte de la cible 8.9 des Objectifs de Développement Durable sur les politiques de promotion du tourisme durable.

R.3 :  L’élément reste viable grâce à sa pratique par les groupes de Junkanoo à travers les îles. Il existe des « shacks » ou cabanes communautaires qui servent de studios et d’établissements informels de formation au Junkanoo. Le Ministère de la jeunesse, des sports et de la culture a créé un comité national du Junkanoo, qui conseille le ministre et a la responsabilité du Junior Junkanoo. Un secrétariat sur le Junkanoo a été créé en 1992 et a organisé des expositions et des programmes d’été, assuré des parrainages et coordonné des activités de recherche et de documentation. Les mesures de sauvegarde proposées tiennent compte des menaces telles que la dégradation de l’artisanat et l’appropriation culturelle. Les mesures consistent à soutenir les initiatives des communautés associées au Junkanoo, à augmenter le nombre de défilés pour le Junkanoo, à financer la recherche universitaire et à préserver le Junkanoo traditionnel. L’État partie fournira des fonds et des subventions foncières et procédera à des réformes législatives. Le comité Junkanoo - qui comprend des représentants de l’État et de la communauté - a pris part au processus de candidature, garantissant que les groupes de Junkanoo et les communautés de l’ensemble des Bahamas soient informés et impliqués dans le processus. 

R.4 :  La préparation du dossier a été accompagnée par un ensemble de parties prenantes telles que le Ministère de la jeunesse, des sports et de la culture, le comité national du Junkanoo, le comité du Junkanoo de New Providence et les participants au Junkanoo dans leur ensemble. Le comité a activement recherché les contributions et le consentement libre, préalable et éclairé des communautés, groupes et individus concernés. Un grand nombre de lettres de consentement sont joints au dossier de candidature. En tant qu’activité basée sur les communautés, les pratiques coutumières du Junkanoo sont transmises de génération en génération. Les individus peuvent percevoir certains aspects de leur pratique comme secrets, mais cela n’empêche pas la candidature du Junkanoo au patrimoine culturel immatériel.

R.5 :  L’inventaire est inclus dans l’ébauche de la politique culturelle nationale. La Commission culturelle nationale récemment créée s’occupe actuellement d’apporter des amendements au projet, qui sera présenté au Parlement pour être formellement adopté en tant que texte de loi. Au sein du Ministère de la jeunesse, des sports et de la culture, la Division consacrée à la culture en est l’organe responsable et a joué un rôle déterminant en réunissant les acteurs du Junkanoo pour compiler des documents d’archives, des récits oraux et de la documentation pour l’inventaire national. L’inventaire est mis à jour chaque année, car les groupes de Junkanoo documentent leur participation annuelle et fournissent ces informations à la Division de la culture.

  1. Décide d’inscrire le Junkanoo sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité ;
  2. Rappelle l’importance d’utiliser un vocabulaire conforme à l’esprit de la Convention et d’éviter des expressions telles que « unique » et « authentique » ;
  3. Encourage l’État partie à prêter attention au risque potentiel de décontextualisation et de commercialisation excessive de l’élément, et à veiller à ce que toute conséquence involontaire soit surveillée et bien gérée après l’inscription de l’élément.

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