Décision du Comité intergouvernemental : 16.COM 8.a.2

Le Comité

  1. Prend note que l’Estonie a proposé la candidature de la construction et l’utilisation des pirogues monoxyles expansées dans la région de Soomaa (n  01680) pour inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente : La pirogue estonienne de la région de Soomaa est une embarcation semblable à un canoë creusée à partir d’un seul tronc d’arbre (généralement un tremble), qui se caractérise par des parois expansées et une base peu profonde. La construction d’une pirogue est un processus complexe, qui va de la recherche du bon arbre à la mise à l’eau. La construction de pirogues est une activité communautaire à laquelle participent des maîtres et des apprentis. La pratique se transmet par l’apprentissage et par des études formelles, et s’accompagne de récits narrant les épopées des maîtres légendaires et de leurs bateaux. Les pirogues constituent un élément fondamental de la culture quotidienne des habitants de Soomaa. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, elles étaient utilisées quotidiennement comme moyen de transport et pour la pêche. Avec l’apparition de bateaux plus modernes et moins coûteux, ainsi que le développement des réseaux routiers, les pirogues ne sont plus aussi indispensables à la vie quotidienne. Malgré leur importante charge culturelle et leur utilisation récréative (par exemple, pour les excursions dans la nature et la pêche de loisir), cet élément reste menacé par des facteurs tels que la non transmission des connaissances entre les maîtres et les apprentis, la faible demande de construction et d’utilisation des bateaux, la disponibilité limitée des matières premières et le déclin des populations dans la région de Soomaa. Par conséquent, seuls cinq maîtres-praticiens subsistent encore et une ou deux pirogues par an seulement ont été construites ces deux dernières décennies.
  1. Considère que, d’après les informations contenues dans le dossier, la candidature satisfait aux critères suivants d’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente: 
U.1 : L’élément ne compte que cinq maîtres-praticiens, tous âgés de quarante à soixante ans. En outre, seule une quarantaine d’hommes possèdent une certaine expérience en matière de construction de pirogues. Bien que, traditionnellement, les femmes ne participent pas à la construction de pirogues, les femmes les utilisent et les maîtres-praticiens acceptent qu’elles soient initiées à ce savoir-faire. Les pirogues servent de moyen de transport pendant la période des inondations dans la communauté de Soomaa, qui compte 850 personnes. Elles sont également présentes dans le bassin fluvial de Pärnu, sur le fleuve de Kasari, dans la baie de Matsalu (Estonie occidentale), sur la rivière Emajõgi et sur son affluent, la rivière Ahja (Estonie orientale). Le processus de construction d’une pirogue va de la recherche du bon arbre, le façonnage de la pirogue, l’élargissement des côtés, à la mise à l’eau. Les maîtres exercent leur activité principale dans divers domaines, de l’agriculture au monde universitaire en passant par le commerce, et vivent dans toute l’Estonie. Depuis les années 2000, une ou deux pirogues sont construites chaque été, généralement sous la direction d’un ou deux maîtres accompagnés de cinq ou six apprentis. Des études scientifiques, ainsi que des activités culturelles organisées par les musées, ont permis de continuer à transmettre les connaissances. Ainsi, les étudiants peuvent étudier la construction de pirogues à l’Académie culturelle Viljandi de l’Université de Tartu. L’utilisation et la construction des bateaux ont une fonction de loisir et d’échange patrimonial entre les détenteurs.

U.2 : La viabilité de l’élément est menacée, car seules une ou deux embarcations par an sont construites. La tradition suscite également peu d’intérêt chez les jeunes. Les principales menaces qui pèsent sur l’élément sont les suivantes : le nombre limité de maîtres-praticiens tel qu’identifiés au critère U.1, le manque de transfert de connaissances entre les maîtres et les apprentis, la faible demande de construction et d’utilisation de bateaux, la disponibilité limitée des matières premières et le déclin des populations dans la région de Soomaa. D’après le dossier, la viabilité de l’élément pourrait perdurer pendant les dix à vingt prochaines années, mais elle est incertaine au-delà de cette période. Collectivement, les menaces mentionnées dans le dossier indiquent que l’élément est en péril et nécessite une sauvegarde urgente pour assurer sa viabilité à long terme.

U.3 : Le plan de sauvegarde proposé est bien structuré. Les objectifs sont mis en corrélation avec les actions prévues, le calendrier de mise en œuvre et le budget. On note également une ferme volonté de la part des principaux acteurs concernés et de l’État partie à mener le projet à bien. L’objectif principal est d’assurer la viabilité de l’élément dans les décennies à venir en formant un nombre défini de maîtres-piroguiers. Six objectifs spécifiques sont décrits dans le plan, notamment la transmission des connaissances à la prochaine génération, la revitalisation de l’utilisation de la pirogue, la sensibilisation, l’engagement de la communauté, le façonnement des pratiques forestières associées à l’élément, et le renforcement des capacités de la Société estonienne de la pirogue monoxyle.

U.4 : Le dossier démontre que les communautés concernées ont été impliquées tout au long du processus de candidature, y compris lors de séances de brainstorming, d’ateliers, de consultations, de réunions, d’événements et de rassemblements. Bien que des lettres de consentement standard avec signatures aient été adjointes au dossier, quarante-huit personnes ont manifesté leur consentement libre, préalable et éclairé à la mise en œuvre du projet. Environ deux tiers d’entre elles représentent les communautés locales de Soomaa (y compris les habitants des villages de Tipu, Riisa et Sandra), tandis que le dernier tiers rassemble les personnes impliquées dans la protection et la promotion de la culture de la pirogue à travers l’Estonie. Les lettres de consentement signées ont été précédées de présentations sur le processus de candidature. Aucune pratique coutumière ne limite l’accès à cet élément, qui est ouvert à une participation inclusive.

U.5 : L’élément a été inscrit en 2016 dans l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de l’Estonie, géré par l’Eesti Rahvakultuuri Keskus (Centre estonien de la culture populaire) et mis à jour tous les cinq ans. L’élément, qui est inscrit sous le nom de « Construction de pirogues monoxyles expansées de Soomaa », a été mis à jour en janvier 2020. L’inventaire est mis à jour dès lors que de nouvelles recherches sont réalisées suite à des entretiens avec des praticiens et à l’observation d’événements connexes.

  1. Décide d’inscrire la construction et l’utilisation de la pirogue monoxyde expansée dans la région de Soomaa sur la Liste du patrimoine culturel immatériel nécessitant une sauvegarde urgente ;
  2. Félicite l’État partie pour la qualité exemplaire du dossier et de la vidéo préparés, qui reflètent l’esprit de la Convention ;
  3. Félicite en outre l’Etat partie pour la mise en œuvre proactive des activités de sauvegarde.

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