Décision du Comité intergouvernemental : 13.COM 10.b.16

Le Comité

  1. Prend note que l’Indonésie et la Malaisie ont proposé la candidature du pantun, tradition orale malaise (n  01407) pour inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité :

Le pantun, tradition orale malaise, est une forme poétique traitant généralement du thème de l’amour. Le pantun, considéré comme l’esprit qui rassemble les différents aspects et communautés de la vie malaise, décrit les idées et pensées qui sont essentielles à la sagesse locale des populations. Imprégné de messages moraux, le pantun est transmis aux auditeurs sous la forme de strophes de quatre vers respectant un rythme croisé sous la forme ABAB. Il peut être exprimé oralement, en musique ou en chanson. Les premiers et deuxièmes vers servent d’introduction – ils décrivent la nature, le vécu et la sagesse qui en résulte – tandis que les troisièmes et quatrièmes renferment le message proprement dit. Traditionnellement, l’introduction évoque la flore, la faune ou la nature environnante. Pour la communauté malaise, le pantun est un instrument de conseil et de soutien du fait de sa forte teneur sociale. Il véhicule également d’importantes valeurs humaines telles que l’équilibre, l’harmonie et la flexibilité. Le pantun demeure populaire et pertinent pour trois raisons principales : il est diplomatique, démocratique et sert souvent d’instrument de résolution des conflits. La pratique s’est principalement développée dans le cadre des activités quotidiennes et du système éducatif. Au niveau des communautés, le pantun est encore pratiqué dans certaines occasions telles que les fêtes de fiançailles et de mariage.

  1. Décide que, d’après l’information contenue dans le dossier, la candidature satisfait au critère d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité suivant :

R.1 :  Le pantun transmet un message social et d’importantes valeurs morales et religieuses. Il constitue par conséquent un moyen de communication, un guide et un soutien pour ses praticiens. Bien que le pantun soit lié au passé, ses usages sociaux contemporains ne se limitent pas à des représentations traditionnelles ni à des espaces socioculturels. Le pantun peut être présent sous différentes formes modernes, y compris de discours politiques, de panneaux de signalisation ou de présentations médiatiques. L’éducation formelle complète avec succès les modes de transmission traditionnels. Le pantun constitue donc un élément essentiel du patrimoine culturel immatériel des populations malaises et est porteur de belles perspectives d’avenir.

  1. Décide en outre que l’information contenue dans le dossier n’est pas suffisante pour permettre au Comité de déterminer si les critères d’inscription sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité suivants sont satisfaits :

R.2 :  L’inscription du pantun pourrait permettre de promouvoir le respect des traditions et expressions orales au niveau international, et plus particulièrement de la poésie. Toutefois, le dossier se concentre principalement sur les bénéfices escomptés de cette inscription pour l’élément et sa communauté de praticiens et n’explique pas comment il pourrait sensibiliser au patrimoine culturel immatériel en général ni promouvoir la diversité culturelle. De plus, le dossier insiste sur « l’unicité » du patrimoine malais et sur la perspective d’utiliser le pantun comme une nouvelle attraction touristique, deux idées contraires à l’esprit de la Convention qui encourage le respect mutuel et la coopération internationale entre les communautés.

R.3 :  Les mesures de sauvegarde passées et prévues sont principalement organisées par l’État et négligent la communauté autour de l’élément ainsi que la nature spontanée de sa pratique et de sa transmission. Les plans de sauvegarde soumis par la Malaisie et l’Indonésie diffèrent assez largement, ce qui laisse supposer une collaboration insuffisante entre ces États parties. Bien que le dossier affirme que les mesures de sauvegarde ont fait l’objet de discussions avec les communautés de praticiens, leur participation au processus de planification semble avoir été relativement limitée. Le plan de sauvegarde déclare que le pantun devrait être protégé d’effets négatifs en « le transformant en une performance normée et répétitive » ce qui pourrait mener à « figer » ou à décontextualiser l’élément de manière peu opportune.

R.4 :  Le dossier décrit plusieurs réunions qui se sont tenues avec les autorités gouvernementales, des chercheurs, des communautés et des ONG. Toutefois, la nature de la plupart de ces réunions reste inconnue et la participation des communautés fait défaut puisque leur lien avec le processus de candidature reste flou, tout comme le rôle des praticiens impliqués. Un consentement a été obtenu dans les territoires des deux États parties et englobe de multiples parties prenantes, allant des gouvernements nationaux et régionaux aux ONG, en passant par les communautés locales. La communauté des praticiens du pantun étant extrêmement large, le processus de sélection des représentants invités aux réunions devrait être clairement décrit et leur capacité à s’exprimer au nom des autres devrait être démontrée. La forme standardisée de nombreux consentements des communautés suscite des interrogations quant au niveau de sensibilisation et de compréhension du sens de ce consentement et de ses conséquences.

R.5 :  L’élément fait partie de deux inventaires du patrimoine culturel immatériel présents dans les territoires des États parties soumissionnaires. Cependant, le dossier ne contient que des informations très générales quant à la mise à jour des inventaires, et la participation des communautés dans le processus d’inventaire n’est pas du tout expliqué.

  1. Décide de renvoyer la candidature du pantun, tradition orale malaise aux États parties soumissionnaires et les invite à resoumettre la candidature au Comité pour examen au cours d’un cycle ultérieur ;
  2. Invite en outre les États parties à impliquer le plus largement possible les communautés, les groupes et les individus concernés par le processus de candidature lors de la préparation de futurs dossiers de candidature et à veiller à ce qu’ils soient au premier plan de toutes les mesures de sauvegarde ;
  3. Recommande aux États parties, s’ils souhaitent resoumettre la candidature au cours d’un cycle ultérieur, d’améliorer la qualité formelle du dossier de candidature, notamment sa qualité linguistique, et de fournir les sous-titres en anglais et/ou en français des vidéos de manière à ce que les textes dits et les messages des intervenants soient compréhensibles ;
  4. Invite par ailleurs les États parties, lorsqu’ils font référence au patrimoine culturel immatériel, à éviter l’usage d’un vocabulaire et de concepts inappropriés, tels que le concept d’« unicité », qui pourraient induire une hiérarchie entre les expressions du patrimoine vivant et ainsi aller à l’encontre de la définition du patrimoine culturel immatériel de l’article 2.1 de la Convention ainsi que de l’objectif de la Liste représentative de favoriser le dialogue dans le respect de la diversité culturelle (article 16 de la Convention).

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