L’organe national en charge de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est le Département du patrimoine culturel (DPC), qui dépend du Ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme (MCST). Au sein du DPC, une Division de gestion du patrimoine culturel immatériel a été créée. Celle-ci est responsable de la gestion par l’état du patrimoine culturel immatériel au niveau national. Ses responsabilités sont, entre autres : élaborer des politiques et des procédures de sauvegarde et de promotion ; évaluer les dossiers de candidature à l’inscription sur les listes de la Convention ; évaluer les candidatures soumises pour la reconnaissance d’artistes ayant contribué de façon significative à la sauvegarde, la présentation et la transmission du patrimoine culturel immatériel ; renforcer la coopération internationale dans le domaine de la sauvegarde et de la promotion du patrimoine culturel ; et suivre les activités des associations, organisations non gouvernementales et individus intervenant dans la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel, conformément aux réglementations légales. Chacun des 63 Départements provinciaux de la culture, des sports et du tourisme (DPCST) a établi une unité ou une division en charge du patrimoine culturel immatériel. Le cadre légal de la sauvegarde – la Loi de 2001 sur le patrimoine culturel – a été modifié en 2009 afin d’être conforme à la Convention de 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, puis en 2010 par une circulaire réglementant l’inventaire du patrimoine culturel immatériel et la création d’une liste nationale. Une autre circulaire est en cours de préparation, elle concerne la reconnaissance et les avantages accordés aux détenteurs du patrimoine à qui seront décernés les titres honoraires de « maître-artiste » et de « maître d’excellence » de l’art populaire.
La formation à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est dispensée par plusieurs universités et instituts. Les Universités de la culture de Hà Nội et de Hồ Chí Minh Ville sont des établissements d’enseignement (dépendant du MCST) pour le personnel en charge de la gestion de la culture, qui dispensent des formations de niveau universitaire (premier, deuxième et troisième cycles). La plupart des diplômés de ces universités travaillent comme chercheurs ou comme responsables des départements du patrimoine culturel des DPCST, des musées de province, des comités de gestion ou des divisions de la culture au niveau des districts ou des communes. Un enseignement de premier et deuxième cycles universitaires en ethnologie, folklore et autres matières en lien avec la culture est proposé par les Universités nationales des sciences sociales et des humanités de Hà Nội et de Hồ Chí Minh Ville et une formation de troisième cycle est dispensée par des instituts spécialisés. L’Institut vietnamien d’études culturelles et artistiques (acronyme anglais : VICAS), sous les auspices du MCST, est responsable des activités de recherche et des études de troisième cycle universitaire, notamment la formation doctorale en arts et culture. L’Institut d’études culturelles, l’Institut d’études Hán-Nôm, et l’Institut du développement durable, trois établissements sous les auspices de l’Académie vietnamienne des sciences sociales, proposent également des diplômes de troisième cycle pertinents en matière de patrimoine culturel immatériel. La DPC a également organisé des séminaires de grande envergure pour sensibiliser les fonctionnaires à la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, renforcer leurs capacités à sauvegarder le PCI et à compléter les dossiers d’inscription sur la Liste nationale du patrimoine culturel immatériel. Entre 2007 et 2012, 350 fonctionnaires locaux ont été formés ce qui a sensiblement renforcé les capacités des fonctionnaires locaux et des communautés à tous les niveaux.
Les bureaux et institutions susmentionnés interviennent tous dans la documentation du patrimoine culturel immatériel. La documentation est principalement entre les mains du VICAS et de l’Institut vietnamien de musicologie, et bénéficie d’une subvention conséquente du budget régulier du gouvernement et du Programme national ciblé sur la culture. Plus de cent musées - nationaux et provinciaux – participent à la recherche, l’étude, l’inventaire et la documentation du patrimoine culturel immatériel. Parmi ces musées, l’un des plus importants est le Musée vietnamien d’ethnologie. La documentation est également le travail des organisations non gouvernementales telles que l’Association vietnamienne du patrimoine culturel et l’Association des folkloristes vietnamiens. Quinze banques de données satellites, reliées à une unité centrale, ont également été installées dans les DPCST ou les musées provinciaux de 15 provinces et villes du pays. Ces banques de données sont destinées à collecter et archiver des données et diffuser des informations sur la sauvegarde et la promotion du patrimoine culturel immatériel. Sur demande, les personnes et les organisations ont accès à ces bases de données.
Au Viet Nam, l’inventaire du patrimoine culturel immatériel est réalisé depuis plusieurs décennies par plusieurs institutions telles que le VICAS, l’Institut vietnamien de musique et l’Institut d’études culturelles. Toutefois, ce travail est plus orienté vers la recherche et la collecte de données que la sauvegarde, et chaque institution a adopté ses propres méthodes, critères, définitions et classifications. En 2008, afin d’évaluer l’état des inventaires du patrimoine culturel immatériel existants, un atelier international intitulé « Inventaires du patrimoine culturel immatériel au Viet Nam, enseignements tirés » a été organisé avec le soutien de l’UNESCO. Cet atelier a réuni des représentants des organes d’état, des organisations non gouvernementales, des autorités locales et des fonctionnaires. Le MCST a ensuite publié la Circulaire No 04/2010/TT-BVHTTDL, en date du 30 juin 2012, réglementant « la réalisation de l’inventaire du patrimoine culturel immatériel et les dossiers des éléments du patrimoine culturel immatériel à inscrire sur la Liste nationale du PCI ». Les autorités locales sont en charge d’établir des Comités d’inventaire du patrimoine culturel immatériel, qui seront dirigés par les Directeurs des DPCST. Ces comités seront, entre autres, constitués de représentants des musées provinciaux et des Conseils populaires des districts et des communes, d’organisations non gouvernementales et de membres des communautés concernées. Chaque province doit mener des enquêtes de terrain, réaliser des entretiens, collecter des données et des informations publiées, documenter le PCI et faire un rapport annuel au MCST pour présenter ses résultats. Tous les dossiers originaux des éléments inventoriés du patrimoine culturel immatériel, sont archivés et stockés dans les bureaux des DPCST. La circulaire est actuellement mise en œuvre dans plus de 40 provinces et villes.
La circulaire précise également que les provinces peuvent soumettre l’inscription d’un élément sur la Liste nationale du patrimoine culturel immatériel une fois qu’il a été inventorié. Pour être inclus dans la Liste nationale, les éléments du patrimoine culturel immatériel doivent satisfaire aux critères suivants : (1) représenter et constituer l’identité de la communauté et de la localité concernées ; (2) représenter la diversité culturelle et la création humaine héritée et transmise de génération en génération ; (3) respecter les exigences de viabilité et de durabilité ; et (4) obtenir le consentement de la communauté concernée qui participe également à la candidature et s’engage à sauvegarder l’élément du patrimoine culturel immatériel. Une fois soumises, les candidatures sont évaluées par une commission scientifique qui recommande leur inclusion dans la Liste nationale. La DPC crée actuellement une plateforme en ligne sur laquelle les fonctionnaires locaux et les communautés peuvent mettre à jour les informations concernant leur propre patrimoine culturel immatériel, pendant et après la procédure d’inscription.
Afin de promouvoir la fonction du patrimoine culturel immatériel dans la société, la DPC a apporté son aide aux communautés locales dans leurs actions de renforcement et de diffusion de leur patrimoine culturel immatériel, en soutenant des projets de sauvegarde et en organisant des représentations conjointes, tant au niveau national qu’international. La DPC a également mis en œuvre des projets en lien avec le patrimoine culturel immatériel. Par exemple, en 2002, en collaboration avec le Musée vietnamien d’ethnologie, elle a mené une enquête sur cinq villages situés à Hà Nội et dans les régions aux alentours, détenteurs d’un artisanat traditionnel menacé de disparition. L’objectif de cette initiative était de former les étudiants tout en sauvegardant et mettant en avant de façon pérenne les villages détenteurs d’artisanat. Afin de promouvoir et de transmettre le patrimoine culturel immatériel, les autorités locales, au niveau des districts et des communes, organisent des concours, des festivals et des représentations conjointes du patrimoine culturel immatériel. À un niveau plus élevé, tous les deux ou trois ans, les agences provinciales et nationales organisent des festivals et des représentations du patrimoine culturel immatériel. Depuis plus de 40 ans, avec le soutien du gouvernement et d’autres organisations non gouvernementales, l’Association des folkloristes vietnamiens a mené 4 000 activités de recherche et de collecte en lien avec la culture traditionnelle et populaire des minorités ethniques vietnamiennes. Le résultat est une « revitalisation » de nombreux éléments du patrimoine culturel immatériel qui se concrétise, entre autres, par 38 festivals des traditions des minorités ethniques.
En ce qui concerne l’éducation, de 2006 à 2007, en collaboration avec le Musée vietnamien d’ethnologie et avec le soutien technique d’experts internationaux, la DCP a développé un projet pilote sur « l’élaboration de méthodes pour intégrer l’éducation au patrimoine culturel immatériel dans l’enseignement formel des écoles de Hà Nội ». Des éléments du patrimoine culturel immatériel ont été intégrés à certains sujets du programme de sciences naturelles. Par exemple, les marionnettes sur l’eau ont été utilisées pour illustrer comment différents objets flottent, un instrument de musique monocorde (đàn bầu) a également été utilisé pour expliquer le développement des ondes sonores, et les réactions chimiques ont été étudiées en présentant la vieille tradition vietnamienne qui consiste à mâcher du bétel et de l’arec. Cette approche, une méthode innovante d’enseignement et d’apprentissage au Viet Nam, n’a pas seulement permis aux élèves d’acquérir des connaissances sur le patrimoine culturel immatériel mais elle a également rendu les cours de différentes matières plus vivants, les rendant ainsi plus faciles à comprendre et à retenir. Au Viet Nam, les formes traditionnelles de transmission du patrimoine culturel immatériel au sein des familles et des associations de praticiens sont encore très actives, certaines guildes (p. ex. la guilde du Thang Long Ca tru) soutiennent leurs praticiens les plus âgés.
La coopération bilatérale a été mise en œuvre avec des pays de la région (Corée, Japon, Indonésie). La coopération est également active avec la Belgique dans le cadre de la création d’un itinéraire touristique du patrimoine culturel immatériel, et avec les USA et les états du Mékong pour un projet quadriennal (2004-2007) intitulé : « Le Mékong : lien entre les cultures », destiné aux fonctionnaires et aux communautés de ces pays et dont l’objectif est d’étudier en commun le patrimoine culturel immatériel et de renforcer les capacités des pays à l’identifier.
Le Viet Nam fait ici rapport sur quatre éléments inscrits sur la Liste représentative : le Nha Nhac, musique de cour vietnamienne (incorporé en 2008 après avoir été proclamé chef d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité en 2003) ; l’espace de la culture des Gongs (également incorporé en 2008 après avoir été proclamé chef d’œuvre en 2005) ; les chants populaires du Quan họ Bắc Ninh (2009) ; et les fêtes de Gióng des temples de Phù Ðổng et de Sóc (2010). L’érosion des valeurs traditionnelles et les effets négatifs du tourisme et du développement commercial ont fait du Nha Nhac une pratique sur le point d’être dénaturée (avec des chansons raccourcies et reconfigurées afin de s’intégrer dans les programmes des touristes ou de s’adapter au niveau de compréhension des visiteurs) ; la restauration des instruments et des costumes est rendue difficile par les compétences traditionnelles et les techniques de production nécessaires et par le manque d’informations. Même si l’espace de la culture des Gongs bénéficie encore d’un grand nombre de praticiens, l’urbanisation a eu des effets négatifs sur la viabilité de l’élément, de même que les changements observés dans les méthodes de culture, les modes de vie, les coutumes et les croyances, etc. Certains groupes minoritaires ont abandonné leurs croyances traditionnelles au profit de religions nouvellement introduites dans le pays, abandonnant ainsi la pratique de la culture des Gongs. Les provinces de Bắc Ninh et de Bắc Giang ont mis en œuvre plusieurs programmes pour intégrer le Quan ho dans le programme scolaire officiel et former les professeurs de musique. Un projet est actuellement élaboré pour étudier la situation des lieux de cérémonie religieuse du Thanh Gióng dans les communes de Phù Đổng et de Phù Linh et promouvoir le festival afin de développer le tourisme durable dans les districts de Gia Lâm et Sóc Sơn de Hà Nội.