La Suisse étant un état fédéral composé de 26 cantons, chacun d’entre eux a ses propres organes compétents pour la mise en œuvre de la Convention de 2003 et, bien qu’il y ait des structures nationales et régionales de coordination, chaque canton définit ses propres politiques en la matière. Au niveau fédéral, la section Culture et société de l’Office fédéral de la culture (OFC) est l’organe compétent. Un nouveau poste, un budget dédié pour la période 2012-2015 et un programme établi conjointement avec les autres institutions culturelles fédérales ont été mis en place. Au sein de l’OFC, des groupes de travail sur divers aspects de la sauvegarde ont été mis en place en respectant un équilibre entre les experts, les régions et la société civile. Ces groupes travaillent en étroite collaboration avec la Commission nationale suisse auprès de l’UNESCO. Au niveau régional, le Grand conseil du canton de Vaud a adopté, en 2014, une Loi sur le patrimoine mobilier et immatériel qui prévoit la création d’un poste de conservateur du patrimoine culturel immatériel et l’établissement d’un fonds pour le patrimoine immatériel et mobilier. Le canton de Genève a intégré le patrimoine culturel immatériel à sa Loi sur la culture (2013) afin de garantir la transmission, la conservation et la mise en valeur de ce patrimoine, et la Loi sur la culture (2010) du canton d’Argovie fait du patrimoine culturel immatériel un nouveau domaine de la culture à soutenir. D’autres cantons ont créé des commissions d’experts gouvernementaux et non-gouvernementaux, recruté du personnel en charge de la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ou confié cette responsabilité à des musées.
Au niveau fédéral, aucun organe spécifique n’a été créé afin de dispenser la formation mais plusieurs mesures ont été prises afin d’améliorer les capacités de gestion des institutions concernées. Ces mesures viennent compléter les mécanismes traditionnels de transmission proposés par les universités et les institutions culturelles. Par exemple, le Centre de formation de Ballenberg renforce les capacités des praticiens par la transmission intergénérationnelle des techniques artisanales. Au niveau régional, plusieurs initiatives de formation ont été mises en œuvre par des institutions universitaires et culturelles.
En ce qui concerne la documentation, l’OFC a créé, lors de la réalisation de l’inventaire en 2012, un site web en cinq langues destiné à renforcer l’importance du patrimoine culturel immatériel en Suisse. Le site web propose des dossiers de documentation sur tous les éléments inscrits à l’inventaire national, ce travail de documentation est le fruit de l’étroite collaboration entre les autorités fédérales, les experts, et les communautés, groupes et individus qui conservent et transmettent le patrimoine. La Bibliothèque nationale, les Archives sonores nationales, le Musée national et les Lexiques nationaux ont joué un rôle important dans la documentation du patrimoine. Au niveau régional, des institutions telles que le Centre de dialectologie et d’ethnographie (Tessin), le Centre de musique populaire (Appenzell) et le Musée ethnographique (Neuchâtel) sont remarquables pour l’intérêt dont elles ont fait preuve envers le patrimoine culturel immatériel au cours des dernières années. Un grand nombre de bibliothèques cantonales, d’universités, d’archives nationales, de musées et autres centres d’expertise se sont mobilisés en faveur de la documentation et ont, dans certains cas, développé des partenariats dynamiques afin de documenter le patrimoine culturel immatériel tant au niveau national que régional et local.
Comme pour les autres mesures de sauvegarde, les inventaires existent aux niveaux national et régional. Au niveau fédéral, il y a un inventaire national dénommé Liste des traditions vivantes de Suisse (dressé entre 2010 et 2012 dans les 26 cantons) et un Inventaire spécialisé du patrimoine culinaire suisse (dressé entre 2004 et 2009 dans 24 cantons). Au niveau régional, six cantons ont leurs propres inventaires.
L’inventaire national établit des catégories conformes aux cinq domaines définis par la Convention de 2003 et classe les éléments selon la(les) région(s) dans la(les)quelle(s) l’élément est pratiqué. La Convention influence également les critères de sélection auxquels s’ajoutent les notions d’unicité et de représentativité appliquées afin de restreindre le nombre d’éléments inscrits lors de cette étape initiale. La viabilité des éléments est prise en compte, y compris les mesures de sauvegarde mises en œuvre et les menaces qui affectent la viabilité de chaque élément. Les autorités fédérales et les cantons ont tous participé au processus d’inventaire. Alors que les cantons étaient en charge de l’identification des éléments et de leur inventaire, les autorités fédérales ont coordonné le processus global, notamment en établissant un groupe de pilotage en charge de l’évaluation des soumissions faites par les cantons, de l’aspect technique, graphique et éditorial de l’inventaire, de sa traduction et de sa publication en ligne. Un groupe de travail a été chargé du suivi de l’inventaire, les modalités de mise à jour sont d’ailleurs en cours de discussion sur la base d’une récente évaluation. L’approche fédérale est extrêmement décentralisée ce qui facilite la participation des communautés au niveau cantonal. Le niveau de participation des communautés est variable mais un site web accessible au public a été créé en 2010 afin de favoriser la participation directe de la société civile.
On observe de grandes différences entre les inventaires régionaux dans les cantons. Les critères d’inclusion varient selon les régions (par ex. le canton de Vaud prend en compte la continuité, l’unicité et la vitalité tandis que dans le canton de Fribourg, la transmission, la création d’un lien social et la reconnaissance des détenteurs au niveau local ou cantonal sont des critères). Certains cantons ont suivi la forme et les approches du modèle national (par ex. Vaud et Fribourg) alors que d’autres cantons ont créé leurs propres modèles (Argovie-Soleure, Valais et Berne). Dans certains cas, il n’existe pas d’inventaire régional public, des approches interrégionales ont alors été adoptées (comme dans les régions du centre et de l’est de la Suisse). Il en va de même pour la mise à jour des inventaires qui varie selon les régions, en particulier parce qu’une stratégie nationale en la matière reste à définir. L’objectif de participation des communautés aux inventaires est atteint de différentes façons selon les régions, par les réseaux de villes, de musées et d’associations et l’appel direct aux soumissions. Dans la plupart des régions, des représentants des organisations non gouvernementales ont participé aux groupes de travail établis pour réaliser l’inventaire, ces groupes ont fourni de nombreuses descriptions des éléments inscrits. Les populations locales (comme à Fribourg) ont également participé à ce travail par l’entremise d’associations culturelles ou locales.
En ce qui concerne les mesures de sauvegarde au niveau national, la Loi sur l’encouragement de la culture (2009) établit le cadre juridique général qui favorise l’accès et la participation des communautés à la vie culturelle. Un programme prioritaire « Traditions vivantes » (2012-2015) a été lancé par l’OFC afin d’encourager la diffusion et la promotion des traditions vivantes. Des expositions ont été accueillies au Musée national et à la Bibliothèque nationale. Afin de promouvoir le rôle du patrimoine culturel immatériel dans la société, la Commission nationale auprès de l’UNESCO a organisé des forums de sensibilisation, destinés aux acteurs du patrimoine et aux éducateurs, consacrés à l’Inventaire national et à l’importance de la sauvegarde du patrimoine vivant pour les systèmes éducatifs formel et informel. La publication de l’Inventaire national sur un site web dédié est en soi une action de sensibilisation, et une campagne nationale de promotion a été lancée afin de présenter les éléments au public et de sensibiliser ce dernier à ce patrimoine.
La fondation culturelle Pro Helvetia soutient la culture populaire (musique, théâtre et danse) et a recours à des méthodes innovantes telles que la création de nouvelles œuvres, la réunion de groupes internationaux de musiques populaires à l’occasion de festivals, le soutien de jeunes interprètes talentueux dans le cadre d’échanges extrascolaires interrégionaux et le financement de projets d’associations actives dans le maintien de la culture populaire suisse.
L’OFC encourage la recherche sur le patrimoine culturel immatériel en Suisse, orientée vers la production de résultats concrets tels que la rédaction d’un guide pratique pour la collaboration entre les détenteurs, les communautés et les acteurs du tourisme pour le développement durable. Il organise également des conférences scientifiques sur des sujets tels que la présentation et la médiation du patrimoine culturel immatériel, et il publie les comptes rendus de plusieurs réunions scientifiques indépendantes. En 2011, l’OFC a publié une étude sur l’artisanat traditionnel en collaboration avec le Secrétariat d’État à l’éducation, la recherche et l’innovation.
À ce jour, il n’existe aucune structure en charge de l’éducation ou de la formation au sein des communautés concernées au niveau national, mais le Centre de formation de Ballenberg bénéficie du soutien de l’OFC dans les efforts qu’il entreprend afin de renforcer les capacités des associations artisanales. La transmission non formelle n’est pas directement abordée mais une étude sur l’artisanat a mis en évidence un lien entre les modes d’apprentissage formel et le degré de viabilité des pratiques.
Au niveau régional, certaines régions accordent leur soutien à certains éléments particuliers, à des associations d’interprètes/praticiens (par ex. le yodel à Saint Gall), à des associations cantonales (par ex. la Fédération fribourgeoise des chorales), à des évènements particuliers (par ex. le Festival de Bénichon) ou à certains savoirs (par ex. la maçonnerie). Il convient de noter que les villages et les villes ainsi que le financement d’initiatives de la société civile par des loteries jouent un rôle important dans la mise en œuvre des activités de sauvegarde. La Convention de 2003 a également fourni un nouveau cadre d’orientation pour le soutien déjà en place aux activités traditionnelles, associatives et culturelles non professionnelles. Parmi les mesures mises en œuvre, on pourra citer les travaux de recherche, la sensibilisation et des actions visant à la promotion du patrimoine (par ex. la collaboration entre une école d’art, des musées et une chaine de télévision pour réaliser des documentaires), des actions en faveur des créateurs culturels, des conférences, des débats et des expositions. Les cantons ont défini leurs propres priorités d’actions, comme, par exemple, la musique et le dialecte populaires dans le centre de la Suisse ou le yodel dans l’Appenzell. Toutes ces différentes initiatives de sauvegarde permettent de diffuser des informations, par les sites web et les bases de données, auprès du grand public sur les pratiques coutumières (par ex. réintroduire la pratique du yodel en plein air conformément au mode de vie traditionnel).-
En outre, un très grand nombre de mesures et d’initiatives d’éducation, de sensibilisation et de partage d’informations ont été prises comme, par exemple, la rédaction d’une brochure éducative destinée aux enseignants et présentant des activités différenciées pour les enfants de 5 à 18 ans (Vaud), la conception d’activités pour les enfants en âge scolaire sur le portail web du canton, et la mise à disposition en ligne d’inventaires (Fribourg, Argovie-Soleure, Valais et Berne), d’outils d’informations et d’études de terrain. Les musées et les centres régionaux ont également élaboré différents outils pédagogiques et des informations ont été diffusées dans les médias (Schwyz) et dans des brochures consacrées aux éléments locaux (Uri). Plusieurs cantons de l’est de la Suisse ont collaboré à un projet de formation musicale des enfants et des jeunes. Des événements sont régulièrement organisés afin de permettre aux nouveaux venus de se familiariser avec les traditions locales (Fribourg, Neuchâtel) et des offres de formation continue sont proposées (pastoralisme, horlogerie, maçonnerie à pierres sèches). Des démonstrations de compétences et de savoirs artisanaux sont organisées à l’occasion de festivals, de marchés traditionnels et des Journées européennes des métiers d’art. Ces initiatives permettent de sensibiliser le public et de renforcer les savoir-faire traditionnels et le rôle des praticiens par un contact direct avec le public. Les parcs naturels régionaux participent à des activités éducatives et de sensibilisation en lien avec le patrimoine culturel immatériel et l’environnement naturel (par ex. Parc de Gruyère Pays-d’Enhaut et Réserve de biosphère UNESCO d’Entlebuch) afin de promouvoir les savoir-faire liés aux ressources naturelles. Ils organisent des visites thématiques guidées destinées à sensibiliser les participants aux éléments du patrimoine culturel immatériel (festivals, coutumes et artisanat). Ces activités favorisent une éducation globale et diversifiée des enfants et des jeunes aux espaces naturels en lien avec le patrimoine culturel immatériel.
En matière de coopération bilatérale, sous-régionale, régionale et internationale, l’État fédéral a des contacts réguliers, par l’intermédiaire des Commissions nationales autrichienne et allemande et du Centre français du patrimoine culturel immatériel, avec des pays voisins afin d’identifier des sujets d’intérêt commun. En 2012, la Commission nationale suisse auprès de l’UNESCO a organisé un atelier international d’experts sur la Convention de 2003. L’Agence suisse pour le développement et la coopération a accordé son soutien au patrimoine culturel immatériel dans le cadre de différents projets de développement en Afrique, en Asie, en Europe de l’est, en Amérique latine et aux Caraïbes. Elle a également participé à des projets mis en œuvre par ’l’organisation non gouvernementale Traditions pour demain impliquant des peuples autochtones et des minorités d’ascendance africaine. Les activités de la Fondation Pro Helvetia s’inscrivent également dans le cadre d’échanges interrégionaux. Au niveau régional, un projet de coopération est en cours sur l’ethnographie italo-suisse et le patrimoine culturel immatériel, il réunit les régions italiennes de Lombardie, de la Vallée d’Aoste, du Piémont, la province autonome de Bolzano-Tyrol du Sud et les cantons suisses du Valais, du Tessin et des Grisons.
La Suisse n’a actuellement aucun élément inscrit, ni sur la Liste représentative, ni sur la Liste de sauvegarde urgente.